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Autrefois, quand il tonnait, hommes et femmes hurlaient à tue-tête pour empêcher la grêle.
En 1640, la gelée et la grêle ayant gâté les fruits, les paysans du Dijonnais attribuèrent ce malheur aux sorciers, et plusieurs furent jetés dans l'Ouche.
On attribue aux prêtres en Berry, dans l'Eure-et-Loir, en Anjou
et dans plusieurs pays un rôle analogue à celui des sorciers;
dans l'Indre, on croit voir parfois dans le nuage dévastateur la forme
du prêtre qui conduit la grêle.
En Eure et dans l'Orne, au moyen de certaines formules magiques tirées
du bréviaire, le curé de la paroisse peut s'élever
dans les nuages et faire tomber la grêle sur les champs de ceux qu'il
veut punir.
Vers 1835, on racontait dans l'Ain que les curés de deux paroisses voisines
avaient été vus se disputant un nuage de grêle
(voir
détails page : eaux douces 6 - sorciers et démons)
En ce qui concerne les nuages orageux, l'usage de tirer en l'air pour
les dissiper subsiste dans plusieurs pays, et l'on assure que parfois les méchants
qui s'y cachent en sortent blessés ou morts.
Quelquefois ces conducteurs de nuées sont des prêtres, auxquels
on attribue non seulement le pouvoir de détourner les orages, mais celui
de les former.
Dans l'Eure-et-Loir et dans l'Orne, on croit que l'on peut forcer le curé
tempestaire à retomber sur le sol en tirant avec une balle bénite
sur le nuage qui lui servait de domicile;
en Berry, quand les fruits de la terre ont été ravagés par
la grêle, il est rare que les paysans ne racontent pas que, dans telle
paroisse, une balle ayant atteint la nuée en fit tomber un ou plusieurs
prêtres, dans les poches desquels se trouvaient une grande quantité
de grêlons.
En 1866, après un orage, un fermier affirma à A.-S. Morin qu'un
de ses voisins avait vu un curé perché sur un des nuages et versant
de la grêle;
le campagnard tira un coup de fusil dans le nuage et vit sortir un corbeau
percé d'une balle :
le curé, se sentant blessé mortellement, s'était transformé
en cet oiseau noir.
Dans le Mentonnais, on croit renvoyer la grêle en mettant une poignée de sel dans le dos d'un enfant.
Dans le Gers, lorsque la grêle commence, on prend trois grêlons,
et on les jette dans le feu.
Si le mauvais temps continue, on en prend sept que l'on met aussi dans
le feu, et l'on tire un coup de fusil aux nuages :
aussitôt, la force de l'orage est rompue et les mauvais nuages s'en vont.
Dans plusieurs pays, où les tourbillons qui soulèvent le foin
et les gerbes sont attribués à des esprits, on leur adresse
des conjurations.
D'après un registre genevois de 1635, quand il survenait « un
foulet en tourbillon qui enlevoit les javelles de bled en l'air »,
tous les moissonneurs posaient leurs faucilles et se jetaient à terre
en criant :
« Bo, Bo, Ponti, Ponti. »
En Franche-Comté, lorsque les moissonneuses voient venir le petit
tourbillon qui recèle le foulot ou lutin, elles disent :
Air des moissons,
Fourre-toi sous mon cotillon.
Dans l'Auxois, quand le follet, conducteur de vent, qui bouscule les tas de foin
coupé, est signalé par son sifflement et ses mouvements ondulatoires,
les travailleurs crient :
« Arrêtez-le ! » ;
dans la Bagnères, on le fait fuir en lui criant :
« Cul-pelat ! cul pelé ! »
En Haute-Bretagne, où le démon est aussi dans ces bouffées
soudaines, on jette dedans une fourche où un objet pointu.
Une personne qui avait ainsi frappé le tourbillon en entendit sortir
une voix qui disait :
« Merci , vous m'avez délivrée ».
En Berry, les moissonneurs donnent le nom de servantes de prêtres
à ces soudaines bouffées de vent;
dans quelques cantons du Cher, on les appelle putains.
Les blancs flocons de neige qui descendent des nuages sur la terre, lentement
et parfois avec des mouvements ondulatoires, éveillent sans grand effort
la comparaison avec un duvet qui flotte dans l'air.
Lorsque les Scythes disaient que le pays au nord du leur était inaccessible
à cause des plumes qui y tombaient de tous côtés,
ils parlaient sans doute de la neige.
Elle se retrouve en diverses contrées d'Europe et, en France, plusieurs
dictons la constatent :
en Champagne, en Haute-Bretagne, le bon Dieu plume ses oies;
dans le Bocage normand, on ajoutait qu'il les plumait pour marier ses filles.
Dans un conte littéraire de la Flandre française, la neige est
aussi un duvet qui vient du lit de Marie au Blé :
une jeune fille, protégée de ce génie, tombe dans un puits,
mais au lieu de se noyer, elle arrive dans une étoile où elle
retrouve Marie au Blé, la ménagère du ciel;
celle-ci la prend à son service et lui ordonne d'aller secouer, au-dessus
d'un grand trou, la couette de plumes, l'édredon et l'oreiller;
de menues plumes volent par les airs, s'amoncellent et tombent en gros flocons,
et d'en bas les bonnes gens, voyant cette blanche fourrure descendre du ciel,
disaient :
« Il neige, Marie au Blé fait son nid. »
A l'idée de plumes se rattache peut-être une coutume du Hainaut
:
dès qu'il commence à neiger, les filles étendent leurs
tabliers et disent qu'elles vont ramasser des oiseaux.
En Franche-Comté, les gros flocons de neige sont les goëles (chiffons) que fait, en déchirant sa chemise, Tante Arie, génie aussi bienfaisant que Marie au Blé;
en Haute-Bretagne, la fée Fleur-de-Neige secoue son manteau blanc pour rafraîchir la terre et renouveler l'eau des fontaines.
C'est également une assimilation d'aspect qui fait donner aux flocons de neige le nom de mouches blanches, par lequel on les désigne en Forez et dans le Brabant wallon, et qui a inspiré la formulette que récitent les enfants du Luxembourg belge :
Les mouches d'Ardenne viennent,
Chauffons-nous, racontons des histoires.
Quand il neige, les paysans de l'Ille-et-Vilaine disent que les mouches pissent tout blanc, ou que les mouches de patience volent.
Dans le Doubs, on appelle les flocons de neige les papillons de Boujaille, l'un des villages les plus froids de la région.
Dans le Cantal, quand il fait en même temps du vent et de la neige, le diable démêle les cheveux de sa femme.
On appelle loups de neige, en Bourbonnais et dans plusieurs contrées
voisines, des amas de neige poussés par le vent dans les ravins, les
fossés, et même dans les sillons;
cette neige, qui a été tassée, est très résistante
au dégel, et pour peu que ces amas soient exposés au nord ou
à l'est, ils persistent, bien que toute neige ait disparu sur le sol.
Ces loups de neige, disent les gens de la campagne, sont le présage des
neiges prochaines, car ces loups en attendent d'autres.
Dans les pays de montagne, on appelle « neige de coucou » celle qui tombe après que le coucou a fait son apparition.
L'explication pittoresque des gros grêlons dans les Côtes-d'Armor
se lie à une idée apparentée à celle de la cause
de la neige;
lorsqu'ils tombent, on dit que le bon Dieu jette les os de ses oies.
Voici un conte limousin en rapport avec la neige :
un paysan, désolé de ne pas avoir d'enfants, ayant vu les petits
garçons du village façonner des hommes de neige, dit à
sa femme de venir ramasser de la neige, et d'en faire un petit garçon. « Comme cela, dit-il, ne pouvant en avoir un vivant, nous aurons au moins le plaisir de conserver celui-là pendant quelques jours. » Mais voilà que lorsqu'ils l'eurent achevé, le petit garçon de neige se mit en mouvement et embrassa le vieillard et sa femme; Dieu leur avait accordé un enfant blanc comme neige. tout l'hiver, l'enfant, qui n'approchait pas du feu, resta gai et bien portant; mais dès que le soleil de printemps commença à luire, il se montra triste, et se mit à rechercher les endroits ombragés. Le jour de la Saint-Jean, ses camarades allèrent le chercher pour voir le beau feu de joie; il dansa joyeusement avec eux, mais quand le feu fut à moitié éteint, et qu'on sauta par-dessus, il disparut subitement, fondu à la flamme, et ne laissant qu'un peu d'eau dans la main de ses petits amis. |
La nuit joue un rôle considérable dans les croyances et les légendes;
on peut même dire que beaucoup lui doivent leur origine ou tout au moins
leur développement.
« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. »
On dit en Basse-Bretagne que le Diable l'a créée comme contrepartie du jour, qui est l'uvre de Dieu.
En Haute-Bretagne, on l'a personnifiée, mais elle n'est plus qu'une
sorte de Croquemitaine dont on menace les enfants.
Naguère encore, on leur disait pour les faire rentrer au logis :
« La nuit va t'emporter ! » ou « le Bonhomme la nuit va venir te quérir. »
A Matignon (Côtes-d'Armor), on lui assignait même une résidence, située quelque part vers le couchant, et quand on y parlait aux enfants de la Grande Nuit de Pléboulle, comme située à l'ouest, ils s'imaginaient que, s'ils ne se hâtaient pas de se réfugier à la maison, ils étaient exposés à voir, entre le ciel et la terre, la silhouette d'une gigantesque femme noire.
Les adultes ne considèrent pas la nuit comme une entité, mais ils croient que, tant qu'elle dure, ils ont à craindre des dangers dont la cause est surnaturelle.
Il est plusieurs actes qu'il ne faut pas faire au logis après le soleil
couché.
On a relevé dans des pays assez divers l'interdiction de balayer
quand il n'éclaire plus la terre.
On prétendait que c'était éloigner le bonheur de
la maison, et que le mouvement d'un balai blessait et écartait les trépassés
qui s'y promenaient.
Le foyer est, en plusieurs régions de la péninsule armoricaine,
l'objet d'observances nocturnes;
il est bon de laisser couver un peu de feu sous la cendre pour le cas
où un défunt aurait envie de revenir à son ancienne demeure;
dans le nord du Finistère, on avait soin de ne pas cacher entièrement
la braise, pour que le lutin appelé Bouffon Noz (farceur
de nuit) pût venir y prendre un peu de chaleur.
En Anjou, on recommande de laisser chaque soir un seau plein d'eau
à la cuisine, pour que, si une personne de la maison venait à
mourir, son âme puisse aller s'y laver.
La ménagère qui aurait négligé cette précaution
verrait revenir sous forme de feu follet l'âme pécheresse
qui n'aurait pu se purifier.
Ces prévenances envers les morts ne tiennent pas seulement au
pieux souvenir des êtres que l'on a aimés;
elles se rattachent encore plus à des idées anciennes, entretenues
par la crainte du ressentiment des défunts, que beaucoup de légendes
représentent comme des personnages assez mal disposés à
l'égard des vivants, dont ils semblent parfois jaloux, et prêts
à faire éprouver leur rancune et leur vengeance à
ceux qui leur ont manqué d'égards.
Le diable se montre quand une femme se regarde dans son miroir après
le soleil couché;
on assure à Saint-Brieuc qu'elle le voit derrière elle par-dessus
son épaule.
« Qui se mire en un mirouer, de nuit, il y veoit le mauvais et si n'en
embelira jà pourtant, ains en deviendra plus lait. »
Plusieurs légendes intimidantes racontent qu'à des époques
voisines de la nôtre, le diable est venu se mêler aux danses
dans les fermes et les auberges où ce divertissement n'avait pas cessé
à minuit.
Des récits des Pyrénées et de la Gascogne disent qu'il
peut venir la nuit chez ceux qui parlent trop de lui après le
soleil couché.
En Basse-Bretagne on dit que, comme il ne dort jamais, les nuits comptent pour
lui comme les jours.
Cette croyance existe aussi en Picardie, et le diable, en venant réclamer
l'exécution d'un pacte moitié plus tôt que son débiteur
s'y attendait, il lui en explique la raison :
« Le jour va pour nous de six heures du matin à six heures du
soir;
et de six heures du soir à six heures du matin, il y a encore un jour.
»
Dans l'est de la France, la tante Arie fait sa tournée à certaines époques de l'année.
Les Francs-Comtois la dépeignent comme une charmante fée, au cur aimant et à la main bienfaisante, qui ne descendait de l'empyrée que pour visiter les cabanes hospitalières et celles où il y avait quelque bien à faire.
En Basse-Bretagne, une très vieille fée descendait par la cheminée
la veille de la Saint-André pour voir si, aux approches de minuit, la
ménagère était encore à filer, si elle la
trouvait ainsi occupée, elle la gourmandait.
Suivant une croyance d'Essé, en Ille-et-Vilaine, c'était par là
que descendaient les fées quand elles dérobaient les enfants.
La visite d'une catégorie assez nombreuse d'esprits, généralement
de petite taille, est au contraire redoutée;
il en est qui ne pénètrent dans les demeures des hommes ou des
bêtes que pour y exercer leur malfaisance ou tout au moins leur
espièglerie :
des lutins s'asseyent sur la poitrine des gens endormis, les oppressent
et leur donnent le cauchemar;
d'autres s'amusent à tresser la crinière des chevaux pour
s'en faire des étriers ou des balançoires, où ils les tourmentent
de telle sorte qu'au matin ils ruissellent de sueur.
Les paysans emploient pour les chasser, sans compter l'eau bénite
et les talismans catholiques, des procédés variés.
Le plus habituel (comme expliqué page flore 3) consiste à
placer, dans un récipient en équilibre, des pois, du millet
ou de la cendre :
le lutin, en arrivant à l'étourdie, le heurte et le renverse,
et comme il est obligé de ramasser une à une ces innombrables
graines, il est si ennuyé de cette besogne qu'il ne risque plus de revenir.
En Wallonie, pour s'en garder, il faut déposer ses souliers, les talons
dirigés vers le lit, ou l'un dans un sens, l'autre dans l'autre :
la croyance générale est que le mark ne peut monter sur le lit
qu'après avoir chaussé les souliers et qu'on l'en empêche
en ne les plaçant pas d'une façon normale.
Les portes doivent restées closes la nuit, non à cause
des voleurs, mais pour éviter la visite des esprits malfaisants.
A l'île d'Ouessant, on se garde bien de passer par-dessous sa porte le
tison qu'implore le lutin Iannig an aod;
celui-ci tirerait le bras, puis tout le corps, et on ne reverrait jamais l'imprudent;
Suivant une croyance à peu près générale, les cris,
les chants ou les bruits que l'on entend, pendant les ténèbres,
dans la maison ou dans son voisinage immédiat constituent des présages
redoutés.
Lorsque les chiens hurlent alors, c'est que la Mort essaie de s'approcher
du logis.
En Corse, ils aboient deux fois si elle menace une femme, trois fois si c'est
un homme.
En Basse-Bretagne, en Béarn, le chant du coq avant minuit pronostique
un grand accident, le malheur ou le trépas.
Dans le Mentonnais, les oiseaux quels qu'ils soient annoncent la mort
en chantant à minuit.
Dans les Vosges et dans la Beauce, l'enfant né entre onze heures du soir et minuit n'aura jamais de chance, surtout si c'est un vendredi.
Même dans les maisons où reviennent les morts ou que fréquentent les lutins, les dangers de la nuit sont bien moins redoutables que ceux auxquels sont exposés les gens qui se trouvent dehors lorsqu'elle enveloppe la terre
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