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Une légende franc-comtoise explique l'origine d'une fontaine intermittente
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« Un jour que le sire de Joux sortait de son château sur
sa jument favorite, la herse, tombant trop tôt, coupa sa monture en deux;
le seigneur ne s'en aperçut pas, et la cavale, sur deux pieds seulement,
continua son galop à travers la campagne.
Arrivée à une gorge sauvage où se trouve la fontaine de
la Combe, elle se mit à boire, à boire indéfiniment.
Le seigneur, après de vains efforts pour l'obliger à relever la
tête, sauta à terre, et s'aperçut alors seulement qu'elle
n'avait plus que deux pieds et que l'eau, à mesure qu'elle la buvait,
ruisselait sur le sol;
il revint au château et conta l'aventure à ses gens, mais quand
ils arrivèrent à la fontaine, la jument avait disparu.
Depuis, la fontaine coule toujours, mais avec intermittence.
Elle retient et donne son eau de six minutes en six minutes.
Les habitants de la contrée ont cru longtemps que c'était la jument
invisible du sire de Joux qui venait là cent fois le jour étancher
sa soif, et que l'onde ne renaissait que quand l'animal désaltéré
cessait de boire. »
A Esquieule (pays basque), on voyait de temps en temps deux Lamignac,
qui sont des espèces de fées, sortir de la fontaine d'Andretho,
s'asseoir sur la rive et se chauffer au soleil.
Une bergère de la région du Morvan, où les fées
des fontaines sont toujours populaires, affirmait, il y a peu d'années,
qu'elle avait vu une grande dame blanche descendre jusqu'à la source
de la Certenue, où elle se baissa, ne semblant pas toucher terre.
En Berry, la Dame de la Font de Chancela, non moins belle que perfide,
habitait cette fontaine, dont elle sortait pour aller se promener dans le Pré
à la Dame, et le Champ de la Demoiselle.
La nuit, on voit s'élever au-dessus de la source une gigantesque figure
de femme, qui se perd dans le temps.
Cette fée était d'une incomparable beauté : un seigneur
du voisinage, qui en était tombé éperdument amoureux, parvint
plusieurs fois à l'enlever, mais à peine l'avait-il placée
sur son cheval, qu'elle lui fondait entre les bras, et lui laissait une impression
de froid si profonde et si persistante que toute flamme amoureuse s'éteignait
à l'instant dans son cur, et qu'il en avait pour plus d'une année
sans songer à un nouvel enlèvement.
Celui qui avait le malheur de se récrier sur la trop grande fraîcheur
de l'eau de cette fontaine perdait la parole, et était condamné
à aboyer tout le restant de ses jours.
Le cheval de saint Rou, qui fut un fameux chasseur, s'emporta dans une
lutte contre des sangliers, et vint se noyer ainsi que son cavalier, dans la
fontaine de la forêt de Rennes qui porte le nom de saint-Rou.
On y montre au fond, sur une pierre énorme, l'empreinte de ses sabots,
et durant les tempêtes, on entend des hennissements effroyables.
Les abords de la fontaine de la Meuse possèdent une particularité qui, comme plusieurs empreintes merveilleuses, est due au passage d'un bienheureux : « Depuis que saint Antoine, ayant été chercher de l'eau à la fontaine de Ribeaucourt, en répandit quelque peu dans son trajet, le chemin qu'il suivit est toujours humide. »
Suivant une légende alsacienne, un personnage transporta une
source entière, à l'aide de son bâton.
Avant de s'en aller combattre les Infidèles, le chevalier Gangolf
dit à sa femme :
« Je pars avec Dieu et pour Dieu, sois-moi fidèle. »
A son retour, il rencontra un paysan qui se reposait au bord d'une source. «
Donne moi ta source, lui dit-il, je paierai avec de bon argent.
La source, répondit l'autre, vous pouvez l'emporter, j'accepte.
Avec l'aide de Dieu » ! répondit le chevalier, qui tira
sa bourse et paya le paysan.
Ensuite, il poussa son bâton dans l'eau, qui y remonta, et partit.
Arrivé à son château, il pria sa femme de l'accompagner
au jardin.
Il planta alors son bâton en terre et il en sortit une eau claire qui
écuma, bouillonna et se répandit dans un bassin.
« Tu me fus sans doute fidèle ?
Plonge ta main dans cette eau; si tu la retires pure et blanche, tu es un ange
de lumière, sinon, un ange des ténèbres. »
Après de longues hésitations, la dame plongea la main dans la
source; quand elle la retira, elle était couverte d'une boue noirâtre.
Gangolf poussa son bâton dans la source, qui y remonta tout entière,
puis il marcha jusqu'au moment où il arriva dans une fraîche prairie
de la vallée de Guebwiller.
Il y fit de nouveau sourdre de son bâton l'eau qui se répandit
au loin.
Saint Remacle opéra le même miracle : un jour qu'il avait
demandé en vain un verre d'eau dans toutes les maisons d'Ouffet, il finit
par trouver dans le voisinage une belle fontaine à laquelle il
se désaltéra;
pour punir tous les gens d'Ouffet, il introduisit son bâton dans la fontaine,
la mit sur son dos, et arrivé à Rahier, sur le plateau tout nu,
il replanta la fontaine.
En Normandie, une fontaine à laquelle on attribue le pouvoir de se déplacer,
est en relation avec la fin du monde :
« La fontaine de Saint-Berthevin s'approche chaque année de
l'église de la longueur d'un pas d'homme;
quand elle sera arrivée au pied du temple, le Jugement dernier aura lieu.
»
A Saint-Pôan (Côtes-d'Armor), un énorme chêne,
qui n'est autre qu'un homme métamorphosé en arbre par une fée,
empêche une source de déborder;
si on l'arrachait, le pays serait inondé à cent lieues à
l'entour.
Des reptiles d'un caractère mystérieux ou fantastique
viennent se baigner ou se désaltérer dans les sources;
telle : la Vouivre, qui se montre aussi
sur le bord des étangs et des ruisseaux, est le plus merveilleux et le
plus connu des reptiles qui hantent les fontaines.
C'est un serpent ailé dont le corps est couvert de feu; son il
est une escarboucle* admirable dont il se sert pour se guider dans ses
voyages à travers les airs.
Suivant quelques témoignages oculaires, c'est un globe lumineux qui le
précède d'une coudée.
La vouivre du château de Gemeaux (Côte d'Or) se baignait
dans la fontaine de Gemelos, entre deux et trois heures de l'après-midi.
Si on la surprenait, elle relevait son capuchon sur sa tête.
Lorsque ces serpents ailés avaient soif, ils déposaient leur diamant
au bord de l'eau, dans la crainte de le perdre ou pour éviter qu'il fût
terni.
Plusieurs aventuriers essayèrent de prendre la pierre merveilleuse; mais
peu y réussirent.
La vouivre qui venait autrefois se désaltérer à la source
de Condes fut cependant dépouillée par un homme du pays.
Il imagina de se blottir sous un cuvier** et de le poser sur le diamant
pendant que la vouivre était à boire.
A son retour, ne trouvant plus son il, elle se précipita avec fureur
sur le cuvier.
Mais le rusé villageois l'avait hérissé de clous dont les
pointes se présentaient au-dehors, et c'est en s'y blessant à
plusieurs reprises que l'aveugle serpent succomba.
* Gemme rouge d'un vif éclat (ancien nom des grenats
rouges et du rubis).
** Cuve à lessive.
Plus d'infos sur la Vouivre : http://crdp.ac-besancon.fr/
Les fontaines sont aussi le théâtre d'une série de consultations,
en général clandestines.
Les plus nombreuses sont celles qui ont trait au mariage; l'épingle
est l'agent le plus employé.
Un des plus anciens exemples nous a été conservé par un
homme qui en avait été le témoin dans sa jeunesse.
Il se préparait à quitter Sens, lorsqu'il fut invité à
assister à la fête de l'épingle.
« Des jeunes personnes vont jeter une épingle dans une fontaine
dédiée à Vénus, pour savoir si elles seront
mariées dans l'année.
Si l'épingle se précipite au fond sans reparaître, elle
enfouit avec elle le plus doux espoir;
mai si elle reste à la surface de l'eau, c'est le signe enchanteur d'un
prochain hyménée, et les roses du plaisir s'épanouissent
sur le front virginal de la jeune personne. »
En Poitou, dans les Vosges, et dans plusieurs parties de la Haute-Bretagne,
la jeune fille est assurée de se marier dans l'année si l'épingle
descend sans faire de tourbillon.
Aux environs de Pont-l'Abbé, si l'épingle, tombant
à plat, tourne sur elle-même avant de couler au fond, la jeune
fille se mariera dans l'année;
si elle se dérobe en signes inégaux, elle restera fille.
Lorsque l'épingle jetée dans la fontaine de Saint-Gobrien, dans le Morbihan français, descend la tête en bas, la jeune fille trouvera un époux avant l'an révolu.
Divers objets remplissent dans ces consultations un rôle analogue à celui de ces objets de toilette.
Quand une jeune fille jette des morceaux de poteries dans la fontaine
de Saint-Derrien-en-Penmarc'h (Côte d'Armor), le nombre de bulles
d'air qui montent à la surface lui indique combien d'années elle
devra attendre un mari.
La fontaine de Saint-Efflam, à Plestin-les Grèves, (C.
d'A) est l'objet d'une consultation apparentée :
elle consiste à poser sur le canal qui en sort, deux petits morceaux
de pain, dont l'un représente la jeune fille et l'autre le garçon.
Ce canal s'élargit et forme une sorte de bassin où il y a un remous,
dont l'eau, après avoir tourbillonné se rend dans un déversoir.
Il est nécessaire, pour que le mariage soit prochain et probable, que
durant tout ce trajet, les deux morceaux flottent en conservant la distance
qui les séparait au début de la course;
s'ils s'éloignent, le mariage n'aura pas lieu de si tôt, et peut-être
ne se fera-t-il jamais.
Un autre usage relevé en Normandie fait intervenir des cierges ou des chandelles auprès des sources.
La fontaine de Virginie, qui se trouve à environ
cinq kilomètres de Villerville (Calvados) est alimentée par une
belle source qui sort du pied d'un vieux hêtre.
Une jeune fille, tuée en cet endroit dans des circonstances passionnelles,
aurait été enterrée sous le vieil arbre, et ce serait cette
circonstance qui aurait donné naissance à la pratique suivante
:
Les jeunes filles qui veulent se marier doivent aller seules au bord de la fontaine
et y allumer une chandelle neuve.
Si celle-ci brûle jusqu'au bout, la jeune fille se mariera dans l'année,
si elle s'éteint, il faut attendre.
Les événements futurs se retracent parfois sur le cristal des fontaines comme sur une sorte de glace magique.
Le jour de la pleine lune, à minuit juste, le jeune homme
qui se trouvait seul à la fontaine de Barenton voyait, si le sort devait
lui être favorable, l'image de sa bien-aimée sur le miroir
limpide de la source.
De même la jeune fille voyait le portrait de celui qu'elle devait épouser;
si rien n'était apparu, c'était un mauvais présage.
En Berry, le jour de la Saint-Jean, la jeune fille en s'inclinant aux premiers rayons de l'aurore sur une source y verra se refléter, à côté de sa propre image, celle de son futur.
Quelques fontaines sont appelées à attester la pureté des personnes pour lesquelles on les consulte.
Il y a une cinquantaine d'années les fiancés venaient,
quelques jours avant le mariage, tremper un doigt dans une fontaine dite de
Saint-Gengout, à Chassericourt, dans l'Aube;
si ce doigt en sortait mouillé, c'est que son possesseur serait infidèle,
s'il était sec sa fidélité était certaine.
Saint Gengoul ayant des doutes sur la vertu de sa femme, qu'il
avait laissée seule pour guerroyer, eut une vision, où un ange
lui désigna une fontaine située à Choiseul, en l'engageant
à demander à la châtelaine de plonger le bras dans son eau.
« Si elle est innocente, dit l'ange, nul mal ne lui arrivera. »
Le lendemain, Gengoul proposa à sa femme de visiter leurs terres du Bassigny.
Au milieu du jour, ils arrivèrent à la fontaine miraculeuse, et
Gengoul y plongea son bras jusqu'à l'épaule, en engageant sa compagne
à en faire autant.
Elle le fit en se jouant, mais son rire fit place à la stupeur quand
elle retira le bras couvert de plaques violettes et noires, d'ulcères
et de suppuration.
Gengoul alla s'enfermer dans un ermitage, et depuis, la fontaine sert d'éprouvette
pour la vertu des femmes et des filles.
Dans l'Aube, le bras de l'épouse d'un croisé soumis
à la même épreuve dans la fontaine de Saint-Georges
à Etourvy en sortit complètement desséché.
Cette fontaine bouillonnait aussi et se troublait lorsque ceux qui avaient forfait
à l'amour conjugal se trouvaient dans son voisinage immédiat.
Dans l'Orne, celle de Saint-Cénéry-le-Léger retenait
ses eaux toutes les fois qu'une femme criminelle s'en approchait.
Celui qui veut savoir combien de temps il lui reste à vivre
va se pencher, la première nuit de mai, sur le coup de minuit, sur la
fontaine du Trépas à Plouégat.
S'il doit mourir sous peu, au lieu de son image vivante, c'est la tête
qu'aura son squelette qui lui apparaîtra.
Ce genre de consultation est plus fréquemment employé
par les gens qui, ayant été mordus par des chiens suspects d'hydrophobie,
désirent être renseignés sur la gravité de leur cas.
Ils se rendent à la fontaine de Saint-Gildas et le rustique miroir
de l'eau donne un diagnostic certain;
Si l'image du chien se reflète sur la surface de l'onde, le sujet est
enragé, sinon il n'est pas malade.
Suivant la croyance du cap Sizun, les chiens enragés sont
obligés, avant de mourir, de venir rendre compte de leur conduite à
saint Tugen de Primelin.
Celui qui a été mordu doit tâcher de devancer le chien,
et pour cela il court à la chapelle, fait trois fois le tour de la fontaine
et regarde au fond de l'eau.
Si celle-ci reflète sa figure, il peut se rassurer, le saint a entendu
sa prière et il l'a exaucé.
Si l'eau reproduit l'image du chien, c'est que l'animal est déjà
passé, et a caché à saint Tugen ce qu'il a fait;
le saint n'a plus de pouvoir et le patient tombe de rage à l'instant.
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