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Les gens d'église | Les nobles et le Tiers-état | Les guerres | L'histoire de France (suite) | |||
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L'histoire de France |
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Des proverbes conseillent d'être prudent quand on a affaire à
eux.
« Il faut se méfier du devant d'une femme, du derrière
d'une mule, et d'un curé de tous côtés. »
(Gascogne)
A l'époque de la Renaissance, les vieilles gens disaient :
« trois choses sont insatiables, les prestres, les femmes, la mer.
»
Les paysans accusent volontiers les prêtres de gourmandise.
Le dire béarnais « sorcières et loups-garous font manger
des chapons aux curés » date de l'époque où,
pour être préservé de maléfices et sortilèges,
on faisait dire des messes que l'on payait en chapons, d'où l'expression,
cimetière de chapons, par lequel on désignait l'abdomen
proéminent d'un curé.
Le ressentiment du clergé est tenace : « rancune de prêtre
» est un proverbe populaire en Wallonie comme en France.
On dit en Béarn : « Hayne de curé, laque d'oli, haine
de prêtre, tache d'huile », qui s'étend au lieu de se
restreindre.
En Haute-Bretagne, « un habit en haine de prêtre »
est celui qui ne s'use jamais;
en Picardie, une sorte d'étoffe très solide se nomme « Rancune
ed prête ».
etc.
Mieux vaut morsure de chien qu'un baiser de prêtre, dit un proverbe béarnais.
Le dicton de Haute-Bretagne : « Le plus mauvais ménage de la paroisse est au presbytère » fait allusion au peu de cordialité qui existe entre le recteur et son vicaire.
Il est rare que l'on attribue au clergé séculier les actes de
violence à l'égard des femmes, dont on accuse si souvent
les moines.
Cependant, on raconte en Basse-Normandie qu'une jeune fille vertueuse réussit
à s'échapper d'une chambre où un prêtre luxurieux
l'avait séquestrée, en suivant un souterrain qui aboutissait
à la mer;
c'est elle que, dans le pays, on a canonisée sous le nom de sainte
Colombe.
(voir cette légende,
telle que rapportée par Jean Fleury)
Le préjugé qui impute à la seule présence des prêtres
une sorte d'influence néfaste est sans doute antérieur
au XIIIème siècle, où un prédicateur s'élève
contre les gens qui se signaient à la vue d'un prêtre, considérant
que la rencontre était de mauvais augure;
au XVIIème siècle, il devait arriver malheur à celui
qui en rencontrait un sur sa route.
Cette superstition, qui n'a pas été relevée en Haute-Bretagne
est courante dans les Vosges et en d'autres pays de France, et elle n'existe
pas seulement dans le peuple.
On peut se préserver en touchant immédiatement un objet
en fer.
Jadis il ne fallait pas que la femme grosse voie habiller un prêtre à l'autel, principalement quand il mettait la ceinture de son aube, de crainte que son enfant ne naisse le boyau autour du cou.
Dans le pays de Tréguier, perdre une dent dans le cimetière au moment où l'on voit un prêtre est un présage certain de mort.
Dans la Beauce, le plus mauvais songe qu'on puisse faire c'est rêver aux curés.
Des gens croient encore que les curés peuvent faire crever le
bétail, infester de nuble et inonder de taupes tel ou tel
champ.
En 1867, le curé de la Loupe fut assassiné par un homme
qui croyait par ce meurtre se débarrasser du sort qu'il prétendait
lui avoir été jeté.
Une idée voisine semble avoir inspiré au Moyen Age un acte de
violence commis lors d'une épidémie qui faisait périr
beaucoup de monde :
des villageois résolurent de précipiter leur curé
dans une fosse avant d'y enterrer un mort, et hommes et femmes se ruèrent
sur lui pour l'y faire tomber. (J. de Vitry)
Aux époques où la démonomanie était florissante,
des prêtres se mêlèrent aux sabbats, et jusque vers le milieu
du règne de Louis XIV, cette accusation et celle de se livrer à
des actes qui touchent à la magie est encore assez fréquemment
portée contre eux.
D'après une superstition répandue anciennement en Béarn
et en Gascogne, pour se venger d'un ennemi, pour le réduire à
l'impuissance de nuire, il suffisait de faire prononcer contre lui l'escouminje,
l'excommunication, dont l'effet devait être le dépérissement
de la personne anathématisée.
Le prêtre, en surplis, portant l'étole et la chape noire récitait
douze séries d'imprécations, à la lumière
de douze cierges de cire noire, qu'on éteignait l'un après
l'autre.
En Gascogne, la messe de saint Sécaire avait pour but de faire «
sécher » peu à peu celui à l'intention duquel elle
était dite.
Les curés qui la savaient étaient rares, et il n'y avait
à se charger de la célébrer que les mauvais prêtres,
ceux qui sont damnés sans rémission.
Elle ne pouvait être dite que dans une église où l'on ne
pouvait s'assembler parce qu'elle est à moitié démolie
ou parce qu'elle a été profanée.
L'officiant amène sa maîtresse pour lui servir de clerc;
il doit être seul avec elle et avoir fait un bon souper.
Au premier coup de onze heures, la messe commence par la fin et continue
à rebours, pour finir juste à minuit.
L'hostie est noire et a trois pointes.
Le prêtre ne consacre pas le vin, il boit de l'eau d'une fontaine où
on a jeté le corps d'un enfant mort sans baptême.
Le signe de la croix se fait toujours par terre avec le pied gauche.
Cette messe se disait, paraît-il, dans la Gironde et coûtait de
25 à 50 fr.;
en Saintonge, on payait aussi fort cher les messes à l'envers.
Dans la Bigorre, la messe de male-mort, qui est surtout célébrée
contre les usuriers, provoque une agonie longue et douloureuse.
Lorsque le diable se montre sur terre, ce qui suivant plusieurs récits
localisés et que les conteurs ne font pas remonter à de longues
années est assez fréquent, on a soin d'aller chercher un
prêtre qui a la réputation d'être bon exorciste.
Mais ce n'est pas sans mal qu'il triomphe du démon :
celui-ci déchire parfois, les unes après les autres, les
étoles apportées pour le chasser;
aussi les prêtres ont-ils la précaution de se munir d'une douzaine
de ces ornements.
En Haute-Bretagne, comme dans le Maine, le curé qui conjure souffre beaucoup
et sue à grosses gouttes.
A Menton, les prêtres ont le don de voir les mauvais esprits.
Ils sont surtout familiers avec la mort et les choses de l'autre monde : ils
peuvent aussi dire à un mourant l'heure précise de son
trépas.
En Basse-Bretagne, beaucoup voient l'âme se séparer du corps
et certains savent le sort des trépassés.
En Normandie, au commencement du XIXème siècle, ils visitaient les cimetières la nuit pour s'assurer de la bonne conduite des défunts, et s'ils s'apercevaient que quelque damné allait devenir loup-garou, ils ouvraient la fosse, coupaient la tête du cadavre avec une bêche neuve, et allaient la jeter dans une rivière.
Les presbytères du Berry étaient, il y a une cinquantaine d'années, hantés par les âmes des curés qui avaient manqué à leur vu (G. Sand).
Un ancien presbytère de Basse-Normandie était hanté par
les mauvais esprits;
on y rencontrait parfois de gros chats qui marchaient obstinément
à côté des gens, et qui tout à coup se mettaient
à leur dire bonsoir avec des airs fort singuliers (Barbey d'Aurevilly).
Certains moines d'autrefois se mêlaient au peuple, qui les accueillait
volontiers parce qu'ils apportaient des nouvelles, avaient le mot pour rire
et contaient de joyeuses histoires.
Les paysans et les gens de métier les regardaient comme étant
en quelque sorte les prolétaires du clergé régulier,
dont les prieurs et les abbés formaient l'aristocratie.
Le dossier satirique de ces religieux est beaucoup plus abondant que celui qui leur est favorable.
Le proverbe « Paillard comme un moine » était courant au XVIème siècle, et les contes de cette époque sont, comme les fabliaux, remplis de récits en conformité avec lui.
D'après un recueil du XVIème siècle, un paysan, ayant
surpris une fille qui avait essayé de tuer son enfant nouveau-né,
la suit, et la voit entrer dans le couvent des moines de saint Benoît
près de Taillebourg.
Il en avertit la tante du roi François Ier qui ordonne à
ses gens d'entrer dans l'abbaye et d'y amener tous ceux qu'ils y trouveraient.
Ils lui obéissent, et conduisent devant la dame quinze moines, dix-sept
paillardes, quatre souillons de cuisine et cinq laveuses d'écuelles.
Des récits encore populaires dans le voisinages d'anciens couvents accusent
les moines de rapt de femmes, et quelques fois de meurtres.
A Béré, on raconte qu'une jeune fille entra chez ceux du couvent
de Saint-Sauveur et ne reparut plus;
le bruit courut que, pendant la nuit, elle avait été enterrée
sous le clocher;
c'est elle qui revient sous le nom de Bête de Béré
et hante les ruines de l'ancien monastère.
A Saint-Cast, des moines avaient enlevé sept jeunes filles du pays;
quatre avaient été tuées, et quand on fit une perquisition,
on en trouva encore trois qui étaient séquestrées.
C'est à la suite de cette découverte qu'ils furent chassés.
La destruction de plusieurs abbayes a été motivée par
les crimes de leurs habitants.
En Quercy le gouffre de l'Antouy, petit affluent du Lot, occupe la place d'un
monastère. Son dernier prieur voulait forcer sa nièce à
entrer en religion et à léguer ses biens à son couvent.
Un soir qu'elle était venue lui demander l'hospitalité, il la
livra à la lubricité de ses moines;
elle eut un enfant qu'elle faisait élever secrètement;
il disparut un jour, et, pour le retrouver, elle vint implorer le secours de
son oncle : celui-ci la retient, et lui fait servir au repas du soir des viandes
dont elle ne reconnaît pas la nature.
Lorsqu'elle semble rassasiée, on pose devant elle une assiette recouverte
d'un voile que le prieur soulève, et, dans les débris de son épouvantable
festin, elle reconnaît la tête, les pieds et les mains de
son enfant.
Elle sort du couvent et lorsqu'elle a franchi le ruisselet, elle maudit
le monastère en disant :
« Faites, ô mon Dieu, que la pierre la plus basse de cette demeure
en devienne la plus élevée ! ».
A peine a-t-elle achevé que les murailles s'engloutissent pierre à
pierre dans un gouffre dont on n'a jamais pu sonder les profondeurs.
Les moines sont bien plus rarement inculpés de sorcellerie que
les prêtres, et les récits qui leur attribuent ce rôle ont
surtout été relevés en Haute-Bretagne.
Ceux de Bosquen, qui avaient des liqueurs magiques, résolurent
une nuit de faire périr toutes les avoines.
Ils ordonnèrent à un de leurs serviteurs de jeter par la fenêtre
une bouteille qui avait le pouvoir de faire mourir tout le monde, les animaux,
les gens et les plantes quand on disait : « Berluke. »
Le garçon alla à la fenêtre et dit : « Berluke ! que
les avoines meurent cette nuit. »
Il ne jeta pas tout le contenu de la bouteille et les moines le lui reprochèrent.
Mais la nuit, quand tout fut à repos, le garçon prit le reste
de la bouteille, et le répandit en disant : « Berluke ! que tous
les moines meurent ! » Et ceux de l'abbaye moururent cette nuit-même.
Vers la fin du XVIIIème siècle, un des derniers prieurs
de Bosquen était sorcier;
il montait sans échelle sur la tour de l'église et il prédisait
l'avenir.
Les paysans taxent les religieuses de fainéantise, de même
que les autres personnes qui ne travaillent pas à des ouvrages de force
: l'une d'elles n'ayant rien à faire inventa les puces pour se
désennuyer.
C'est peut-être parce que, en raison de leur vie sédentaire, elles
sont souvent grassouillettes, que l'on dit en Haute-Bretagne d'un mauvais
couteau, qu'il coupe comme les genoux d'une nonne, et en Vendée
« Queum les genoils d'ine bonne sur. »
Le célibat des religieuses, les regrets qu'il entraîne parfois,
les circonstances qui en accompagnent la rupture, les amours au couvent, tiennent
dans la littérature orale et dans les légendes une place qui,
sans être aussi grande que dans la littérature écrite, ne
laisse pas que d'être considérable.
En Haute Bretagne court le dicton suivant :
La communauté de saint José
Deux têtes sur l'oreiller
Et deux pantouf'es sous l'let (lit)
Plusieurs chansons où figurent les bonnes surs parlent
de celles qui ne restent pas volontiers, comme dit un couplet poitevin, «
à pourrir derrière les grilles ».
Il était d'usage que les nonnes du Doubs envoyassent au comte de Dôle
une Notre-Dame de cire;
une novice gagna la tourière et se mit dans le coffre à
la place de la Vierge.
Un jardinier robuste qui l'avait chargée sur ses épaules, s'arrêta
à boire en route et le déposa sur la margelle d'un puits;
mais la pauvre fille se trouva les pieds en l'air et la tête en bas.
Elle n'osait ni parler ni se plaindre et le moindre mouvement pouvait la précipiter
dans le puits.
Elle échappa pourtant à ce péril; mais, en expiation de
sa faute, elle resta toute sa vie plus jaune que la statue dont elle
avait osé prendre la place.
L'abbaye de Longchamps avait mauvaise réputation, comme celle de Notre-Dame
du Lys en Brie, qu'on appelait à la même époque le vrai
séminaire des Enfants rouges, à cause du débordement
des religieuses qui y habitaient.
Au couvent Saint-Félix s'attachait ce dicton : « Douze lits et
treize berceaux ».
La conduite irrégulière des religieuses de Larrey les fit appeler
vouivres (sorte de serpent fabuleux).
D'où le proverbe :
« Désir de fille est un feu qui dévore,
Désir de nonne est cent fois pire encore. »
Suivant une tradition ancienne qui est venue s'attacher à des couvents
bâtis de nos jours lorsqu'ils sont voisins et habités par des religieux
de sexes différents, ils sont reliés par des souterrains.
On prétend que celui de Baume-les-Messieurs communiquait ainsi avec celui
de Château-Chalon.
En Normandie, les nonnes et les curés qui se sont aimés et n'ont pas fait pénitence avant de mourir sont condamnés à suivre la Chasse Annequin. (voir page "astres 4" les Chasses aériennes.)
Les fantômes des religieuses d'une abbaye située sur la rive gauche du Rhône dansent des sarabandes infernales avec les moines dans les ruines de l'abbaye de Saint-Alban à Malarage, qui était de l'autre côté du fleuve, en punition des orgies auxquelles ils se livraient ensemble de leur vivant.
Une nonne est punie à cause de sa coquetterie;
elle revient dans un vieux manoir des environs de Morlaix où elle erre
en retroussant sa robe et en montrant ses jambes : l'une d'elle est décharnée
et livide, tandis que l'autre, très bien faite est couverte d'ulcères.
Cette revenante est une ancienne habitante de la maison, qui fut en effet religieuse,
et qui, sachant qu'elle avait la jambe bien tournée, la montrait à
tout propos.
En punition de sa vanité, elle est condamnée à revenir
jusqu'à la fin du monde, et à faire voir à ceux qui la
rencontrent, au lieu de ses belles jambes, des jambes répugnantes.
Un jour une vieille femme se munit d'un cierge et d'eau bénite, et elle
osa lui dire qu'au lieu d'effrayer les vivants, elle ferait mieux de
se tenir tranquille dans sa tombe.
Elle entendit un sanglot, et depuis, la religieuse aux beaux mollets
ne se montre plus qu'une fois l'an, la nuit du 31 décembre.
Des légendes racontent que des religieuses, pour garder leur vu
de chasteté, ont recours à des mutilations ou même
au suicide.
Lors de l'invasion normande, les filles d'un monastère de Fécamp
se coupèrent le nez et les oreilles pour que les Barbares ne ressentissent
plus à leur vue que du dégoût.
(Des mutilations semblables sont attribuées à
des religieuses anglaises.
J. de Vitry rapporte qu'une nonne dont un prince était amoureux jusqu'à
menacer d'employer la violence s'arracha les yeux et les lui envoya.)
Le diable, qui est si souvent vaincu par les femmes, l'est rarement
par les religieuses;
cependant le Pont-aux-Nonnes en Saint-Donan (C. d'A.) est ainsi appelé
parce que, un matin, le diable s'y posta pour attendre une jeune nonne qui avait
coutume de le traverser pour aller à la messe à l'église
du Fil;
mais la jeune fille lui opposa un signe de croix et le précipita dans
la rivière.
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