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En Poitou, dans la Bresse, et en bien d'autres pays, on dit que, quand le renard
est rongé de puces, il prend dans sa gueule une grosse poignée
d'herbes sèches et progressivement se plonge dans l'eau jusqu'au bout
du museau.
Les insectes sautent sur le bouchon pour ne pas se noyer, et quand ils y sont
réunis, le renard lâche l'herbe qui tombe à l'eau, puis
il se sauve.
Plusieurs fermières de la Brie portaient, le jour saint Jean, la plus
belle de leurs poules dans la forêt : avant le lever du soleil,
elles conjuraient le renard de respecter leur enclos et lui abandonnaient leur
volatile chérie.
Dans l'Albret, on lui jette, pour qu'il s'éloigne, une belle poule au
milieu du bois.
Les métayères qui voulaient « charmer » le renard
préparaient une omelette de douze ufs dont elles faisaient
quatre parts;
après un signe de croix sur chacune d'elles, elles couraient autour du
jardin à préserver et à chaque angle, elles lançaient
un des morceaux en criant trois fois :
« Renard, v'la ta part, prends-la et n'y revient pas ! »
Dans la Suisse romande, on entoure d'un fil rouge l'enclos des poules pour les garder du renard.
Dans la Brie, le propriétaire attachait un morceau de lard à
une corde avec laquelle il décrivait autour de sa ferme un cercle
étendu, afin de tracer l'enceinte où ne peut pénétrer
le renard, et il disait en marchant :
« Renard tu ne mangeras pas plus de mes poules que de mon lard. »
Les paysans de l'Yonne expliquent par des circonstances légendaires
le préjugé, répandu en beaucoup de pays, suivant lequel
les loups ont les côtes en long.
Lorsqu'ils eurent été créés par Jésus pour
défendre le jardin de sa mère contre les chèvres,
ils ne s'en tinrent pas longtemps à ce rôle de garde-champêtre;
ils se mirent à dévorer les chèvres, puis les moutons,
puis toutes les autres bêtes du voisinage.
Marie, ayant reçu des plaintes de tous côtés, manda
les loups, les tança vertement, et pour les punir, les condamna, soit
à porter un grelot, soit à se laisser ereiner.
Les loups optèrent pour le premier moyen;
mais s'étant aperçus que les animaux, avertis par la clochette,
fuyaient à leur approche, ils vinrent, mourant de faim, supplier la Vierge
de leur appliquer l'autre peine.
Celle-ci, touchée de compassion, changea leurs côtes de position
en les mettant de travers en long si bien que, quand on saisi un loup par la
queue, il ne peut se retourner pour mordre.
Depuis que saint Envel a obligé le loup à remplacer l'âne qu'il avait dévoré, on ne voit plus aucun de ces carnassiers sur la commune de Loc-Envel (C.-d'A.), où est située la forêt de Coat-an-Noz.
Au XVIIème siècle, pour garantir les brebis et les parcs des ravages du loup, on écrivait le nom de saint Basile sur un billet que l'on attachait au haut d'une houlette ou d'un bâton.
Voici un autre préservatif qui, à l'époque de la Renaissance,
était regardé comme efficace :
le loup ne fera aucun tort aux brebis si vous liez au col de celle qui va la
première un ail sauvage.
Suivant une croyance familière à l'Antiquité, et qui,
chez nous est constatée par plusieurs textes, le loup possède
une redoutable puissance de fascination.
Au XIIIème siècle , le bestiaire d'amour enregistre cette superstition
:
« La nature del leu si est tele que quant un home le voit avant qe
il voit l'home, lei leus empert tute sa force et son hardiment, et se li leus
voit l'home premerains, li home empert sa voiz, si qe il ne puet mot dire.
»
Le proverbe « Il a vu le loup », qui se dit en parlant d'un
homme enroué, constate la popularité de ce préjugé.
Lorsque les bergères berrichonnes ne peuvent crier, elles courent
sur le loup, les cheveux épars, certaines de le mettre en fuite.
en Haute-Bretagne, on n'enroue pas si on se fourre dans la bouche une mèche
de cheveux.
Plusieurs saints possèdent, parfois en raison d'épisodes de leur
vie légendaire, un certain pouvoir sur une espèce déterminée
de bêtes sauvages.
On croyait, dans le Finistère, que ceux qui donnaient du beurre
à saint Hervé n'avaient rien à craindre de cet animal,
depuis que ce saint aveugle s'était fait guider par un loup.
Suivant une croyance plus effacée chez nous que dans bien d'autre pays,
il est prudent de s'abstenir de donner leur véritable nom aux
animaux réputés dangereux ou malfaisants.
Celui dont il aurait été question pourrait entendre même
au loin, et se montrer presque aussitôt.
Le vieux proverbe « Quand on parle du loup on en voit la queue
» se rattache peut-être à cette idée.
Suivant une idée fréquente en folklore, saint Loup est
en relation avec son homonyme sauvage, et l'on a cru qu'il en préservait
les hommes et les bêtes;
au XVème siècle, on lui faisait une offrande pour recouvrer la
parole perdue à la suite de la rencontre de ce carnassier.
La dent du loup passait pour avoir plusieurs vertus :
au XVIIème siècle, on attachait l'une de ses grandes au cou du
cheval pour le rendre infatigable à la course.
On croyait aussi se préserver de la peur en portant sur soi une dent
de loup ou l'il droit desséché de cet animal.
On a cru pendant longtemps, et la croyance est loin d'être complètement
éteinte, que des hommes pouvaient être changés en bêtes,
d'une façon intermittente, et pour une période déterminée,
pendant laquelle ils revêtaient une apparence animale, pour reprendre
la forme humaine quand elle était expirée.
Les loups-garous portent ce nom parce qu'ils
se présentent le plus habituellement sous la figure de ce carnassier,
quoiqu'ils puissent en prendre d'autres, comme celles d'animaux domestiques,
ou même de reptiles.
Marie de France, au début du lai du Bisclavaret,
qui était condamné à rester trois jours par semaine sous
la figure d'un loup, et était exposé à la garder s'il ne
pouvait reprendre ses habits ordinaires, dit qu'il est très certain que
souvent, aux temps anciens, des hommes subissaient des métamorphoses
analogues.
Presque à la même époque, Gervais de Tilbury ne met
pas la chose en doute;
il parle d'un habitant du Vivarais qui, à chaque nouvelle lune, se sentait
comme obligé d'ôter ses vêtements, et de se rouler sur le
sable jusqu'à ce qu'il devînt un loup;
après quelques jours de vie commune avec ces bêtes, il redevenait
homme.
Ailleurs il raconte qu'il a connu en Auvergne un noble qui avait déshérité
un de ses parents parce que celui-ci de temps en temps se changeait en loup,
et dévastait les étables des villageois;
un charpentier lui ayant coupé une patte, il reprit la forme humaine,
avec une jambe de moins, mais depuis il cessa de mal faire.
On voit qu'au XIIIème siècle, comme de nos jours, le lycanthrope
était délivré dès que son sang avait coulé.
Au temps des procès de sorcellerie, des gens déclaraient
que :
« S'estant oincts ils furent retournez en loups courans d'une legereté
incroyable, puis ils estoient changez en hommes et souvent rechangez en loups
»
Le diable ou l'un des ses adeptes pouvaient donner la peau qui transformait
en garou celui qui en était revêtu, et il la déposait
en lieu sûr quand sa période de vagabondage était finie
:
un petit garçon dont le procès fut instruit à Bordeaux
en 1605, et qui fut ensuite interrogé par de Lancre, lui confirma ce
qu'il avait avoué aux juges, à savoir que la peau lui avait été
donnée par M. de Laforêt (c.-à-d. le Grand
Veneur - voir détails page terre
6).
Les loups-garous de Basse-Bretagne (den-vleiz, homme-loup) revêtent
la nuit une peau de loup, et prennent en même temps le naturel de cette
bête, courant les champs, les bois et attaquant les hommes et les animaux.
Au point du jour, ils cachent leur peau avec le plus grand soin et rentrent
secrètement chez eux.
Il existe entre leur peau et leur corps une sorte de solidarité d'impressions
physiques si grande qu'ils éprouvent toutes celles à laquelle
elle est exposée :
si elle est placée dans un lieu froid, ils éprouvent tout le jour
un vif sentiment de froid.
Et de même pour la chaleur.
L'homme ou la femme qui se change en loup le fait de son plein gré.
Il choisit la forme extérieure du loup, du renard ou d'une autre bête
maléfique pour épier les gens, se moquer d'eux ou leur nuire.
il peut se déplacer à la vitesse de l'animal choisi et se rendre
rapidement à un endroit lointain.
Il peut à chaque moment retouver sa forme humaine et il la retrouve également,
sans le vouloir, lorsqu'il est blessé à sang.
Témoignages :
« En montant à l'alpage, j'ai vu un renard attaché
à un mélèze. Il me regardait comme si il voulait me demander
de le détacher.
J'ai eu pitié et avec l'opinel, j'ai coupé l'attache. Il m'a encore
regardé, puis il a disparu dans la forêt.
Bien des années plus tard, je suis descendu à Turin. Bien sûr
qu'il m'a fallu loger en route et un soir, je suis arrivé dans une auberge.
Celle qui tenait l'auberge était une belle femme, encore jeune.
Elle m'a salué comme si elle me connaissait et elle m'a servi un repas
et du bon vin.
Je me méfiais un peu, mais elle était correcte. J'ai eu une bonne
chambre et je me disais que j'aurais du marchander le prix.
Le matin, quand j'ai voulu payer, elle m'a dit qu'il n'y avait pas à
payer et qu'elle aurait voulu me donner plus. Je ne comprenais pas. Alors, elle
m'a dit qu'elle avait été maudite en renard et que je l'avais
délivrée. »
« Dans une maison de Mégevette, un mendiant avait été
hébergé pour une nuit dans la grange et, le matin venu, on avait
envoyé le jeune garçon de la famille le chercher pour boire le
café au lait.
Comme le mendiant dormait encore, l'enfant eut la curiosité de regarder
ce qu'il y avait dans son sac.
Il y trouva une belle peau de loup en forme de manteau, et il s'empressa de
l'essayer en se disant :
« C'est sûrement une peau de loup-garou, je vais voir si je me transforme
en loup ».
Dès qu'il l'eut enfilée, il devint un loup véritable et
ne parvint plus à s'en débarrasser. La famille, alertée,
réveilla le mendiant. L'enfant transformé en loup courait dans
les champs voisins, mais il ne s'était pas trop éloigné
encore.
Le mendiant réussit à l'attraper et prononça les paroles
qu'il fallait pour le délivrer, puis il dit :
« Heureusement que j'étais là, sinon tu serais resté
en loup et tu aurais couru les forêts le restant de tes jours; Il ne faut
jamais regarder dans le sac des mendiants. »
Les derniers loups-garous dans la région de Ratières ont
existé sous la Restauration, mais la destruction de quelques-uns d'entre
eux finit par faire abandonner ce métier criminel.
D'après ce qu'on dit les anciens, le loup-garou était un individu
enveloppé d'une peau de veau (mort-né), armé d'un coutelas,
qui ne circulait que la nuit et n'hésitait pas à frapper ceux
qu'il rencontrait.
Pour qu'il n'ait pas l'occasion de commettre des meurtres, les gens étaient
prévenus le dimanche (à la messe, par le curé) des nuits
de ronde que le loup-garou allait faire pendant la semaine.
D'après des anciens, la ronde lui était payée trente francs,
les derniers temps, par ceux qui y avaient intérêt ou qui désirait
le maintien de cette coutume.
Cette pratique, condamnable, avec la complicité du clergé,
entretenait abusivement la crédulité et la peur mais elle était
une défense contre les maraudeurs et autres malfaiteurs de la nuit.
Dans la Beauce et en Haute-Bretagne les hermines s'introduisent dans les poulaillers et sont si hardies que, pendant que la poule pond, elles se glissent sous elle pour être prêtes à gober l'uf.
En haute-Bretagne le cochon crève si une musaraigne s'est promené
sur son dos;
le moins qu'il puisse lui advenir, c'est d'être emmusaraigné,
c'est à dire paralysé.
Dans la Manche, on prétend que la musaraigne tète les mères
lapines.
En Hainaut, pour se débarrasser des mulots, on plante dans le champ
qu'ils infestent quelques piquets et l'on frappe dessus à coups
redoublés plusieurs fois par jour;
la semaine ne se passera pas avant qu'ils aient disparu.
On attribue aux rats une sorte de prescience;
les marins prétendent qu'ils abandonnent le navire menacé d'un
naufrage prochain, et sur la terre ferme, on prétend qu'ils se
hâtent de quitter la maison prête à s'écrouler.
L'interprétation des songes où figurent les bêtes
sauvages est la plupart du temps analogique :
à Liège, des rats pronostiquent la disette, la taupe,
des dégâts faits par la pluie ou la grêle, le loup,
un malheur prochain.
On croit en beaucoup de pays que des hommes acquièrent par des moyens
mystérieux le pouvoir de se faire suivre des bêtes, et de les contraindre
à exécuter leurs ordres.
Au temps des procès de sorcellerie, il y en avait qu'on accusait de susciter
des rats à l'aide de Satan :
cette superstition signalée aussi par Thiers subsiste toujours.
Dans le Bessin, dans la Manche, en Sologne, les sorciers envoient ces rongeurs
en troupes.
En Ille-et-Vilaine, comme dans la Mayenne, ils peuvent les éloigner ou
les attirer où il leur plaît;
ceux auxquels on attribue ce pouvoir sont souvent des mendiants ou des
coureurs;
aussi on se garde de refuser l'aumône aux passants mals vêtus, de
peur qu'ils ne fassent arriver les rats.
Quand ils sont ainsi venus par sorcellerie, les chats n'y touchent plus, et
il est impossible de s'en débarrasser tant que le sort n'a pas été
levé.
Des gens assurent avoir été témoin des migrations de ces
bêtes malfaisantes.
Une couturière de la Basse-Normandie avait vu un mendiant marcher lentement
par un chemin creux, suivi de tout un troupeau de rats dont les premiers avaient
le nez sur les talons de ses sabots.
Le lendemain elle apprit qu'une ferme du voisinage avait été dévastée
par les rongeurs
Dans plusieurs villages de la Wallonie, les personnes qui avaient le pouvoir
de faire venir les rats et de les détruire dressaient une gerbe
de seigle au milieu de la cour ou du jardin;
une certaine prière étant dite, accompagnée de gestes énergiques
d'appel, tous les rats sortaient et se précipitaient dans la gerbe à
laquelle on avait mis le feu, et ils étaient ainsi brûlés
jusqu'au dernier.
Les procédés matériels pour chasser les rats sont nombreux
:
dans les Côtes-d'Armor, on prend, sans qu'il le sache, un peu de pain
à un de ses voisins et on le donne aux rats que l'on a dans sa maison;
ils la quittent immédiatement pour se rendre dans celle d'où vient
le pain.
Des pratiques cruelles qui semblent avoir pour but d'inspirer la crainte
sont encore plus fréquentes.
Aux environs de Lamballe, quelques-uns croient que, pour les éloigner,
il suffit de rôtir un peu un rat vivant, et de le lâcher;
ses compagnons, en sentant l'odeur de roussi, sont effrayés et ne reviennent
plus dans le grenier.
En Hainaut, on coud l'anus à un rat et on lui rend ensuite la
liberté.
En Wallonie, la femme qui entend une souris crier en augure que son mari la trompe.
En Vendée, les rats et les souris que l'on fait manger le soir en fricassée ou rôtis à ceux qui arrosent leur lit les débarrassent de cette infirmité.
En Normandie, on fait manger des souris aux enfants pour les guérir de la coqueluche.
La blancheur, la gentillesse et la solidité des dents des petits rongeurs
a peut-être suggéré les coutumes suivantes :
en Limousin, les bonnes femmes disaient aux enfants de déposer leur dents
de lait dans la charpente où les rats viendraient les chercher et
leur donneraient de jolies petites dents en échange.
En Poitou, l'enfant dit en déposant sa dent dans un trou de muraille
:
« Petite souris, je t'apporte une de mes dents, donne-m'en une autre. »
Les souris vont, dit-on dans le Finistère, chercher dans la mer une
pierre qui a le privilège de faire disparaître de l'il
sur lequel on l'applique la poussière ou les corps étrangers :
elle ne se trouve que dans les nids de souris où il y a trois, cinq ou
sept petits.
Dans les Côtes-d'Armor, on dit que les mêmes souris la font toucher
à leurs petits, qui sans cela resteraient toujours aveugles.
D'après une idée très répandue autrefois, et qui
subsiste encore, l'âme peut être momentanément séparée
du corps et s'en éloigner sous forme animale.
Dans une légende recueillie en 1900 dans la partie française des
Côtes-d'Armor, une souris blanche est arrêtée sur
le bord d'une rivière, qu'elle franchit lorsqu'un homme compatissant
a courbé au-dessus, des branches de saules pour lui faire un pont;
il la voit ensuite disparaître dans la bouche d'un homme endormi,
qui ayant été réveillé, raconte qu'il a rêvé
qu'au moment où il allait se noyer dans la rivière, quelqu'un
lui a jeté un grand bâton qui lui a permis de traverser.
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