(page 6/16)
Un esprit qui se cache dans un fouillis d'arbres se nomme dans le pays de Vaud le Nion-nelou, nul ne l'entend.
La petite forêt de Montoie, dans le Jura bernois, est la résidence
du foulta, lutin qui fait le mal aux hommes et aux animaux;
les campagnards disent qu'ils l'aperçoivent sous la forme d'un feu
qui circule dans le bois et qui semble les suivre.
Beaucoup de personnes n'osent encore s'aventurer seules dans cette forêt.
Dans l'Argonne, les hannequets sont de petits hommes qui se promènent sous bois pendant la nuit avec des flammes rouges en guise de chapeau.
En Basse-Bretagne, où les nains sont désignés d'après
leurs attributions, ceux des bois s'appellent Kornikaned, parce
qu'ils chantent dans des petites cornes qu'ils portent suspendues à
leur ceinture.
Ils semblent avoir laissé peu de traces dans les traditions;
quelques autres, comme les Poulpicans, s'amusent à faire entendre
une clochette sous le couvert, pour tromper les petits pâtres qui
cherchent leurs chèvres égarées.
Autrefois à Cosnay, dans les Ardennes, les femmes qui lavaient
au ruisseau des Goulets, dans le fond d'un bois, ne voyaient ni n'entendaient
rien d'extraordinaire lorsqu'elles étaient en grand nombre;
mais n'étaient-elles que trois ou quatre, elles entendaient, à
peine arrivées, des cris étranges, et, plus particulièrement
ces mots :
« O Couzzietti ! O Moule de Coutteni ! »
puis les cris se rapprochaient, les arbres tremblaient, les branches
s'agitaient et se cassaient, et enfin les laveuses apercevaient dans les éclaircies
de tout petits nains grimaçants qui s'approchaient par bonds du
ruisseau.
Affolées, elles s'en allaient au village, abandonnant le linge,
et lorsqu'elle revenaient en grand nombre, les gnomes ainsi que le linge avaient
disparu.
Il y a deux cents ans environ, une cuisinière, qui venait d'officier
à une noce, traversait à la nuit close le bois de Noyers.
Tout à coup, à une clairière, elle vit plus de soixante
felteus, rangés en trois cercles concentriques autour d'un grand
feu.
Le plus large était composé des palefreniers brossant,
étrillant, nattant la crinière des plus beaux chevaux du
pays;
ceux-ci se laissaient faire, car ils plongeaient jusqu'aux yeux leurs
mâchoires dans des musettes remplies d'avoine.
Dans le second cercle des violoneux jouaient les airs les plus suaves
en battant une mesure désordonnée.
Le cercle le plus rapproché du feu était formé par les
marmitons, occupés à plumer les volailles, à peler
les légumes que la cuisinière reconnut pour lui avoir été
dérobés pendant la noce.
Au moment où elle constatait ce larcin, le père Felteu,
un vieux à grande barbe blanche, haut de deux pieds, vêtu
comme ses compagnons d'une veste, d'une culotte et d'une toque rouge,
l'aperçut.
Il fit signe aux autres, qui se levèrent en gambadant, sautant et riant
comme des fous.
Ils l'entourèrent dans une ronde endiablée et chantant à
tue-tête sur l'air de Malbrough :
Voilà la cuisinière
Par la grâce de Dieu,
Qui va faire bonne chère
Au bon p'tit felteu.
La cuisinière avait eu peur, mais ces petits hommes n'avaient
après tout que la renommée d'être farceurs;
elle se rassura tout à fait en les entendant chanter par la grâce
de Dieu, et elle se dit qu'ils ne lui feraient point de mal.
Ils lui apprirent qu'on attendait depuis une heure le felteu cuisinier.
« N'est-ce que cela, dit-elle, mais je vais vous en faire moi de la cuisine, et de la crâne encore. »
Et retroussant ses manches, elle s'approcha du feu.
Les nains se mirent à gambader, à sauter, apportant tout
ce qu'il fallait pour le repas.
Le dîner fini, la cuisinière prit, selon l'usage, sa grande cuillère
à pot et fit le tour de la société.
Chaque felteu y mit au moins une pièce d'or;
quant au vieux, il y déposa cinq doubles louis à la lunette.
En ce moment parut la première lueur de l'aurore, et avec elle
disparurent les nains et toute trace de leur repas.
Les époques des solstices d'été ou d'hiver qui,
en d'autres endroits, sont marqués par des merveilles, ne semblent
guère connues des forestiers.
On en rencontre pourtant la trace en Gascogne.
Un homme qui, la nuit de la Saint-Jean, s'était endormi dans une
forêt de la Grande-Lande au pied d'un sapin, se réveilla
à minuit entendant des cris qui partaient du haut des arbres et de sous
terre;
il vit tomber des esprits de toutes formes, mouches, vers luisants, etc.,
et de terre, avec des lézards, des grenouilles ou des salamandres, sortaient
des formes d'hommes et de femmes, hautes d'un pouce et vêtues de
rouge, avec des fourches d'or à trois pointes, et ces esprits chantaient
en dansant :
Toutes les herbettes
Qui sont dans les champs
Fleurissent et grainent
Le jour de la Saint-Jean.
Et leur bal dura jusqu'à l'aube.
Dans les personnages des forêts, il est une catégorie qui semble
peu nombreuse et dont les caractères sont assez vagues;
ce ne sont à proprement parler ni des esprits, ni des revenants.
Faute d'une meilleure classification, je les range sous la rubrique «
hommes » par laquelle le peuple les désigne.
Des paysans voisins de la forêt de la Hunaudaye (C.-d'A.) parlaient avec
terreur « d'hommes blancs » non seulement de vêtements,
mais de figure, qui se montraient sur la lisière, surtout aux
femmes pendant l'été, en plein jour.
En 1901, des gens, qui passaient la nuit en voiture par la route qui
la traverse, disaient qu'ils avaient vu aussi des « hommes blancs »
se mouvoir dans le sous-bois;
ce n'étaient que les troncs blanchâtres de gros bouleaux
qui semblaient se déplacer et dont leur imagination avait fait des fantômes.
Dans plusieurs pays, ces « hommes » servent à expliquer des phénomènes de la forêt, dont les rustiques ne se rendent pas facilement compte.
En Berry, les reflets du soleil couchant sous les grands ombrages ont
donné naissance à l'homme de feu ou de fer rouge ou simplement
de bois de vergne, qui court de tige en tige, brisant ou embrasant.
L'homme de feu est aussi nommé Casseu' de bois.
Il prend diverses apparence et joue divers rôles, selon les localités.
Il n'est pas toujours flamboyant et incendiaire et se fait entendre plus
souvent qu'il ne se montre.
Dans les nuits brumeuses, il frappe à coups redoublés sur les
arbres, et les gardes, croyant qu'ils ont affaire à d'audacieux voleurs
de bois, courent au bruit et aperçoivent quelquefois le pâle éclair
de sa puissante cognée.
Mais ces grands arbres que l'on entendait crier sous les coups, et qu'on s'attendait
à trouver profondément entaillés, n'en portaient pas la
moindre trace.
Le Casseu' ou le Coupeu' ou le Batteu', car le fantôme porte tous ces
noms, est quelquefois le génie protecteur de la forêt qu'il
a prise en affection;
il faut se garder de toucher aux arbres sur lesquels il a frappé
pour avertir de sa prédilection.
(G. Sand)
Le bois de Couasse en Auvergne était fréquenté par l'homme de fer, qui, passant à travers, brisait les chênes et les sapins comme des allumettes.
C'est dans la forêt que les contes littéraires, et parfois aussi
ceux du peuple, placent le séjour de l'ogre qui mange les petits
enfants, et même les adultes.
Des personnages qui lui sont apparentés figurent dans des légendes
locales.
Il y eut jadis dans la forêt d'Ardennes un ogre appelé l'homme
rouge.
Une jeune fille, qui allait en pèlerinageà Attigny avec une de
ses compagnes, se perdit en traversant la forêt.
Comme elles cherchaient à retrouver leur chemin, elles virent venir un
homme tout de rouge habillé, et lisant dans un livre sans lettres,
qui leur dit :
« Vous vous êtes égarées, mes belles filles, suivez-moi.
»
Après avoir marché deux heures, elles arrivèrent à
une maison que cachaient de grands rochers et des arbres épais.
Elles y entrent et voient un homme rouge faisant cuire des membres humains
dans un immense chaudron;
Elles veulent fuir, mais la porte était déjà fermée
:
« Où iriez-vous ? leur dit l'homme rouge;
il fait noir, vous vous perdriez encore dans les bois, montez vous coucher.
»
C'est ce qu'elles firent;
mais elles ne s'endormirent pas, car elles avaient peur et les ogres mangeaient
d'une façon bruyante.
Puis, le repas terminé, ce fut un bruit de couteaux qu'on aiguisait;
heureusement les jeunes filles purent s'échapper par la lucarne,
au moment où l'homme rouge entrait dans la chambre pour les égorger.
Le roi de la forêt de Brocéliande était un immense
géant tout noir n'ayant qu'un pied et qu'un il, auquel obéissaient
docilement les bêtes de la forêt;
d'un cri, il les rassemblait auprès de lui, et les lançait,
s'il voulait, contre ses ennemis.
Autrefois, les jeunes filles d'Emordes tiraient au sort chaque année
pour savoir laquelle irait trouver un géant qui l'attendait au
milieu de la forêt.
Un jour, un chevalier intrépide, ayant rencontré une de
ces victimes éplorées, l'accompagna et tua le monstre.
On connaissait autrefois dans la forêt de Lyons, en Normandie,
un être mystérieux qui en voulait aux femmes et manifestait
sa présence par des cris.
Voici en quels termes en parle un voyageur du commencement du 17ème
siècle :
« L'on contoit que du temps de Charles IX, roi de France, il y avoit
en cette forest un fantosme que l'on appeloit
"Foitteur" par tant que les femmes qui passoient par cette
forest, se trouvoient si bien foittées que les marques demeuroient
au corps, sans que pourtant elle veissent personne.
Et tout incontinent se faisoit par la forest ce cri : Ha ! ha ! ha !
Charles IX, qui aimoit à chasser dans cette forest, s'estant
fait sérieusement enquester de cela, trouva que c'estoit chose
véritable. »
Dans sa belle description des enchantements de la forêt de Marseille,
Lucain parle des arbres qui, sans recevoir dans leur feuillage le moindre souffle
de vent, se hérissaient et frissonnaient d'eux-mêmes.
Ce phénomène qui, il y a près de deux mille ans, frappait
les Gaulois de terreur, était regardé avec crainte
au milieu du 19ème siècle par des paysans, qui lui attribuaient
une origine surnaturelle.
Vers 1840, les habitants d'un village du Bugey furent très effrayés
de voir les arbres d'un petit bois se tordre avec des bruits affreux,
tandis que d'autres, dans la même vallée, restaient immobiles
:
le propriétaire essaya vainement de l'expliquer par un tourbillon;
les gens sont restés convaincus qu'une légion d'esprits aériens
était tombée comme une trombe sur le bois, et qu'ils avaient attristé
le vallon des cris de leurs douleurs.
Une femme des Abrets (Isère), témoin d'un phénomène
semblable, racontait à D. Monnier en 1843 que, deux ans auparavant, étant
allée voler du bois dans une forêt, tous les arbres autour
d'elle s'étaient mis à se plier et à se tordre
sans qu'il fit du vent.
Elle disait que ce fait était dû à des esprits en
voyage.
En Alsace, le géant de la forêt de Kasten faisait s'élever un ouragan qui secouait les arbres et les buissons.
Le bruit du vent dans les arbres qui produit parfois des harmonies si curieuses et si impressionnantes, surtout s'il s'y mêle le son de quelque instrument lointain, a donné naissance à des légendes.
On a autrefois entendu, après le crépuscule, les sons
d'une lyre dans les bois qui avoisinent Cithers.
Il faut se hâter de fuir, en se bouchant les oreilles, du côté
opposé à celui où retentissent les magiques accords;
autrement on se sent entraîner par une force irrésistible.
Ceux qui n'ont pas pu se soustraire à ce charme puissant ont eu les visions
les plus étranges :
la mousse de la forêt se couvrait de fleurs étincelantes
comme des diamants;
du sein des arbres, aux branches d'or et d'argent, sortaient des femmes
nues d'une grande beauté, et partout dans les airs, on entendait l'invisible
lyre.
Mais toutes ces merveilles étaient insaisissables.
Le prestige ne s'évanouissait qu'aux premiers rayons du jour :
alors des rires moqueurs succédaient aux mélodieux chants
de la nuit, et celui qui s'était laissé prendre était tout
étonné de se trouver au milieu d'une mare ou parmi les
ronces.
Certaines forêts sont hantées par des personnages bruyants
qui appartiennent à l'autre monde :
tantôt ils apparaissent isolément, tantôt ils sont nombreux,
soufflent dans des instruments sonores et sont accompagnés de chiens
fantastiques.
Le Grand Veneur, que l'on appelait quelquefois
monsieur de Laforêt, est le plus célèbre.
L'historien Mathieu, et plusieurs autres contemporains en ont parlé.
Dom Calmet ne manque pas de le citer dans sa dissertation bien connue.
« Je tire, écrit-il, des Mémoires de Sully, qu'on
vient de réimprimer, un fait singulier.
On cherche encore, dit l'auteur, de quelle nature pouvoit être ce prestige,
vu si souvent par tant d'yeux dans la forêt de Fontainebleau;
c'étoit un Phantôme environné d'une meute de chiens
dont on entendoit les cris, et que l'on voyoit de loin, mais qui disparoissoit
lorsqu'on s'approchoit.
La note de M. de l'Ecluse, éditeur de ces Mémoires, entre dans
un plus grand détail.
Il marque que M. de Perefixe fait mention de ce Phantôme et il lui fait
dire d'une voix rauque l'une de ces trois paroles :
" M'attendez-vous ou m'entendez-vous ou amandez-vous. "
Le Journal de Henri IV et la Chronologie septennaire en parlent
aussi et assure même que ce phénomène effraya beaucoup Henri
IV et ses courtisans.
Bongars en parle comme les autres et prétend que c'étoit un chasseur
qu'on avoit tué dans cette forest du temps de François Ier,
mais aujourd'hui il n'est plus question de ce spectre. »
Le chasseur mystérieux de cette forêt n'était peut-être
pas si oublié que le croyait D. Calmet :
il serait apparu peu de temps avant la mort si brusque et si singulière
du duc et de la duchesse de Bourgogne;
d'après des traditions locales, il aurait prédit à Louis
XVI sa fin tragique, et plus tard au duc de Berry.
Tout près de la Cure est la roche dite du Grand Veneur, dont
la légende se rapproche de celle de son homonyme de Fontainebleau.
Il apparaît quand un grand événement national se
prépare.
Entre Cornet et Châtel, dans les Ardennes, on entendait, surtout quand
l'orage grondait et entre les coups de tonnerre, des chiens aboyer,
des cors sonner, une fanfare retentissante et des chasseurs
crier :
« Taiaut ! »
Voulait-on fuir, une force invisible vous clouait sur place;
et alors sortant du bois, passaient comme une trombe, d'abord un millier
de petits chiens blancs ayant des grelots au cou et que suivaient une centaine
d'énormes molosses;
apparaissaient ensuite, ceint d'une large ceinture rouge, un hallequin
entouré de ses veneurs, les uns à pied, les autres à cheval,
et tous, chasseurs et chiens, à la poursuite d'un gibier imaginaire,
menaient un tapage infernal.
Le ruisseau de Boulassa était franchi d'un bond, puis la chasse traversait
la rivière, les chiens à la nage, les chasseurs comme s'ils eussent
marché sur la glace.
Et quand la rivière avait été passée, la vision
disparaissait et le bruit s'éteignait.
Dans la forêt de Gâvre, vers 1835, on parlait de l'apparition du
Mau-Piqueur;
on le voyait faire le bois, tenant à la chaîne son chien noir et
ayant l'air de chercher des pistes.
On l'appelait aussi « l'avertisseur de tristesse » et ses yeux laissaient
couler des flammes quand il prononçait les mauvaises paroles :
Fauves par les passées,
Gibiers par les foulées,
Place aux âmes damnées !
Selon la croyance du couvert, l'apparition du mau-piqueur annonçait la
grande chasse des réprouvés.
Sa venue était un méchant signe; mais quiconque rencontrait la
chasse n'avait qu'à préparer sa bière, car ses jours étaient
comptés.
Plusieurs de ces chasses étaient conduites par des seigneurs du temps passé, condamnés, comme les coryphées des chasses aériennes, à revenir éternellement en punition des cruautés qu'ils avaient exercées sur leurs vassaux.
Au temps jadis, les barons d'Aigremont (Bassigny champenoise) étaient
très durs à l'égard des pauvres gens.
Un jour, on amena devant l'un d'eux un paysan qui avait pris un lièvre
au lacet et l'avait fait cuire pour sa femme malade.
Le seigneur ordonna de découpler ses chiens et ils s'élancèrent
sur le pauvre serf qui disparut en quelques secondes, ne laissant plus que des
lambeaux sanglants, traînés par des chiens.
Le lendemain, les limiers du baron détournèrent un grand loup,
inconnu dans les bois de la contrée.
La chasse commença le jour même.
Le loup prit de suite son grand défilé; les chiens le menaient
rondement; mais il allait vite, si vite, qu'à chaque instant quelques-uns
restaient en arrière.
Le sire d'Aigremont suivait seul cette chasse enragée;
il avait dépassé ses piqueurs, moins bien montés que lui.
Il sonnait encore le bien-aller quand son dernier chien se coucha, il
en avait assez;
son cheval se coucha également.
La nuit était venue. Soudain, le loup revint sur sa passée;
il se dirigea, en donnant de la voix, droit sur le baron qui, à la vue
de cette gueule formidable, s'enfuit;
le chasseur fut chassé à son tour, et jamais il n'a pu
s'arrêter ni être secouru.
C'est la Chasse du baron d'Aigremont.
Pendant mille ans, lui et ses ancêtres ont rançonné le pays,
égorgé ses habitants; pendant mille ans il sera chassé
par le loup, sans trêve ni merci.
Et c'est la voix du loup qu'on entend encore parfois dans les bois, dans le
silence de la nuit.
A Bohan (Semois), on parlait, vers 1870, d'un seigneur du siècle précédent,
qui eut un procès avec les habitants pour des bois communaux, et l'on
racontait, qu'en expiation de ses rapines, il revint chasser dans la
forêt de la Fargne jusqu'au jour où elle fut abattue.
Un jour un habitant de Sugny dit au cabaret qu'il n'avait pas peur du revenant,
et que, s'il le rencontrait, il le ramènerait boire le petit verre.
Lorsque vers onze heures, il entra dans la forêt, il entendit le son d'un
cor, puis des aboiements de chiens qui se rapprochaient.
Il prit peur et se jeta face contre terre.
Il vit alors des centaines de chiens arriver sur lui, suivis de chasseurs montés
sur des chevaux dont les naseaux lançaient des flammes, et au
milieu était le seigneur de Bohan, la figure comme celle d'un cadavre,
et du feu sortant de ses orbites.
Pendant une heure, cette partie de la forêt fut parcourue dans
tous les sens, et le malheureux, que la terreur clouait par terre, dut attendre
que la chasse se fut éloignée.
Il arriva chez lui meurtri et malade de frayeur, et il resta plusieurs semaines
entre la vie et la mort.
Il semble qu'il y ait eu autrefois des procédés pour faire
disparaître ou se mettre à l'abri des maléfices de
ces chasses fantastiques.
Ronsard parle peut-être d'une conjuration usitée de son
temps, où intervenait le fer, métal odieux aux esprits
:
Si fussè-je estouffé d'une crainte pressée
Sans Dieu qui promptement me meit en la pensée
De tirer mon espée et de couper menu
L'air tout autour de moy avecques le fer nu;
Ce que feis soudain, et sitost ils n'ouyrent
Siffler l'espée en l'air que tous s'esvanouyrent,
Et plus ne les ouys ni bruire ni marcher.
(Hymnes)
Suivant un récit, jusqu'ici unique, des chasseurs d'autrefois
revenaient dans les forêts, et on les voyaient prendre part aux
divertissements qui marquent la fin des chasses.
Un garde forestier racontait qu'un matin, en parcourant les bois de son triage
qui hérissent la montagne voisine des ruines du château d'Oliferne
(Jura), il fut attiré par le bruit des cors de chasse.
Il arriva dans une clairière, et il y trouva, réunis sous un grand
chêne, nombre de seigneurs, de dames et de valets :
les uns mangeaient sur la pelouse, d'autres gardaient les chevaux ou donnaient
à manger à une grande meute.
Etonné, il recula et prit un sentier qui l'éloignait obliquement
du groupe;
mais enchanté d'un spectacle si nouveau pour lui, il détourna
la tête pour en jouir encore;
tout avait disparu.
Autres thèmes : |
Accueil |