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Les fées de la grotte des Arpales, dans le Valais, près du Mont-Brûlé,
rendaient service aux hommes, et les habitants du voisinage allaient
les trouver quand ils avaient besoin de quelque chose;
un jour d'hiver où ils ne restait plus de feu dans le village
de Comoire, on députa aux bonnes dames une vieille femme, et, quand elle
leur eut exposé sa demande, elles lui dirent de tendre son tablier,
qu'elles allaient y mettre le feu, mais qu'elle devait n'y pas regarder
ni y toucher jusqu'à ce qu'elle fût arrivée à sa
demeure.
La vieille résista à la curiosité, et, quand elle
eut jeté ce brasier sur son foyer, les charbons se changèrent
en un beau lingot d'or.
Les fées qui demeuraient dans une caverne, près de Panex, venaient dans les champs pour protéger les récoltes et indiquer aux montagnards les jours les plus favorables pour ensemencer.
Une fée qui habitait dans le Trou-aux-Fades, près de Notre-Dame-de-Pouligny,
avait grand soin des brebis du domaine du Bos.
Tous les jours elle les conduisait aux champs et les ramenait
au bercail.
Les fermiers en étaient venus à ne plus s'occuper de ces
animaux.
Grâce à la Fade, le troupeau croissait et multipliait, chaque toison
pesait au mois dix livres, et la laine, lorsqu'elle était filée,
était aussi déliée et blanche que les fils de la
Vierge.
Les Margot-la-Fée gardaient aussi les bestiaux de leurs voisins;
il suffisait d'aller dire auprès de leur demeure le lieu où se
trouvaient ceux que l'on voulait confier à leur surveillance;
elles poussaient même parfois l'obligeance jusqu'à leur donner
à manger dans leurs cavernes.
Plusieurs légendes parlent des animaux domestiques que possédaient
les fées, et qui avaient leur étable dans un coin de leurs vastes
cavernes.
Elles prêtaient leurs bufs aux gens du voisinage qui venaient
les leur demander;
mais elles leur imposaient certaines conditions :
le plus ordinairement elles recommandaient de ne pas les faire travailler avant
le lever ou le coucher du soleil;
si les bêtes traçaient un seul sillon après le crépuscule,
elles crevaient aussitôt et les fées venaient maudire les
laboureurs imprudents.
Suivant d'autres, ces bufs qui se nourrissaient seuls, et travaillaient
du soir au matin, disparaissaient en même temps que le soleil.
Les fées avaient aussi des bestiaux qui sortaient le matin de
leur demeure souterraine et y rentraient au crépuscule.
Les bufs et les vaches des Margot-la-Fée venaient paître
l'herbe des collines, et quelquefois même s'aventuraient dans les champs
voisins;
c'est pour les empêcher de passer en dommage que les bonnes dames prenaient
parfois des pâtours.
On retrouve des traditions analogues dans les Ardennes et en Lorraine.
Il y a environ deux cents ans une fée habitait le Trou-Boué,
près de Condé-les-Autry, seule avec une vache dont le lait
formait son unique nourriture.
Chaque matin un enfant venait la chercher à la grotte et la menait
à paître;
mais pour lui, la fée resta toujours invisible.
Tous les mois elle suspendait au bout d'une corde un petit sac fermé
contenant la somme qu'elle devait au berger pour sa garde.
Les fées de Saint-Agnan, qui avaient besoin de lait et de beurre pour
leurs gâteaux, possédaient des vaches qui se trouvaient
chaque matin, on ne sait comment, au milieu du troupeau communal, et,
la nuit venue, disparaissaient tout à coup.
Le dernier jour de la saison des pâturages, l'une d'elles portait, suspendue
à la corne,un petit sac renfermant la somme due au pâtre.
Dans les Vosges, un berger gardait dans les bois les vaches de Mailly;
tous les jours on lui en lâchait une toute noire, et il n'avait
jamais vu son maître, on ne l'avait jamais payé.
Un jour il la suivit et la vit entrer par le trou de la Crevée;
il la prit par la queue et se laissa entraîner à sa suite.
Il arriva dans une chambre à four et vit deux vieilles qui cuisaient.
Il leur demanda le paiement de sa vache :
« Tends ton sac ! » dit l'une.
L'autre prit une pelletée de braise et la jeta dedans;
le bonhomme secoua son sac et se sauva au grand galop;
arrivé dehors, il regarda dans son sac et y trouva un louis d'or.
Il semble que les bonnes dames faisaient parfois paître elles-mêmes
leur bétail.
Le dimanche des Rameaux, celle des fées de la caverne de Vallorbe
qui remplissait l'office de pastourelle sortait une chèvre
qu'elle tenait en laisse;
si cet animal était blanc, c'était l'annonce d'une année
fertile;
s'il était noir, on pouvait s'attendre à une mauvaise récolte.
Quelques cavernes, où d'ordinaire, ne pénétraient pas
les hommes, ne leur étaient connues que par le bruit ou
les voix qu'ils entendaient en passant au-dessus.
Elles étaient à une si petite distance du sol que l'on pouvait
causer avec leurs habitants.
Des fées avaient leur demeure souterraine dans le voisinage de Giromagny,
non loin de Belfort;
souvent les cultivateurs, en menant leur charrue, les entendaient racler leur
pétrin;
s'ils les interpellaient en disant :
« Bonne fée, petite fée, donne-nous du gâteau que
tu fais ! »
une galette appétissante se montrait à l'autre bout du
champ.
On raconte dans le Jura bernois qu'un fermier et son valet, qui labouraient
dans un terrain voisin de la caverne de Tante Arie, ayant cru sentir
l'odeur d'un gâteau sortant du four, manifestèrent le désir
d'y goûter;
arrivés à l'extrémité du sillon, ils trouvèrent
un gâteau sur une nappe avec un couteau pour le partager.
Lorsqu'ils en eurent mangé, le valet empocha le couteau;
mais Tante Arie fit aussitôt entendre sa voix irritée et le larron
dut laisser tomber l'objet dérobé.
Ceux qui faisaient des labours au-dessus des grottes des Margot-la-Fée
des C.-d'A., ou qui passaient auprès, les entendait dire qu'il
leur fallait du bois, ou qu'il était temps d'apporter la pâte au
four.
Si quelqu'un leur demandait poliment un pain de leur fournée,
il trouvait au bout du sillon une galette encore fumante ou un pain tout
chaud posé sur une serviette et accompagnée d'un couteau.
Cette légende est racontée, sans variables notables, en divers
endroits de la Hte-Bretagne, de la Normandie, des Vosges, et des Ardennes.
Dans ce dernier pays, on l'avait localisée à Saint-Agnan, où
des failles très profondes, qui aboutissaient à une grotte habitée
par les fées, laissaient échapper, quand l'atmosphère était
saturée d'humidité, une buée parfois très
intense;
les gens du voisinage croyaient que c'était la fumée de la cuisine
des bonnes dames.
Plusieurs cavernes portent au reste le nom de Four des Fées, que leur
forme avait pu suggérer;
on en voit un auprès de Thillot assez profond et creusé
dans le roc.
Près de la Ville-du-Pont, on aperçoit sur les bords du Doubs la
porte cintrée d'une caverne :
c'est là que les fées viennent comme à leur four banal
cuire leur gâteaux;
le four de la fée à Sassenage (Isère) est l'objet du même
conte.
Il est rare que l'on attribue des actes méchants aux fées
des grottes.
Celles des cavernes de la vallée d'Aoste, que l'on accuse de rapines
et de divers autre méfaits, quoique portant le nom de fées, ressemblent
plus à des sorcières qu'à des demi-divinités
rustiques.
Dans la plupart des autres pays de langue française, lorsque les fées
sont malveillantes elles n'agissent que par représailles.
Celles du Livradois ne se mirent à ravager les récoltes qu'après
avoir vu les hommes détruire leurs retraites pour en prendre les pierres.
On croit maintenant à peu près partout que les grottes ont cessé
d'être la résidence des fées, et l'on en cite même
plusieurs qui sont pour ainsi dire tombées en ruine depuis qu'elles
ont cessé de les habiter.
D'ordinaire leur départ n'a pas été provoqué, de
façon délibéré, par les gens du voisinage.
Cependant on raconte dans la vallée d'Aoste, où l'on semble le
considérer comme un bonheur pour la contrée, que les hommes essayèrent
de se débarrasser d'elles au moyen d'actes violents.
A la Balma des orchons, la caverne des enfants des fées, au-dessus
du lac du Vargno, demeurait une méchante fée avec ses fils
qu'elle envoyait voler dans les hameaux du voisinage, et personne n'osait
les en empêcher.
Une autre fée habitait une grotte sur les bords du lac de la Barma, et
partageait les rapines des orchons.
Une vieille femme conseilla de donner aux enfants, qui venaient pour voler,
deux pains dans lesquels on aurait mis du fenouil.
Ils les mangèrent, et quand la fée les vit, raidis par
la mort, elle sentit le fenouil, et vit qu'ils avaient été empoisonnés
avec cette sainte herbe.;
Elle le raconta à l'autre fée et toutes deux quittèrent
le pays.
(J.-J. Christillin, Dans la Vallaise.
Ces orchons ont des visages ridés de vieillards; ils sont agiles, rusés
et très vindicatifs)
Un homme délivra le village de Marina d'une méchante fée
qui habitait avec ses deux enfants Lo Barmat de la Teugghia ou la caverne
de la fée, et qui commettait beaucoup de vols.
Un jour qu'il passait auprès de la grotte, il vit une femme inconnue
qui fendait du bois, et il lui dit :
« Le travail que vous faites là, bonne femme, est trop rude
pour vous.
Passez-moi votre hache, je vous aiderai.
Mais n'avez-vous pas de coins pour partager ces souches ? »
La fée voulut lui montrer sa puissance; elle joignit ses deux mains
comme un coin au-dessus du tronc d'arbre et dit à l'homme :
« Voici le coin que tu demandes.
Frappe dessus sans crainte avec la massue. »
L'homme la saisit et asséna un coup formidable sur les mains de
la fée, qui s'enfoncèrent bien avant dans la souche sans laisser
paraître aucune blessure.
L'homme, voyant ses mains prises comme dans un étau, souleva le
tronc d'arbre et le fit rouler dans le précipice avec la méchante
fée.
Et les enfants, craignant le sort de leur mère, disparurent de
la vallée.
Le départ des fées a lieu d'ordinaire dans des circonstances
différentes.
En Limousin, on n'a plus revu les Fanettes depuis une certaine nuit où
l'eau s'éleva et envahit leur demeure.
Les Enchantiées de l'Ariège disparurent quand vint la fin de la
mauvaise loi, c'est-à-dire des religions non catholiques.
Les fées d'Aï, de même que beaucoup d'autres fées alpestres,
quittèrent leurs grottes et cessèrent d'avoir soin des troupeaux,
parce qu'un berger avait frotté avec la racine puante de primma
le baquet dans lequel on avait coutume de mettre leur part de lait.
La légende qui suit montre les fées en conflit avec les lutins.
Celles de Lorraine détestaient le Sotré parce qu'il était
toujours auprès d'elles.
Il était fait à peu près comme le diable, il avait
des cornes, une grande queue, des pattes qui marquaient dans la poussière
comme celles d'un bouc.
Il était si sale qu'il souillait tout ce qu'il touchait.
Quand il était sur Timoitame, il s'élevait dans l'air en tournant
avec la poussière et les javelles pour voir si les fées étaient
dans Fayelle.
Quand il les voyait, il y courait en hurlant avec tous les mauvais nains
du sabbat qui couraient après lui et cela faisait un brouillard
si épais qu'on y voyait goutte;
Aussitôt que les fées les entendaient, elles se sauvaient
et rentraient en tremblant dans leur maison, dont elles fermaient bien les portes,
puis elles laissaient leur voile de toile d'araignée sur le ruisseau
de Fosse pour que le Sotré ne vît pas où elles se cachaient.
Les noms de plusieurs grottes indiquent clairement qu'elles ont été
ou sont encore la résidence de personnages de petites tailles, qui appartiennent
à la grande tribu des lutins.
La caverne des Fadets, près de Lussac-les-châteaux (Vienne),
le Trou des Farfadets non loin du château de Saint-Pompin (Deux-Sèvres),
la Roche aux Fadets, caverne spacieuse près de Verruyes, dans
la même région, le Trou aux Nutons à Furfooz (Belgique
wallonne), les Fosses aux Lutons à Essonnes (Aisne), etc.
En pays bretonnant, les cavernes naturelles situées dans l'intérieur des terres sont, comme celles du littoral armoricain, habitées par des lutins, alors que dans la Bretagne française, les unes et les autres ont pour hôtes principaux des fées.
Dans le Finistère et dans le Morbihan, les nains résident non
seulement dans ces excavations, mais encore dans des espèces de souterrains,
presque en forme de terriers, qui s'ouvrent sous les grosses pierres
dans les landes isolées;
ils y vivent sous terre comme des lapins, et ne les quittent guère
pendant l'hiver.
Les seules grottes de la Hte-Bretagne qui passent pour avoir servi de demeure
à des nains se trouvent dans le voisinage de la Rance maritime.
Sous le pont-aux-Hommes-nées (noirs) en Pleurtuit, il y avait une Cache
à Fions, où habitaient les personnages minuscules que
l'on désigne sous ce nom, et qui vivent aussi plus ordinairement dans
les « houles » des fées de la mer, dans une sorte d'état
de domesticité.
En Poitou, les Fadets habitaient plusieurs grottes, dont une des plus connues
est celle de Biare, commune de Moussac, qu'on appelait Roche aux Fadets.
Ces nains étaient des espèces de sauvages, qu'on représente
parfois comme très laids et très velus, mais ils
n'étaient point malfaisants;
pour les paysans poitevins, les fadets et les fadettes ne sont pas des génies,
mais des hommes qui occupaient le pays avant eux et demeuraient
dans les rochers.
Des cavernes, dans une sorte de col près de Montsevelier, dans le Jura
bernois, servaient de retraite à de petits êtres noirs et
velus, parfois assez méchants, appelés les Duses ou les
Hairodes.
(Les Dusii, démons incubes dont
parle saint Augustin, et les Duz, Dusik, lutins bretons.)
Les petits hommes de l'Armagnac, qui n'avaient pas un pied de haut,
demeuraient sous terre et dans le creux des rochers.
Ils se coiffaient de bonnets velus, portaient de longs cheveux et de
longues barbes, se chaussaient de sabots d'argent, et allaient
armés de sabres et de lances.
Ils n'étaient pas de la race des chrétiens, ne devait mourir
qu'à la fin du monde et ne ressusciteront pas pour être
jugés.
Le folklore des nains des grottes est beaucoup moins nettement déterminé que celui des fées auxquelles on attribue la même résidence.
Comme les fées, les nains de plusieurs de ces groupes enlevaient les enfants du voisinage et mettaient dans leur berceau leurs affreux rejetons.
Les Jetins dérobaient aussi les petits chrétiens du voisinage
« pour en avoir la race », en laissant à leur place un de
leurs enfants;
on les reconnaissaient aussi par l'épreuve des coques d'ufs.
(Voir page précédente, Les Fées)
Ils donnaient quelquefois à manger à ceux qui les en priaient,
du pain, des saucisses et du lard;
mais celui qui voulait garder un de leurs couteaux était cloué
au sol et ne pouvait se lever qu'après l'avoir restitué.
Les Duses des cavernes du Jura bernois, appelés aussi Hairodes,
étaient de murs simples et douces, et ils ne s'éloignaient
pas de leur résidence.
Quand à l'automne ou au printemps, les gens de Montsevelier allaient
travailler leurs terres dans le vallon de Duses, les Hairodes offraient à
tout venant, d'un air gracieux, des gâteaux de leur façon
qu'ils avaient cuits dans une grotte qu'on appelait le Four des Hairodes,
et ils paraissaient heureux si on les acceptait;
si on les refusait, ils entraient en colère et maltraitaient ceux
qui repoussait cette offre.
Chaque année, dit-on, ils s'exerçaient à la course.
Le but déterminé, tous partaient au signal donné, et le
dernier arrivé, reconnu le plus faible, était porté
sur un bûcher et mis à mort.
Il est rare que l'on attribue des actes méchants aux nains des
cavernes;
ils commettent pourtant parfois des espiègleries assez désagréables
pour les gens du voisinage.
Les Jetins des bords de la Rance quittaient leur retraite tous les soirs pour
s'amuser dans la campagne et même dans les villages, et ils se
plaisaient à embrouiller la queue des chevaux, à mettre
les cochons à courir et à ouvrir les poulaillers.
Des légendes, assez communes dans le Nord et dans l'Est, représentent
les nains des grottes comme des personnages industrieux qui exercent
un métier ou font une sorte de commerce d'échange;
elles semblent appuyer l'hypothèse d'après laquelle ce groupe
de petits êtres perpétuerait le souvenir, avec une déformation
légendaire, d'anciennes races ayant vécu autrefois dans
le pays et habiles dans l'art de travailler les métaux.
Plusieurs récits de l'est de la France rapportent que les nains se plurent
à rendre service aux hommes jusqu'au jour où ils éprouvèrent
leur ingratitude;
comme les Korrigans de Bretagne, ils n'ont cessé leurs relations avec
eux, et n'ont abandonné le pays qu'à la suite d'actes irrévérencieux
ou méchants commis à leur égard.
Quand on avait un fer à cheval ou un soc de charrue à réparer,
il suffisait de le déposer le soir à l'entrée de
la caverne appelée la Lutinière, près d'Amancey, avec un
petit gâteau garni de beurre ou de confitures.
Le lendemain matin le gâteau avait disparu, mais le soc de la charrue
ou le fer à cheval était réparé.
Malheureusement un mauvais plaisant y apporta un jour un vieux fer à
cheval avec un gâteau sur lequel, en guise de confiture, il avait répandu
de la bouse de vache.
Cette grossièreté mécontenta les maréchaux de la
Lutinière, et depuis ce temps, s'ils font encore entendre le bruit
de leurs marteaux dans la forge souterraine, ce n'est plus pour rendre service
aux gens d'Amancey qu'ils travaillent.
Plusieurs de ces petits personnages semblent être, comme les génies
des mines, les gardiens des trésors du monde souterrain;
parfois ils les produisent au jour et certains s'amusent à les
montrer aux hommes pour les tenter.
Une naine sort de temps en temps d'une caverne située sur le penchant
d'une colline de Saint-Gilles-Pligeaux pour étaler son argent sur le
gazon.
A la fin du 18 siècle, des nains d'un pied de haut vivaient sous terre
au-dessous du château de Morlaix;
ils marchaient en frappant sur des bassins et exposaient leur or au soleil
pour le faire sécher.
Le passant qui leur tendait modestement la main recevait une poignée
de métal, mais celui qui venait avec un sac était éconduit
et maltraité.
En Gascogne, les Petits Hommes étalaient pendant une heure, la
nuit de la Saint-Sylvestre, l'or qu'ils gardaient dans leurs grottes, et qui
sans cela pourrirait et deviendrait rouge.
On croyait que ces nains, qui autrefois se montraient de temps à autre,
avaient peut-être quitté le pays, ou bien qu'ils n'osaient
plus sortir en plein jour, soit à cause de la méchanceté
des hommes, soit par crainte d'être battus à grands coups de becs
par les oies, qui sont leurs ennemies, comme les grues étaient
celles des Pygmées.
Les cavernes du pays basque sont presque toujours la demeure des Lamignac,
que Julien Vinson appelle des espèces de génies rustiques.
(J. Vinson , Les Basques, 1882)
Ils étaient des deux sexes, mais le rôle des Lamignac mâles
est de beaucoup plus considérable;
ils figuraient seuls dans la première série des légendes
recueillies par J.-F. Cerquand, ce qui le fit d'abord hésiter à
les comparer aux fées.
Plus tard d'autres récits les lui montrèrent vivant en famille
comme maris et femme et ayant des enfants.
Les gestes des dames Lamignac ressemblent assez souvent à ceux des fées
ordinaires.
Quand aux Lamignac mâles, leur puissance est autrement considérable
que celle des « féetauds » des grottes marines.
Les pêcheurs qui racontent leurs légendes les ont un peu façonnés
à leur image et les représentent en général
comme inférieur aux fées;
on sait que lorsqu'ils sont à terre, ils abandonnent volontiers à
leurs femmes le soin de la maison et se laissent guider par elles.
Au contraire, les Lamignac sont nettement supérieurs à
leurs compagnes, dont le rôle est effacé, et plusieurs des actes
qu'on leur attribue éveillent une sorte de comparaison avec ceux des
anciens seigneurs.
Comme eux du reste, ils sont violents et font bon marché de la
vertu des paysannes qu'ils retiennent de force dans leurs demeures souterraines.
Un jour qu'une jeune fille gardait son troupeau dans la montagne, un Lamigna
vint à elle, la prit sur son dos, et l'emporta, tandis qu'elle
criait de toutes ses forces, dans la grotte des Lamignac d'Aussurucq.
Elle y resta quatre ans;
les Lamignac lui donnaient du pain blanc comme la neige qu'ils faisaient
eux-mêmes et d'autres aliments si bons qu'on en pourrait avoir de meilleurs.
Elle avait un fils de trois ans qu'elle avait fait avec les Lamignac.
Elle parvint un jour à s'échapper et rentrer chez ses parents
qui eurent de la peine à la reconnaître.
Un autre récit parle d'une femme retenue contre son gré dans le monde souterrain, et qui, comme les princesses des châteaux enchantés, ne peut être délivrée qu'à une seule époque de l'année, et à certaines conditions.
Un berger vit un jour dans la grotte du Mont-Ohry une jeune dame se peignant
avec un peigne d'or.
Elle lui dit : « Si tu veux me tirer sur ton dos de cette grotte, le jour
de la Saint-Jean, je te donnerai tout ce que tu désireras.
Mais quoi que tu puisses voir sur ton chemin, tu ne devras pas t'effrayer.
»
Le berger le lui promit, et le jour de la Saint-Jean, il prit la dame sur son
dos et se prépara à l'enlever.
Mais apercevant des bêtes de toutes sortes, et un dragon qui lançait
des flammes, il fut pris de peur, abandonna son fardeau et s'enfuit.
La dame jeta un cri terrible et dit :
« Maudit soit mon sort ! je suis condamnée à vivre encore
mille ans dans cette grotte ! »
Les Hommes cornus de la Gascogne qui demeuraient sous terre, parmi les
rochers, avaient une queue et des jambes velues comme des boucs;
le reste de leur corps était pareil à celui des chrétiens;
on les regardait comme des bêtes qui devaient vivre jusqu'à la
fin du monde, et ne ressusciteraient pas pour être jugées.
Bien qu'on montrât leurs résidences, on ne parlait d'eux qu'au
passé, et l'on disait qu'ils avaient quitté le pays pour
aller vivre on ne sait où.
Du temps qu'ils y habitaient, ils enlevaient comme les Lamignac les plus jolies
filles du pays, parce qu'il n'y a point de femme cornues.
On les accusait aussi de sortir la nuit de leurs retraites pour voler
de quoi vivre dans les champs.
Quoique surtout dans les contrées montagneuses de l'Est, on rencontre
des cavernes assez vastes pour abriter des personnages gigantesques,
il en est peu qui aient été la résidence de héros
mythologiques ou de géants.
Pourtant, dans la légende bretonne des « Trois Rencontres »,
un chercheur d'aventures tombe entre les mains d'un énorme Rounfl
ou ogre anthropophage qui l'emporte, pour le faire cuire et le manger,
dans une grotte creusée dans la paroi de la montagne et aussi haute qu'une
église.
Au Roz, près de Quillio (Morbihan), on montrait le portail de la caverne où logeait l'enchanteur Merlin.
Non loin du château de la Roche-Lambert, une grotte fut dit-on, jadis habitée par Gargantua; c'est la seule connue, dont on a fait la demeure de ce héros colossal.
Dans la Suisse romande, un géant énorme vivait encore, dit-on, à une époque peu éloignée de nous, dans la Tanna au Pâtho, la grotte du Pâtho.
Des personnages, d'une nature assez mal définie, résident
aussi dans les cavernes.
Le Four à Porchas, sorte de grotte près de Vesdun (Cher), porte
le nom d'un enchanteur qui y demeurait, et dont les galanteries
à l'égard du beau sexe sont restées légendaires.
Des grottes du Bugey passent pour être l'asile d'un être mystérieux,
le proscrit du Bugey, que les uns supposent exister de nos jours, et
qui, suivant les autres, aurait depuis longtemps cessé de vivre.
Naguère on portait des jattes de lait à l'entrée
des cavernes qui, tour à tour lui servaient d'abri.
Il est triste jusqu'à la mort, se promène la tête
baissée et se retire au fond de son antre pour éviter de s'entretenir
avec ses bienfaiteurs.
Une grotte du Périgord avait été le repaire d'un monstre qui se nourrissait de la chair des passants.
Une caverne de la montagne du Rez-de-Sol, en Auvergne, fut jadis habitée
par un être féroce moitié homme, moitié bête,
qui dévorait les habitants des campagnes voisines;
un vaillant Templier, le chevalier des Murs, le tua en combat
singulier d'un coup d'épée.
Quoique des personnages béatifiés aient habité des cavernes, les légendes qui parle des gestes qu'ils y ont accomplis sont en petit nombre et généralement assez courtes.
A Locoal-Mendon, saint Gulwal creusa de sa main une grotte;
près du confluent de la Sarre et du Blavet, une caverne naturelle fut
la résidence de saint Rivalain;
non loin d'Augan, on montre celle où saint Couturier, que le peuple
a canonisé de sa propre autorité, venait coucher toutes
les nuits enveloppé de sa berne qu'il trempait, pour se mortifier
davantage, dans l'eau du ruisseau.
En Provence saint Arnoux qui, comme saint Julien l'Hospitalier, fut le meurtrier involontaire de ses parents, fit pénitence dans une caverne des environs de Vence, qui porte son nom, et où son crâne a laissé une empreinte sur le rocher qui lui servait d'oreiller.
Le bénédictin saint Mauron dormit cent ans dans une grotte
de l'Anjou, située prés d'une tombelle.
Une légende détaillée, où il porte le nom de Mauronce,
forme plus voisine du latin Mauruntius, raconte les gestes de cet Epiménide angevin.
Il était abbé d'un
monastère où il avait en vain essayé d'établir
une sévère discipline. Un jour qu'il était allé méditer dans une grotte retirée et que lui seul connaissait, il tomba dans un profond sommeil, et personne ne put savoir ce qu'il était devenu. Plusieurs années s'étant écoulées sans qu'on l'eût vu reparaître, on lui élut un successeur; mais le nouvel abbé ne réussit pas à vaincre les vices et l'insubordination des moines. Celui qui le remplaça eut encore moins de succès, et menacé des plus grands périls, il résolut de quitter le monastère. C'est alors que Mauronce sortit de sa longue léthargie; sa barbe blanche, épaisse comme une toison, tombait jusqu'à terre et ses cheveux formaient un manteau sur ses épaules. Il s'achemina vers le couvent de Montglonne, et quand il s'y présenta, le portier poussa un cri de frayeur, le prenant pour un fantôme : les frères l'entourent et lui demandent qui il est, d'où il vient. « Je suis votre père à tous, mes enfants; je suis Mauronce. J'étais allé méditer il y a quelques instants; mais il me semble que tout est changé. Où donc est le prieur, tel célérier ? Je ne le vois point parmi vous ! » Le chapitre est bientôt assemblé : les registres compulsés constatent que cent ans ont passé depuis la disparition de l'abbé, et qu'on peut en compter quatre-vingt-dix depuis le décès de ceux qu'il a nommés. Le vieillard fut replacé sur son siège, et il eut le bonheur de voir renaître parmi les siens l'obéissance, l'union et la pureté des murs. |
Une bienheureuse, connue sous le nom de Marie des Bois, avait élu
domicile dans une grotte des Pierres du Jour, sur la montagne de la Madeleine,
dans l'Allier;
la vie de cette solitaire n'était pas dépourvue de poésie
:
la neige formait une auréole sur sa tête, et les petits
oiseaux venaient la peigner.
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