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Les cavernes terrestres ne passent pas ordinairement pour être dues à
un travail humain;
les légendes relatives à leur création, rares et
peu détaillées, se bornent à l'énoncé de
la croyance :
les grottes merveilleuses du Languedoc et du Vivarais ont été
creusées par les Doumayselas, les demoiselles, celles de la Boullardière
à Terves (Deux-Sèvres) par des farfadets qui y demeurent
longtemps;
les cavernes de la Haute-Loire et les enfoncements dans les rochers sont
l'uvre des anciens hommes sauvages.
On voit dans plusieurs de ces souterrains des pétrifications
qui présentent quelque ressemblance avec des personnages ou des
ustensiles.
Le peuple n'a pas manqué de la compléter :
pour lui, ces jeux de la nature sont dus à des métamorphoses
de fées, et leur mobilier, changé aussi en pierre, se voit auprès
d'elle.
L'eau qui suinte à travers la voûte d'une grotte aux fées
sur les bords du Sichon, un peu plus bas que la Source des fées, dépose
une matière calcaire qui se concrète.
L'ensemble de ces concrétions affecte les formes les plus bizarres, que
l'imagination anime suivant ses fantaisies.
Ainsi un bloc allongé est censé représenter une femme
nue enveloppée d'un linceul :
c'est une fée qui, poursuivie par un magicien rival de sa puissance,
se changea en pierre pour lui échapper.
L'une des trois cavernes superposées, d'un accès difficile, situées à Féterne dans le Chablais, et connues sous le nom de Grottes des Fées, contenaient des merveilles, qui étaient ainsi décrites au 18 siècle :
« L'eau qui distille dans la grotte supérieure à travers
le rocher a dessiné dans la voûte la forme d'une poule qui
couvre ses poussins.
A côté, on voit un rouet avec la quenouille.
Les femmes des environs prétendent avoir vu autrefois dans l'enfoncement
une femme pétrifiée au-dessus du rouet.
Il fut un temps où l'on osait guère s'approcher de ces grottes;
mais depuis que la figure de la femme a disparu, on est devenu moins timide.
»
(Voltaire, Des Singularités de la
nature, 1768)
On descend par une espèce d'entonnoir dans une caverne du pays
de Liège, nommée Trou del Heuve, où l'on aperçoit
dans l'ombre deux formes blanches semblables à des fantômes traînant
de longs voiles, appelés Marguerite et Pierrette, et plus loin
deux autres stalagmites anthropomorphes.
Elles sont en un carré, et au centre une grosse pierre informe
posée sur plusieurs quartiers de rochers est nommée par les habitants
le Cheval Bayard.
Certaines cavernes renferment un monde en miniature;
dans la Grotte des Fées à Accous (Basses-Pyrénées),
il y avait tout un pays avec des plaines.
D'autres s'étendaient fort loin sous terre, parfois jusqu'à
plusieurs lieues, comme celle du Cas Margot près de Moncontour-de-Bretagne,
comme une caverne de l'Allier, qui contenait des trésors, comme la grotte
de Biâtre en Poitou.
La grotte de l'Homme mort, dans l'Ariège, où demeuraient
des enchantées, c'est-à-dire des fées transformées
en sorcières et appelées encandos, dounzelos, fados, sourcieiros,
a plus d'une lieue et demie de longueur.
On y voit des statues, des piliers et deux oreilles de porc plantées
à la voûte.
Au milieu est un ruisseau difficile à traverser. Depuis qu'on
a pu le passer, on voit sur le sol la trace des pieds des enchantées.
La Grotte à la Dame qui s'ouvre à un kilomètre
du Grand-Auverné (Loire-Inf.) se continuent jusque dessous l'église;
la caverne de Ro'ch Toull aboutit sous le maître-autel de Guimiliau
(Finistère) et l'on y a entendu un coq chanter sous le chur.
Cette circonstance, qui se retrouve sur la côte, y sert à démontrer
que les « houles » ou cavernes du bord de la mer s'enfoncent aussi
fort loin dans les terres.
En Béarn, l'imagination populaire prêtait de vastes dimensions à un souterrain situé au centre d'une ancienne forêt, et qui fut autrefois habitée par des fées, et l'on prétendait y avoir entendu marcher un être invisible qui garde leurs ossements.
Quelques grottes sont pourvues, comme les souterrains des châteaux, d'une
seconde issue, parfois à une assez grande distance de leur ouverture;
la caverne du Pertuis-Fourtière à Langon, sur les bords de la
Vilaine qui, pendant une quinzaine de mètres est étroite, puis
s'élargit, s'étend sous terre en forme de chambre jusqu'en
face de la gare de Langon.
Une fois, on y vit entrer des moutons qui ne reparurent jamais,
si l'oie est noire, elle reparaît blanche.
Les Bécuts dont parle les contes gascons étaient des géants
hauts de sept toises qui, comme les cyclopes dont ils rappellent
assez exactement les gestes, n'avaient qu'un il au milieu du front.
Il habitaient des cavernes dans un pays sauvage et noir, et quand ils attrapaient
des chrétiens, ils les faisaient cuire vivants sur le gril
et les avalaient d'une bouchée.
Plusieurs récits, où se rencontrent des incidents de la légende
de Polyphème, racontent
que des garçons adroits parviennent, en employant la ruse, à les
rendre aveugle et à leur échapper.
Le Bécut était jadis un objet
d'effroi pour les enfants et les paysans, ce qui semble montrer qu'avant d'en
faire un être mythologique ou lui a autrefois assigné une résidence
locale.
(J.-F. Bladé)
Quelquefois ces cavernes servent de prison à des oiseaux merveilleux
:
le Merle blanc y est gardé par deux dragons, l'Oiseau de Feu
par un géant.
Dans un conte provençal, une ourse emmène dans sa caverne
un petit enfant qu'elle a enlevé pour remplacer un de ses petits
qui vient de mourir;
dans un récit basque, c'est un ours qui jette sur son dos une
jeune femme et la retient dans son antre, où elle devient mère;
le même épisode se trouve dans un conte picard;
dans un récit mentonnais, une femme qui s'est réfugiée
dans une grotte est obligée d'y demeurer avec un ours et elle
y a un enfant qui, sous le nom de Jean de l'Ours, a comme ses
homonymes des aventures prodigieuses.
Les grottes figurent parmi les résidences des fées montagnardes,
et, plus rarement, des fées sylvestres, mais elles sont la demeure par
excellence des fées rustiques.
Les paysans ont cru, jusqu'à une époque assez récente,
que beaucoup de cavernes, de dimensions et d'importances variées, situées
dans des endroits isolés, mais peu éloignés des villages,
avaient été habitées par des dames surnaturelles
et puissantes, avec lesquelles leurs ancêtres entretenaient des
relations dont le souvenir est attesté par un grand nombre de légendes.
D'un bout de la France à l'autre, des grottes portent des noms
qui y associent les fées, les récits populaires décrivent
les merveilles qu'on y voit, et ils racontent les gestes de leurs habitants
avec des détails qui montrent que leur mémoire est loin
d'être oubliée.
Plusieurs légendes parlent en outre de personnes qui ont pénétré dans la demeure des bonnes dames lorsqu'elles y habitaient encore et qui sont revenues dire ce qu'elles y avaient vu.
Un chasseur bossu qui s'était
égaré entra un soir dans l'antre de Bourrut près de
Loubières, dans l'Ardèche; il vit la grotte toute illuminée, la mousse s'était changée en or et au milieu se dressait une table bien servie, devant laquelle il s'assit. Quand il eut fini de manger, il vit tomber des quilles d'or, puis une boule d'or; mais c'était le corps d'une fée qui se mit à chanter « lundi, mardi » et à danser. D'un coup de main, elle lui enleva sa bosse et la posa sur le chambranle de la cheminée; quand il voulut la remercier, elle avait disparu. Il conta son aventure, et, comme dans les nombreux récits parallèles à cette partie de la légende, un autre chasseur bossu se rendit à l'antre merveilleux et fut témoin des mêmes choses; mais, ayant eut l'imprudence d'ajouter « mercredi » au refrain de la fée, celle-ci, pour le punir, lui planta sur la poitrine une seconde bosse. |
On entrait chez les fées de Landaville par de gros trous cachés
sous des souches d'aubépine.
Leur maison était au fond;
il y avait beaucoup de chambres où c'était plus beau qu'à
l'église.
On y voyait toujours plus clair qu'en plein midi, tant il y avait d'étoiles
de toutes couleurs qui étaient attachées en l'air.
Et partout sur les murailles c'étaient des miroirs qui reluisaient
et qu'on ne pouvait regarder.
Les fées passaient leur vie à chanter et à jouer,
et, quand il faisait beau, elles sortaient la nuit par les trous de Fosse.
Elles étaient si légères qu'elles ne touchaient
pas terre, et qu'on voyait clair au travers d'elles.
Ordinairement les grottes où demeuraient les fées avaient une
entrée facile à découvrir;
mais il arrivait parfois qu'elle était très bien cachée,
ou même invisible, et qu'elle ne s'ouvrait que devant ceux qui possédait
un talisman.
On raconte dans le pays basque qu'une belle jeune fille vint trouver la maîtresse
de la maison Gorritépé, et la pria de venir assister une
femme en mal d'enfant.
Elles allèrent dans un bois, et la fille lui donna une baguette
en lui disant de frapper la terre.
Dès qu'elle l'eut fait, un portail s'ouvrit;
elles entrèrent dans un château d'une rare magnificence, qui était
éclairé par une lumière aussi éblouissante
que le soleil.
Dans le plus bel appartement était une Lamigna prête d'accoucher,
et tout autour de la chambre on voyait une foule de petites créatures
ne bougeant jamais.
Lorsque la femme eut fait son office, on lui servit à manger, et de plus
on lui donna un morceau de pain blanc comme neige.
Quand elle se retira, la jeune fille l'accompagna jusqu'au portail;
mais ni l'une ni l'autre ne pouvait l'ouvrir, elle lui demanda si elle emportait
quelque chose.
La femme répondit qu'elle avait gardé un morceau de pain pour
le montrer à sa famille.
Dès qu'elle l'eut restitué, la porte s'ouvrit, et la jeune fille
lui donna une poire d'or, en lui disant de la mettre dans son bahut,
et que si elle n'en parlait à personne, elle trouverait tous les matins
à côté une pile de louis.
Les dames des grottes, comme celles des « houles » du bord de la mer, avaient recours aux bons offices des matrones quand elles étaient prêtes d'accoucher.
Une Lamigna qui habitait une caverne, près de Gotein, fut aussi accouchée
par une sage-femme, et pour sa peine elle lui offrit le choix entre deux
pots à feu, l'un recouvert d'or, l'autre de miel.
La femme choisit celui qui était recouvert d'or, et qui ne contenait
que du miel, alors que celui qu'elle avait dédaigné était
rempli d'or.
Ces fées vivaient assez souvent par groupes, et il y avait avec
elles des mâles;
mais, comme les « féetauds » des houles maritimes, ils jouent
un rôle très effacé.
Certaines n'admettent point d'hommes dans leurs demeures :
celles de Creux d'Enfer, près de Panex, eurent des enfants sans qu'on
leur connût de père;
elles les nourrissaient elles-mêmes;
mais il en résultait un grave inconvénient :
leurs seins se détendaient et s'allongeait tellement que, pour
ne pas être incommodées, elles étaient obligées de
les poser sur leurs épaules.
Suivant une croyance très répandue en Europe, les fées
volent les enfants qui leur plaisent et y substituent les leurs;
ceux-ci sont, d'ordinaire, noirs et laids, et ont un air vieillot;
en quelque pays, notamment en Hte-Bretagne, quand un enfant présente
cette particularité, on dit encore que c'est un « enfant des fées
».
Les nourrissons que les dames des grottes dérobent à leurs voisins
et ceux qu'elles mettent à leur place sont presque toujours des mâles.
Les fées de Montravel en Auvergne s'emparaient des petits garçons
sans faire l'échange :
une femme à qui elles avaient pris son fils alla, sur le conseil d'une
fée bienfaisante, placer à l'entrée de la caverne des petits
sabots bien luisants;
un petit fadou en sortit, les admira et les mit à ses pieds, mais il
s'embarrassa dedans et tomba;
On se saisit de lui, et il ne fut rendu que lorsque les fées eurent
restitué le rejeton de la paysanne.
On raconte dans le Livradois qu'au rebours de ce qui a lieu habituellement,
les chrétiens avaient commencé par dérober
la progéniture des fées;
celle-ci par représailles, emmenèrent tous les nouveaux-nés
chrétiens, et lorsque les mères vinrent les supplier de les leur
ramener, elles répondaient :
Randa nou noutri Fadou
Vou randran voutri Saladou.
(Rendez-nous notre Fade, nous vous rendrons votre Salé),
faisant ainsi allusion au sel du baptême.
Les chrétiennes durent consentirent à l'échange.
Mais le plus habituellement les fées prennent les enfants des hommes
et laissent les leurs à la place;
ceux que les Margot-la-Fée des C.-d'A. déposaient dans les berceaux
étaient insatiables et mangeaient plus que de grandes personnes.
Les gens du voisinage connaissait un moyen infaillible pour s'assurer
qu'ils avaient affaire à un petit féetaud;
quand ils avaient placé devant le feu des coques d'ufs remplies
d'eau, l'enfant étonné s'écriait :
J'ai bientôt cent ans,
Je n'ai jamais vu tant de petits pots bouillants.
Il suffisait de faire mine de le battre pour que les Margot rapportent
aussitôt celui qu'elles avaient dérobé.
Il existe plusieurs variantes de cette légende :
l'une de celles qui rappellent le mieux le récit de la Hte-Bretagne est
populaire de l'autre côté des Alpes, dans la vallée d'Aoste,
pays français de race et de langue.
Une fée éclatante de beauté
habitait une caverne dans le vallon de Réchanté en compagnie
de son fils qui était malingre, bossu et muet par-dessus le marché; « Té vu tre
cou prà, tre cou tchan, tre cou arbrou gran, e jamé vu tan
dé ballerot otor dou fouec. » La vieille dit alors aux parents de celui qui avait
été dérobé de porter le nain aux environs
de la caverne, et de le fouetter sans pitié. |
En dehors de la péninsule armoricaine et de la Vallaise, l'épreuve
des coques d'ufs ou les coquillages qui font parler le nain n'a
été relevée qu'en Normandie, à Guernesey et dans
la Bresse.
En Vendée, où vraisemblablement elle a été connue
sous la même forme, elle a subie une altération, et elle
n'est plus employée pour savoir si l'on a affaire à un intrus,
mais pour forcer les fées à opérer la restitution.
La mère qui, avant de se coucher, avait placé treize ufs
sous la cendre, retrouvait le lendemain son enfant auprès d'elle.
La croyance aux enfants changés subsiste en d'autres pays où
les vieilles femmes, à la seule vue des « fayons »,
savent les reconnaître.
Une femme de Panex, qui sarclait dans les champs, y avait apporté le
berceau de son enfant;
son travail fini, elle vit à la place de son nourrisson un petit être
tout noir qu'une main invisible venait d'y déposer.
Elle retourna à son village et consulta une des femmes les plus
âgées, qui lui dit que sans doute une des fées de la grotte
avait fait échange avec elle.
Elle lui conseilla de retourner le lendemain à son champ à la
même heure, sans avoir donner le sein à l'enfant.
Celui-ci se mit à pleurer, et la fée, accourant aux cris
de son fayon, rapporta le nourrisson et emporta le sien dans la grotte.
Les légendes racontent aussi, sans entrer dans les détails, que
les fées emmenaient, de gré ou de force, des adultes dans
leurs demeures souterraines.
Les fées noires de la région pyrénéenne emportaient
les jeunes vachers qui abandonnaient la surveillance de leurs troupeaux
pour chercher des nids de perdrix blanches.
Les Margot-la-Fée gardaient aussi des hommes dans leurs cavernes, mais
sans les y contraindre;
ils s'y plaisaient tellement que le temps leur semblait moitié
moins long qu'il n'était réellement.
Quelquefois les bonnes dames avaient avec les hommes des relations qui allaient
jusqu'au mariage;
mais, ainsi que la plupart des fées qui épousent des mortels,
elles stipulaient que l'union serait rompue si leur mari n'observait pas scrupuleusement
les conditions imposées, si bizarres qu'elles lui parussent.
Une dame de la grotte aux Fées de Vallorbe consentit à prendre
un forgeron pour époux, en lui faisant promettre qu'il ne la verrait
que lorsqu'elle le jugerait à propos de se montrer, et qu'il ne la suivrait
jamais dans aucune partie de la caverne que celle où il se trouvait au
moment de cet entretien.
Tout alla bien pendant quinze jours;
le seizième, comme la fée était entrée dans un cabinet
voisin pour y faire sa méridienne, son mari entrouvrit la porte;
sa femme sommeillait sur un lit de repos, et sa robe relevée laissait
voir ses pieds qui étaient faits comme ceux d'une oie,
la fée, avertit par le jappement de sa petite chienne, le chassa de la
grotte et le menaça des plus durs châtiments s'il révélait
jamais ce qu'il avait vu.
Le forgeron ne put s'empêcher de le raconter à ses camarades,
et comme preuve, il leur montra les deux bourses que la fée lui avait
données;
mais dans celle qui contenait de l'or, il ne trouva que des feuilles de saule,
et dans celle où l'on avait mis des perles, que des baies de genévriers.
En même temps les fées disparurent :
on assure qu'elles s'étaient retirées dans les grottes profondes
de Montchérand, près de la ville d'Orta, mais nul n'osa jamais
y pénétrer pour en avoir la certitude.
Dans les légendes corses, c'est aussi la curiosité du mari qui amène la rupture du mariage contracté dans des circonstances analogues :
Une belle fée avait sa grotte près de la rivière
de Rizzanèze; |
Les hommes qui épousaient les Margot-la-Fée de la Haute-Bretagne n'étaient pas soumis à ces conditions, mais ils restaient dans la grotte à vivre de la vie des fées.
Les légendes qui décrivent la beauté des grottes
rapportent aussi, parfois avec détail, les occupations de leurs
habitants, dans leur demeure elle-même ou aux environs.
Comme leurs congénères des houles des falaises, ces fées
se livraient à des travaux féminins, analogues, avec une pointe
de merveilleux, à ceux des ménagères des environs.
Ainsi qu'on l'a vu, elles boulangeaient et cuisaient leur pain;
mais elles étaient aussi d'habiles fileuses, et elles allaient
laver, à la rivière ou dans l'étang voisin, du linge d'une
blancheur proverbiale.
En Saintonge, les paysans appelaient Fades ou Bonnes les fées que l'on
voyait sur les bords de la Charente, près des grottes de la Roche-Courbon,
de Saint-Savinien et des Arciveaux.
Elles erraient la nuit, au clair de lune, sous la forme de vieilles
femmes, et ordinairement au nombre de trois.
Elles avaient la faculté de prédire l'avenir et le pouvoir de
jeter des sorts.
On les désignaient sous le nom de filandières, parce qu'on
supposait qu'elles portaient constamment un fuseau et une quenouille.
Les fées d'Aï, qui habitaient le Pertuis, étaient bonnes
ménagères :
elles balayaient leurs grottes, s'occupaient aux ouvrages de leur sexe.
On raconte à Leyzen que l'on a vu dans un amas de balayures,
au-dessous de la grotte de Pertuis, de petits dés à coudre,
de mignonnes paires de ciseaux, et des petites rognures d'étoffes.
Les hades et les blanquettes qui résident dans les grottes des montagnes
des Pyrénées font voir sur le seuil, par les beaux jours, leurs
resplendissantes chevelures d'or, mais ceux qui veulent les atteindre
roulent dans les précipices.
Les fées des grottes, comme celles des fontaines et des lacs, faisaient
elles-mêmes leur lessive;
mais lors même qu'elles s'y employaient après le coucher du soleil,
leur occupation n'avait rien de commun avec la lugubre tâche des lavandières
condamnées à des pénitences posthumes.
(Voir eaux douces 5, lessives merveilleuses)
En Forez, par les nuits calmes, on entendait très distinctement
les dames de la Grotte des Fayettes battre leur linge, fin comme la gaze,
quasiment tramé de nuages et bordé de rayons de lune.
Au lever du jour, si quelque indiscret les surprenait attardés
à leur ouvrage, elles se dispersaient comme feuilles au vent,
et parfois l'une d'elles, dans sa précipitation, oubliait sur la bruyère
son battoir d'or massif.
Les fayules du Dauphiné choisissaient les jours de brouillard
pour faire leur lessive, et elles étendaient alors sur les rochers leur
linge impalpable.
Très pacifiques en temps ordinaire, elles devenaient furieuses
si un imprudent venait les déranger;
tout disparaissait en un clin d'il et un sort était jeté
sur le curieux qui, dans l'année, voyait le malheur s'abattre sur sa
maison.
Les Margot-la-Fée de Haute-Bretagne lavaient aussi à certains
doués, même en plein jour, ou tout au moins au crépuscule;
parfois, comme les lavandières de nuit, elles broyaient les bras
de ceux qui leur aidaient à tordre.
Les légendes des fées danseuses, dont l'habitation est expressément localisée dans les cavernes, sont surtout connues dans l'est de la France.
On voit danser au clair de lune, près de la grotte de la Chapelle des
Fées à Censeray, des dames blanches qui vont ensuite se désaltérer
à la rivière;
celles de la caverne de Talent faisaient, à minuit, des rondes
autour de la Roche fendue.
Les fées du Dauphiné, qui habitaient les fissures des
rochers qu'on appelle Pierres des Fayules, restent invisibles pendant le jour;
mais au crépuscule, elles forment des rondes silencieuses près
de leurs grottes.
Celles de la spacieuse caverne à deux étages de Vallorbe étaient bonnes musiciennes, et l'on se souvient de les avoir entendues chanter au bord des eaux et des précipices.
Les bonnes dames qui se montraient parfois en plein jour pouvaient rentrer chez elles par la porte de leur grotte, si celle-ci était visible, ou même sans laisser de trace à l'endroit où elles avaient disparu.
C'était peut-être à cette faculté que faisait
allusion un paysan dont parle Noël
du Fail.
« Le bonhomme Robin Leclerc disoit que en charriant les fées
le venoient voir, affermant qu'elles sont bonnes commerce et voluntiers leur
eust dit le petit mot de gueule, s'il eust osé, ne se deffiant point
qu'elles ne lui eussent joué un bon tour.
Aussi que un jour les espia lorsqu'elles se retiroient en leurs caverneux rocs,
et que soudain qu'elles s'approchoient d'une petite motte, elles s'évanouissoient.
»
Lorsque les fées s'éloignaient de leur résidence habituelle,
elles prenaient parfois l'apparence de paysannes;
en Corse, où l'on semble croire que les fées n'ont pas toutes
quitté le pays, elles sortent de temps en temps de leurs grottes,
déguisées, et se promènent dans les campagnes.
Elles empruntent les traits de personnes connues et se plaisent à
causer avec les paysans.
En d'autre pays, les fées ne se déguisaient pas lorsqu'elles
venaient chez les hommes.
Les dames de la Baume des Fées à Vallorbe, canton de Vaud, ne
dédaignaient pas en hiver de se chauffer derrière les fourneaux
des forges de Laderrain;
un coq qui les suivait partout les avertissait, une heure à
l'avance, du retour des ouvriers.
Tante Arie, qui habitait une caverne du Jura bernois, allait à
la veillée d'une maison du voisinage pour activer le travail
des fileuses.
Des jeunes gens indiscrets, voulant s'assurer du chemin qu'elle parcourait,
répandirent des cendres sur la voie, et le matin, ils reconnurent
aux empreintes que la fée avait des pieds d'oie.
Les Fanettes du Limousin quittaient leurs grottes durant les longues
soirées pour venir dans les fermes du voisinage;
mais elles se plaisaient à faire mille espiègleries aux
ménagères.
Les récits populaires sont en général bienveillants
pour les dames des cavernes, et beaucoup parlent des services qu'elles
se plaisaient à rendre aux hommes.
Les habitantes de la Grotte des Fées du Puy de Préchonnet comblaient
de bienfaits les gens de la contrée;
elles présidaient aux naissances, aux alliances conjugales,
et jamais on ne recourait en vain à leur baguette magique.
Tante Arie, qui est aussi connue en Franche-Comté, faisait son
séjour dans une caverne de la Roche de Faira, d'un accès difficile.
Elle protégeait les femmes laborieuses, mais elle emmêlait
la quenouille des filles qui s'étaient oubliées.
Parfois, les bonnes dames témoignaient plus d'indulgence pour
les personnes de leur sexe.
Une jeune fille qui, prise des douleurs de l'enfantement, allait se réfugier
chez une de ses amies, passait un soir en pleurant près des grottes de
Rinbanys (Roussillon);
les fées eurent pitié d'elle et la recueillirent dans leur caverne
où elles aidèrent à sa délivrance.
La même compassion est attribuée en Hte-Bretagne à
des fées qui cachent dans leur « houle » une pêcheuse
enceinte qui voulait se noyer.
Au commencement du 19éme siècle, les fées de l'Ain étaient
des vieilles filles sages et vertueuses qui demeuraient dans des grottes
et apprenaient aux jeunes filles à coudre et à filer;
voulant récompenser leurs écolières les plus diligentes,
elles leur donnèrent de petits papiers pliés pour acheter
quelques parures;
elles y mirent comme condition que celles-ci ne les ouvriraient pas avant
d'être rendues chez leurs parents.
Les jeunes filles résistèrent d'abord à la tentation, mais
la curiosité finit par l'emporter.
Quand elles furent arrivées à un endroit que l'on désigne,
les paquets furent ouverts, et l'on n'y trouva que des feuilles de buis.
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