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(men = pierre, hir = longue)
L'aspect de ces mégalithes a sans doute contribué à leur
faire donner des noms pittoresques;
un certain nombre qui, amincis à leur extrémité supérieure
et à celle qui s'enfonce dans la terre, sont renflés vers le milieu,
ont éveillé l'idée de quenouilles ou de fuseaux,
que des filandières surnaturelles ont apportés ou dressés.
On raconte près de Lodève qu'une fée portant un menhir sur sa tête, tout en filant sa quenouille, le laissa tomber, lorsqu'elle vit qu'elle était aperçue par un indiscret.
Comme les campagnardes, les personnages féminins utilisent leurs vêtements
pour le transport de ces lourds fardeaux.
Les menhirs de Plaudren ont été pris, à une lieue de là,
par une bonne femme qui les mit dans son tablier;
celui de Vieuxviel (Tarn) fut apporté dans les pans de la robe de sainte
Carissime.
L'archéologue Galeron a noté en Normandie une explication
qui n'a pas été retrouvée ailleurs :
un paysan lui dit que des bergères et des fées avaient élevé,
au son de leur chalumeau, les Pierres des Prés Gastines qui forment une
sorte de cromlec'h.*
* Monument mégalithique formé de menhirs dressés en cercle.
Des personnages gigantesques figurent aussi parmi les constructeurs de mégalithes.
Actuellement le géant auquel sont dus les menhirs est presque
toujours Gargantua, qui vraisemblablement a peu à peu remplacé
des géants anonymes ou moins connus.
Quelques menhirs ont fait partie du corps de Gargantua;
- à saint-Suliac, l'un deux est sa dent, qu'il a avalé par mégarde,
et qu'il vomit à cet endroit;
- près d'Avallon, on montre son petit doigt;
- des menhirs à Doingt, aux environs de Guérande, sont des cailloux
qui le gênaient dans ses souliers.
Plusieurs menhirs ont servi à ses jeux :
à Changé (Eure-et-Loir), des pierres debout sont ses palets;
les trois pierres d'Avrillé lui servait de but, alors qu'étant
devin et berger il s'amusait.
Un jour qu'il se trouvait avec deux géants de ses amis, Courte-Echine
et Fine-Oreille, sur la montagne de l'Hautil au-dessus de Chanteloup,
il leur proposa une partie de palet dont l'enjeu serait une colossale
friture que l'on irait consommer à Cergy.
Il fut convenu que celui dont le palet se rapprocherait le plus de cet endroit
serait le gagnant.
A cette époque, le plateau de l'Hautil était couvert de dalles
en grès d'une dimension considérable.
La partie commença :
Courte-Echine se baissant ramassa un bloc énorme qu'il jeta négligemment
devant lui;
soit qu'il n'eût pas assez d'élan, soit que la force lui manquât,
son palet alla tomber dans la Seine, en face d'Andrézy, dont il obtura
le cours pendant de longues années.
Fine-Oreille à son tour lança un roc qui, après
s'être élevé à une hauteur prodigieuse, s'abattit
dans les environs de Jouy-le-Moutier où on le voit encore.
Gargantua ramassa une dalle longue et large, mais peu épaisse,
et la lança devant lui sans nul effort;
elle alla se ficher en terre à Gency, où on l'appelle le Palet
de Gargantua.
Nombre de menhirs s'appellent Pierre du diable.
Ces noms, ont été imposés aux divers mégalithes
pour jeter sur eux une sorte de discrédit, et détruire
le culte que le peuple leur rendait.
Parfois on raconte que ceux qui sont groupés d'une certaine façon,
sans présenter des aspects anthropomorphes bien accusés, furent
des personnages, pétrifiés à cause de leurs mauvaises
actions.
Le cromelec'h des Demoiselles de Langon est formé par le corps de jeunes
filles qui, au lieu d'assister à la messe du dimanche, s'étaient
rendues là pour danser.
On raconte dans la Creuse que le menhir de Pierre Femme à Champagne, qui a l'aspect d'une montagnarde debout et coiffée de son bonnet, n'est autre chose que sainte Valérie qui, pour échapper à des chiens féroces que les païens avaient ameutés contre elle, se métamorphosa en cette pierre.
Les menhirs sont fréquentés par divers personnages :
les fées viennent danser chaque nuit autour de celui de Château,
Celles du bois de Rocogne (Aisne) et les sorciers qui l'habitent forment
des rondes autour du menhir de la Vallée;
le diable juché sur la Pierre du Rendez-vous à Vaumort
(Yonne) jouait de la musique à celles qui dansaient autour.
Bien qu'on n'en ait peu de témoignages écrits, il est vraisemblable
que des opérations magiques destinées à faire apparaître
le diable se sont accomplies près de ces monuments.
Lors du procès de Gilles de Retz (1440), un de ses complices,
Etienne Cornillaut, dit Pontou, déposa qu'une nuit il alla avec son maître
et l'italien Prelati « invoquer certain démon qui tient sous
sa puissance les trésors cachés
en un pré où
sont les pierres levées », et c'est là que Prelati traça
un cercle magique avec un coutelas trempé dans le sang.
Plusieurs de ces blocs se meuvent à des époques et dans
des circonstances déterminées.
Le grand menhir de Quintin tournait sur lui-même, comme celui de Saint-Martin-d'Arcé
(Maine-et-Loire) chaque fois que minuit sonnait.
Le menhir de Gerponville (Seine-Inférieure), une Pierre frite près
d'Aillant (Yonne), tournent trois fois sur eux-mêmes pendant l'Evangile
de Noël.
Plusieurs Pierres frites du Velay tournent lentement sur elles-mêmes pendant
cette nuit merveilleuse.
La Pierre des Demoiselles du Mesnil Hardray (Eure) se soulève
chaque année pendant la messe de minuit pour laisser sortir une ronde
de demoiselles vêtues de blanc.
D'autres menhirs se meuvent même en plein jour :
La Pierre des Fées, dite aussi Pierre qui danse, Pierre berce, danse
lorsque sonne la cloche de Naillac, et elle s'ébranle quand le tonnerre
gronde.
Un menhir près du village du Perron (Orne) et d'autres, tournent trois
fois lorsque le coucou chante pour la première fois.
Certains menhirs vont se désaltérer pendant la nuit de
Noël;
quelques-uns ne peuvent étancher leur soif que tous les siècles,
et à minuit sonnant, comme celui de la Boëxière et les pierres
de Plouhinec;
quand celles-ci vont boire à la rivière d'Intel, elles laissent
à découvert des trésors;
mais elles reviennent si vite à leur place qu'il est presque impossible
de les éviter, et qu'elles écrasent le chercheur, à moins
qu'il n'ait sur lui une branche de l'herbe de la croix, entourée
de trèfle à cinq feuilles.
Le peulvan* encastré dans le mur du cimetière de Pontivy va boire
au Blavet et découvre aussi un trésor;
les pierres de Carnac courent se baigner dans la mer.
* ou peulven = menhir.
Quelques menhirs ont le privilège d'être sonores.
La plus grosse pierre du cromlec'h des Forges de Montguillon, la maîtresse
pierre de Rennefraie, Pierre-Bise à Boissy-le-Sec, renferment des horloges
qui sonnent les douze coups de minuit.
Les anciens prétendent qu'en appuyant l'oreille sur le menhir de la Pierre
sonnante au Peti-Auverné, et sur l'un de ceux de Saint-Aubin-les-Châteaux,
ont y entend sonner l'heure.
Les paysans qui s'appliquent l'oreille sur le menhir de Mesnil Briouze croient
entendre le bruit de la mer, avec laquelle, disent-ils elle est en communication.
voir photo (menhir adossé à la cathédrale du Mans)
Les menhirs qui se dressent - éternelles énigmes
- le long des côtes de l'Océan, servaient de pierres d'épreuves,
non seulement en fait de criminalité, mais comme révélateurs
de l'état d'âme des amoureux.
Au 24 juin, en Bretagne et en Vendée, jeunes gens et jeunes filles allaient
déposer des épis verts, des fleurs de lin sur ces monuments.
Huit jours après, ces fleurs étaient-elles encore fraîches,
c'était un signe de fidélité.
(dol = table, men = pierre)
Plusieurs dolmens sont l'uvre de femmes surnaturelles,
assez puissantes pour en transporter les lourds matériaux sans cesser,
comme le font les paysannes en marche, de filer ou de tricoter.
Les fées qui dressèrent les blocs de la Roche aux fées
d'Essé les apportaient sur leurs têtes et dans leurs devantières
(tabliers);
quand elles ne filaient pas, elles en soutenaient quatre à la fois.
Par ailleurs, on assure que la quantité des pierres la constituant varie
sans cesse, et que ceux qui les comptent ne parviennent jamais à en trouver
deux fois le même nombre.
Une fée qui gardait ses moutons près de la Tioule
de las Fadas (Cantal), appelée aussi la cabane des Fées, alla
chercher bien loin, pour se mettre à l'abri de la pluie, des masses de
granit que dix bufs ne remueraient pas et leur donna la forme d'une
maisonnette.
Elle portait la plus grande au sommet de sa quenouille, ce qui ne l'empêchait
pas de filer pendant la route.
La pierre levée de Brantôme a été soulevée par les quenouilles de trois jeunes pastourelles, qui probablement étaient, à l'origine trois fées.
A la poterie de Lamballe, un dolmen à demi renversé
se nomme le Coffre de Margot-la-Fée.
Celle-ci tricotait en portant la pierre sur sa tête lorsqu'elle rencontra
un oiseau qui ne remuait plus.
Elle demanda à une bonne femme ce que c'était :
« C'est une pie morte.
On meurt donc dans ce pays-ci ?
Oui tout meurt et les gens aussi.
Et moi qui portait cette pierre pour un monument; ce n'est pas la peine
de le construire. »
Et elle jeta la pierre où elle est aujourd'hui.
La forme des dolmens a facilement éveillé l'idée
d'espèces de maisons, et les paysans qui ne connaissaient pas leur destination
en ont fait la résidence des êtres surnaturels qui passent souvent
pour les avoir construit.
Le plus ordinairement ce sont des fées, et le nom de Grotte aux fées
leur est assez fréquemment donné pour qu'on puisse le considérer
comme un des synonymes de dolmen.
Il est assez rare que les fées passent encore pour y habiter; on croit cependant encore que sous le dolmen du Fao en Saint-Gelven (Saint-Nectaire) vit toute une légion de fées qui en sortent à minuit pour danser sur sa table.
Un homme couché sur l'herbe près du Creux des
Fées (dolmen de Guernesey), entendit crier :
« La païlle ! la païlle ! (la pelle) le fouard est
caûd ! »
Et une voix répondit : Bon, j'airon de la gâche bientôt
! »
D'après une variante, des paysans virent, presque aussitôt que ces paroles eurent été prononcées, un pain tout chaud sur un des sillons; l'un deux courut pour s'en emparer, en disant qu'il en voulait un morceau pour sa femme, mais il reçu un tel soufflet qu'il s'allongea sur le gazon.
A certaines époques de l'année, des fées étendaient, vers minuit, le linge qu'elles avaient lavé sur le dolmen de la Pierre des Vignes à Hablonville, pour le sécher aux rayons de la lune.
D'après des traditions très répandues, les
fées se plaisent à former des rondes autour des dolmens.
On en a vu plusieurs, la nuit de Pâques, danser au clair de la lune près
du Kist-Vean de Caro : c'étaient de grandes femmes belles, vêtues
de blanc, et si lumineuses qu'en regardant leurs figures on croyait voir
une lumière à travers une lanterne de corne.
Elles n'étaient pas dangereuses comme celles que la tradition nomme des
jeunes filles, et qui dansaient sous la clarté de la lune;
celles-ci appelaient le voyageur attardé, et si l'un d'eux se laissait
séduire, on retrouvait son cadavre mutilé dans les ronces et les
pierres de la colline.
Ces fées possédaient du bétail qui
se nourrissait aux dépend des voisins.
La vache de la Maison des Feins à Tressé passa en dommage dans
le pré d'un fermier qui se mit en colère;
mais une des fées survint et lui donna un chanteau de pain pour l'indemniser,
en lui disant qu'il ne diminuerait ni ne durcirait tant qu'il garderait le secret
sur sa provenance.
Dans la région du Centre, ces monuments sont en relation
avec les Martes que l'on regarde comme des espèces de fées
déchues et disgracieuses.
Celles de Montgarnaud sont de grandes femmes hideuses, décharnées,
à peine vêtues, aux cheveux longs, noirs et raides, aux yeux de
flammes, aux mamelles flasques, pendant jusque sur leurs cuisses.
Du haut de la table d'un dolmen, du faîte d'un menhir, elles appellent
parfois, à la tombée de la nuit, les bergers et les laboureurs.
Si ceux-ci ne se hâtent pas de répondre à leurs avances
amoureuses, elles les poursuivent en rejetant leurs seins par-dessus leurs épaules.
Malheur à celui qui ne fuit pas assez précipitamment et qu'elles
contraignent à subir leurs baisers impudiques !
En Bretagne, nombre de dolmens ont été habités
par des personnages de petites tailles, et les gens du voisinage ne sont
pas bien certains qu'ils les aient abandonnés.
Les dolmens des environs de Carnac avaient été la résidence
des Kérions qui étaient très petits, mais très
robustes.
La danse était le divertissement habituel de ces petits êtres.
On les rencontre au clair de lune, sautant auprès des pierres consacrées
ou des monuments druidiques :
s'ils vous saisissent par la main, il faut suivre leurs mouvements; ils vous
laissent exténué sur la place quand ils la quittent.
Le voisinage des dolmens est redoutable après le soleil
couché.
Une jeune fille, que Galeron rencontra près de celui de Passais,
lui raconta qu'un ouvrier, qu'elle nomma, s'en étant par mégarde
trop approché à la fin du jour, avait été aussitôt
saisi par deux hommes très grands qui l'avaient secoué,
tourmenté et laissé sur place, et qu'il s'était couché
pour mourir.
Bien que ces monuments aient servi de sépulture
et que les gens du voisinage sachent qu'on y a trouvé des ossements,
il est rare qu'ils les croient hantés par des personnages de l'autre
monde.
Un habitant de la Clavette ayant interrogé un fantôme qu'il voyait
sortir sous diverses formes de la Pierre levée de la Jarne, celui-ci
lui dit que son corps gisait depuis de longues années sous le dolmen,
et que son âme ne serait délivrée du Purgatoire
que si une messe était dite à Saint-Nicolas de la Rochelle, après
une procession qui, partant de la Clavette, passerait devant la pierre;
à la fin de la messe, l'homme aperçut une colombe qui prenait
son vol sous les voûtes de l'église et qui disparut.
Des animaux féroces, diaboliques ou fantastiques sont souvent
en relation avec ces monuments.
A Elven, un dolmen s'appelait la Loge du Loup, un autre, dans la forêt
de Cognac, la Cabane du Loup;
les paysans ont vu rôder autour une bête monstrueuse dont
les yeux lançaient des flammes.
Un cheval blanc, dont la vue était fort redoutée, se promenait
la nuit, près d'une Roche aux fées des environs de Saint-Brieuc.
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