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En Basse-Normandie, un paysan était à la fois impie et voleur.
Après avoir passé la nuit du samedi au dimanche à dévaster
les haies voisines pour étouper la sienne, sans arriver à empêcher
la lune d'y pénétrer par les interstices, il jeta sa serpe
de dépit quand sonna l'Angélus, et il s'en revenait, cheminant
péniblement sous un gros fagot d'épines, lorsqu'il rencontra
des gens qui lui crièrent :
« Bonhomme, vous venez donc encore de nous voler du bois !
Par ma fé, répondit-il, que je puisse être
dans la Lune, si vous ne mentez !
Il n'avait pas achevé que déjà il y était.
Jean des Choux, ou Jean de la Lune, passait son temps à voler
les choux de ses voisins.
Un jour que la Lune brillait en son plein, il eut peur de son regard menaçant,
et comme sa brouette chargée de choux grinçait, il crut que c'était
ce bruit qui éveillait l'attention de l'astre; il essaya de la graisser
en urinant sur le moyeu;
mais la Lune le regardait toujours et finit par le faire monter jusqu'à
elle.
C'est lui que l'on voit roulant éternellement sa brouette sur le disque
lunaire.
(Lorraine)
Une légende morbihannaise la fait descendre sur terre sous la figure
d'une vieille femme.
Une ménagère avare qui, pour économiser la lumière,
travaillait la nuit à sa lessive, vit tout à coup tous les ustensiles
de sa maison se précipiter vers la porte, comme attirés par un
aimant; elle la ferma aussitôt, et la Vieille de la Lune, après
avoir vainement essayé d'entrer, lui dit :
« Vous êtes bien heureuse d'avoir tenu votre porte close, sans cela
je vous aurais tuée cette nuit;
je suis jalouse de ma lumière, et je n'entends pas que l'on profane
la nuit par le travail.
Les antiques superstitions relatives à l'action des astres sur
la destinée sont encore vivantes chez les paysans.
C'est surtout à la Lune qu'ils accordent un véritable pouvoir,
et elle l'exerce parfois bien avant la naissance.
Cette croyance a été relevée sur deux points de la Basse-Bretagne
: une jeune fille ou une jeune femme qui sort le soir pour uriner ne doit jamais
se tourner vers la lune quand elle satisfait à ce besoin, surtout si
la lune est cornue, c'est-à-dire dans ses premiers quartiers ou
dans les décours; elle s'expose à être loaret ou
lunée, autrement dit à concevoir par la vertu de la lune.
On cite des exemples de jeunes femmes ou de jeunes filles qui ont mis au monde
des fils de la lune, et que pour cette raison on appelle loarer,
lunatiques.
La position de cet astre relativement aux nuages avec lesquels il est en contact au moment de l'accouchement est, en Basse-Bretagne, l'objet de présages que l'on peut appeler analogiques.
Lorsqu'un enfant naît de nuit et qu'il fait clair de lune, la
plus ancienne des femmes qui assistent l'accouchée court se poster sur
le seuil pour examiner l'état du ciel.
Si les nuages enserrent la lune comme pour l'étrangler, ou qu'ils s'épandent
sur sa face comme pour la submerger, on en conclut que la petite créature
finira un jour pendue ou noyée.
Ceux qui viennent au monde quand la lune se pend, c'est-à-dire lorsque, dans son premier quartier, elle paraît suspendue comme par une corde à la pointe d'un nuage, une corne en haut, l'autre en bas, sont réputés nés sous une mauvaise influence et destinés à être pendus.
Au XVIIIe siècle, on disait d'un homme fantasque qu'il avait des lunes, ou qu'il était sujet à des lunes.
Avoir la lune en tête, un quart de lune ou un quartier de lune, signifiait être un peu fou ou léger; en Gascogne, avoir la lune, c'est être lunatique.
Etre logé à la lune, c'était vers 1640, n'être pas
trop sain d'esprit.
Un homme distrait ou trop accessible aux utopies est dans la lune, et
l'on dit assez fréquemment un peu partout d'un homme de mauvaise humeur
qu'il est mal luné.
Jadis, lorsqu'il s'agissait de couper des bois destinés à
la construction, surtout à celle des navires, on avait égard aux
phases de cet astre; maintenant encore en Provence, les arbres qui ont
cette destination sont abattus en vieille lune.
Dans le pays de Vaud, on pense qu'il ne faut pas commencer à bâtir
une maison quand la lune a les bouts tournés vers le bas.
En Lorraine, il était bon de s'établir dans une maison au moment
du premier quartier.
Les jeunes filles désireuses de voir en songe celui qu'elles doivent
épouser s'adressent à la Lune comme à une véritable
entité.
Les formules recueillies sont presque toutes purement païennes, mais sont
parfois accompagnées d'actes chrétiens.
Exemples d'invocation :
1 - Fais-moi voir en mon dormant (ou) en mon rêvant,
Qui j'aurai en mon vivant.
2 - Salut, beau croissant,
Fais-moi voir, etc.
3 - Petit croissant,
Verbe blanc,
Fais-moi voir, etc.
4 - Lune, ma petite mère, moi qui suis ton enfant,
Fais-moi voir, etc.
5 - Belle, belle, que tu es belle,
Belle, belle je t'acconjure
Fais-moi voir en mon dormant,
Ce qu'j'aurai en mon vivant,
Et qu'il tienne à la main
Son gagne-pain.
etc.
Les vux que l'on peut formuler, pendant qu'une étoile filante
est visible, sont très utiles à celui qui les a faits.
Dans les Vosges, l'homme assez heureux pour pouvoir alors prononcer ces trois
mots :
« Paris, Metz, Toul » aurait sa fortune assurée.
D'après une croyance assez répandue, le souhait qu'on a eu le
temps de préciser avant que l'étoile ait disparu sera infailliblement
exaucé;
si l'on peut en faire trois, ils seront réalisés dans l'année.
Dans la Gironde, si au moment où l'on pense à quelque chose, le
regard se porte vers le ciel et qu'on y aperçoive une étoile filante,
ce qu'on a pensé arrivera.
Plus ordinairement, les étoiles filantes sont des âmes
qui vont tout droit au Ciel, ou dont la pénitence est achevée.
A Audierne, les étoiles filantes sont souvent regardées comme
des âmes qui marchent du soir au matin sur la route qu'elles ont à
suivre pour aller en Paradis; si l'une d'elles court vite à travers
le ciel, c'est que, délivrée par les prières, elle a hâte
d'arriver au séjour des bienheureux.
Dans le Bocage normand, c'est l'âme d'un enfant qui monte
au ciel.
En Haute-Bretagne, celui ou celle qui peut voir une étoile entre neuf
et dix heures du matin se marie dans l'année.
Au temps jadis, pour être pape, il fallait apercevoir une étoile
en plein midi; pour être cardinal, à onze heures du matin.
Les anciens marins de Tréguier contaient que les étoiles
n'étaient autre chose que des rochers de diamant laissés
à sec par la mer quand elle avait cessé de baigner le firmament;
son eau n'en avait pas complètement disparu, et il en était resté
assez pour faire un fleuve (probablement la Voie Lactée)
où se trouvaient des milliers d'étoiles en formation.
La superstition d'après laquelle chaque homme a son étoile
particulière est fort répandue.
Dans quelques parties de la Haute-Bretagne, quand un enfant naît la nuit,
on sort de la maison, et l'on va regarder l'étoile qui se trouve
au-dessus de la cheminée principale; si elle est brillante, le
nouveau-né sera heureux, si elle est pâle, on n'augure rien de
bon pour lui.
Plusieurs contes de la région centrale des Côtes-d'Armor sont en
relation avec cette croyance : un pauvre, présent dans une maison
où une dame est sur le point d'accoucher, dit que ce sera un bonheur
pour l'enfant s'il peut tarder une heure à venir, sinon il naîtra
sous une mauvaise étoile, et sera pendu à l'âge de
vingt ans.
Dans les Vosges et en Vendée, quand on admire les étoiles, il
faut se garder de les compter, car tout homme à qui il arriverait
de compter la sienne tomberait mort sur-le-champ;
à Marseille, celui qui montrait les étoiles avec les doigts
en les comptant était exposé à être couvert de verrues.
Dans la Gironde, quand un pied de vigne sèche ayant ses feuilles, on dit qu'une étoile est tombée dessus.
Vénus qui s'appelle à peu près partout l'Etoile
du berger est nommée en Limousin la petite lune ou le diamant;
en Provence : le flambeau ou la Belle étoile, à cause de
son éclat;
en Ille-et-Vilaine, c'est l'étoile des jeunes filles, parce qu'elle marque
qu'il est temps pour elles de rentrer à la maison.
Dans le Midi, Vénus, qui éclaire les bergers le matin quand ils
sortent le troupeau, et le soir quand ils le rentrent, est appelée par
eux la Bello Magaluno; c'est la belle Maguelonne qui court après
Pèire de Provenço, Pierre de Provence (Saturne) et se marie
avec lui tous les sept ans.
A certains moments de l'année, le Soleil se présente sous
des aspects merveilleux, mais il n'est pas donné à tout le monde
de les contempler.
Suivant une croyance de Franche-Comté, celui qui, le jour de la Trinité,
avant l'aube, et après avoir communié, fait à jeun l'ascension
du mont Poupet ou de la Dôle, voit se lever trois soleils;
dans les Vosges, il suffisait, ce matin-là, de se rendre sur un point
élevé, comme dans le Puy-de-Dôme et en Normandie: mais dans
ces derniers pays, le phénomène avait lieu à la Saint-Jean.
En Normandie, les vieillards seuls parlaient de cette merveille, et dans
le Bas-Maine, on dit à ceux que l'on veut mystifier qu'en montant sur
une grande hauteur, on voit trois soleils se battre;
celui qui est vainqueur éclairera toute l'année.
Ailleurs, la lutte a lieu entre le Soleil et la Lune :
Dans le Maine, les deux astres se battent à trois heures du matin, le
jour de la Saint-Jean; en Poitou, d'aucuns disent que si l'on regarde
dans un seau d'eau, le matin de Pâques, on voit la Lune et le Soleil qui
se battent ou qui dansent.
Ordinairement, comme dans la Creuse et le Limousin, le Soleil
tout seul dansait.
Autrefois, dans le Bocage normand, bien des gens montaient sur une colline pour
voir les trois soleils danser:
les habitants de Sorèze se rendaient à la fontaine de la
Mandre, et munis de verres noircis, ils attendaient le lever du Soleil,
qui en ce jour solennel, devait danser en l'honneur de Saint-Jean.
Ce phénomène était observé aussi au Canada :
Every Easter morning the sun dances in honor of Our Lord risen from the tomb.
When I was a little fellow they used to show it to me.
Chaque matin de printemps, afin d'honorer notre Seigneur, le
soleil se lève et danse sur le tombeau. Quand j'étais petit garçon,
ils avaient l'habitude de m'y emmener afin de me le montrer.
(Sur Marie-Ursule, "Civilisation traditionnelle des Lavalois" page 84)
Suivant une croyance très répandue, l'arc-en-ciel va boire.
On l'assimilait alors vraisemblablement à un être vivant qui descend
du ciel pour étancher sa soif.
Sa forme cintrée a suggéré les expressions de "portail
de saint Martin", de "porte du Paradis", en Wallonie,
où l'on dit aux enfants que, s'ils parvenaient à monter sur un
arc-en-ciel, ils arriveraient tout droit au séjour des bienheureux.
En Haute-Bretagne, les arcs-en-ciel sont des échelles chargées
de morts ou d'âmes en peine qui montent ou qui descendent, et vont d'une
étoile à une autre.
Le peuple croit encore en plusieurs pays qu'une personne peut changer de
sexe en passant sous l'arc-en-ciel.
Aux environs de Belfort, si une fille pouvait lancer son bonnet par-dessus,
elle serait immédiatement transformée en garçon.
Dans plusieurs provinces, les bergers assurent que là où il a touché terre, une fée dépose une perle magique qui vaut à elle seule un trésor; certains courent même à cet endroit dans l'espoir de la trouver.
Toutefois, l'arc-en-ciel est souvent considéré comme redoutable
et nuisible.
En Auvergne, il faut se garder de désigner l'arc-en-ciel avec le doigt;
en Picardie, celui que l'on étend vers lui peut-être coupé;
en Wallonie et dans les Vosges, il y vient un panaris.
On trouve encore en France des pratiques qui semblent remonter à des
temps reculés.
La plus usitée, celle qui consiste à « couper »
l'arc-en-ciel, se rattache peut-être à la vieille croyance qui
faisait de lui un être animé.
Les matelots disent parfois en guise de juron : que l'arc-en-ciel me serve de cravate !
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