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La légende de création dualiste, populaire ainsi qu'on l'a vu
maintes fois en Bretagne, s'applique à quelques insectes :
quand Dieu a fait l'abeille, le diable qui veut l'imiter, fait la guêpe
ou la mouche.
C'est Dieu qui crée le papillon, et le diable le hanneton.
Cette sorte de concours, dans lequel Satan ne réussit qu'à
produire des contrefaçons nuisibles où inférieures en beauté,
se continue même après l'achèvement du monde.
On raconte dans le Morbihan qu'un jour que notre Seigneur, saint Pierre et
saint Jean se reposaient à l'ombre, le maître s'amusait à
créer différentes espèces de mouches.
Le diable qui passait par là, s'étant arrêter à regarder
ce que faisait Jésus, dit qu'il ferait des mouches aussi belles
que les siennes,
Jésus accepta la gageure; le diable chercha longtemps, fit et défit
plusieurs fois son ouvrage, puis finit par créer les guêpes.
Jésus aussitôt créa les abeilles, et dit que pour
juger de la valeurs des unes et des autres, il fallait les considérer
sur tous leurs aspects.
Après un minutieux examen, on reconnut qu'au point de vue de la couleur
et de la taille les guêpes pouvaient rivaliser avec les abeilles;
mais que pour le caractère et le savoir-faire, les abeilles l'emportaient
d'emblée.
Suivant une légende dont les variantes recueillies dans le Velay, la
Beauce et les C.-d'A., ne diffèrent que par les détails, le bon
Dieu qui se promenait avec saint Pierre sur les bords d'un fleuve vit une femme
couchée sur le sable et dont les traits reflétaient l'ennui
le plus profond.
Il eut pitié d'elle et tira de sa poche une poignée de puces
qu'il lui jeta, en disant :
« Femme, l'oisiveté est la mère de tous les vices; voilà
de quoi t'occuper ! »
C'est aussi pour travailler la peau des fainéants que les poux
furent créés, bien des années après le commencement
du monde.
En Picardie, une femme pauvre, qui avait souhaité d'être riche
pour ne plus travailler, fit un héritage, elle s'ennuya tellement
d'être inoccupée qu'elle pria le bon Dieu de lui donner des piotes
bêtes pour la distraire;
il exauça sa prière et lui envoya des poux, des puces
et des punaises.
A Marseille, on prétendait que ces insectes naissaient dans les églises.
Au 16ème siècle, certains, croyant à une sorte de génération spontanée, disaient que la laine de la brebis arrachée de la gueule du loup engendrait force poux.
Une gracieuse légende du Morbihan prétend que les abeilles sont
nées des larmes que Jésus versa sur la croix;
pas une ne tomba sur terre, mais toutes s'envolèrent, pour porter,
de la part du Sauveur, quelque douceur aux hommes.
D'après un vieil auteur, « les cicades et grillons naissaient du crachat et escume de l'oyseau appelé cocu ou coucou ».
Bien des paysans de la Haute-Bretagne n'admettent pas que le papillon provienne d'une chenille par l'intermédiaire d'une chrysalide.
On prétend, aux environs de Liège, que le scorpion (lézard ou salamandre) se transforme en libellule.
Les grillons et les abeilles chantent; en Haute-Bretagne, les araignées
fredonnent une chanson en tissant leur toile.
Quand le temps change, les araignées répètent :
« Tac, tac », comme un balancier d'horloge.
Les hannetons et les vers blancs font enrager les chiens; en Wallonie, si on donnait des hannetons à manger aux poules, on trouverait de ces insectes dans leurs ufs.
La croyance suivant laquelle des insectes s'introduisent dans l'oreille
est ancienne :
Néis puces et orillies
S'eles s'ierent entortillies
En dormant dedans l'or oreilles
Les gréveroient à merveilles.
En Poitou, en Beauce, en Haute-Bretagne, etc., on dit que si le perce-oreille
pénétrait dans la tête d'une personne, il la ferait mourir
en mangeant sa cervelle pour sortir de l'autre côté.
Les paysans sont loin de partager la répugnance que les parasites
inspirent aux civilisés.
En Hainaut, tous les enfants ont des poches à poux à la base du
crâne; lorsque le peigne les crève, ils font irruption sur la tête
de l'enfant.
Dans cette région, comme en Picardie, et en d'autres pays, les poux
sont un indice de santé;
on dit parfois qu'ils mangent le mauvais sang; aussi a-t-on soin de ne pas les
détruire tous.
On prétend aux environs de Rennes que la guêpe hait l'homme qui lui fait la chasse, et qu'elle le reconnaît au bout de plusieurs jours.
Un scrupule, probablement fort ancien, protège la vie de certains
insectes;
au 18ème siècle, on ne souffrait pas que l'on tue les grillons
dans la pensée qu'ils faisaient le bonheur de la maison.
Dans la Charente, après le meurtre de l'un de ces insectes, le berger
voyait périr son plus beau mouton;
aux environs de Moncontour-de-Bretagne, le laboureur qui tue une Bête
à bon Dieu perd un de ses meilleurs chevaux.
Dans la Côte-d'Or, le pâtre qui détruit une fourmilière
peut s'attendre à la perte de ses vaches.
En Haute-Bretagne, si une abeille a été écrasée
volontairement dans la maison, toutes les autres quittent la ruche.
En Ille-et-Vilaine, si on écrase une coccinelle, ou même
si on l'enferme dans une boîte, on est exposé à mourir le
lendemain;
en Hainaut, celui qui la tue attrape des abcès;
dans la Sarthe, ceux qui tuent les grillons risquent de voir leurs doigts
se raccourcir.
etc.
Lorsqu'on tracasse certains insectes ou qu'on les tue, on amène
un changement, presque toujours fâcheux, dans la température.
Dans le Centre de la France, bouleverser une fourmilière en temps de
sécheresse est un moyen infaillible de provoquer une ondée;
dans la Creuse, si on la défait le soir, il pleut le lendemain.
En Wallonie, dans la Gironde et dans le Jura, la pluie survient si on tue un
carabe doré.
Sans doute à cause de leur nom, le peuple a pour les fils de la Vierge
une considération particulière :
en Haute-Bretagne, quand on en brise un, on fait pleurer le bon Dieu.
L'eau des fontaines où il y en a est meilleure que celle
des autres, parce que la Vierge y est venue filer la nuit.
Les paysans d'Ille-et-Vilaine écrasent toutes les courtilières,
et même pour plus de sûreté, les brûlent;
ils considèrent cet insecte, qu'ils nomment le Tac, comme très
dangereux;
ils tuent aussi les papillons de nuit, réputés venimeux.
En nombre de pays, on constate l'emploi talismanique de plusieurs insectes
vivants, et surtout certaines parties de leur corps.
Dans la région des Côtes-d'Armor, on s'assure la chance en ayant
dans sa poche une tête de cerf-volant mâle appelé
cer; celle de la ceresse n'a pas la même efficacité.
Dans le Loir-et-Cher, les Deux-Sèvres, la Gironde, pour qu'un conscrit
ait un bon numéro, il est utile de coudre, sans qu'il le sache, une araignée
vivante dans la doublure de son gilet.
Dans la Gironde , on évite les chutes, en portant constamment une des
cornes d'un Barbot de Saint-Jean;
dans les Vosges, la tête d'un cerf-volant préserve de la foudre;
en Basse-Normandie, une de ses cornes met à l'abri des chiens
fous.
Dans la Creuse, pour garantir les enfants de divers inconvénients, on
leur met au cou en guise d'amulettes des coccinelles.
En Haute-Bretagne, la procession de la Saint-Marc (25 avril) est destinée
à faire crever les langousses (mouches d'eau);
jadis elles faisaient périr les chevaux et même les hommes;
elles étaient grosses comme des têtes de cheval et pouvaient traîner
des pierres;
depuis l'institution de la fête, elles ont été réduites
à la taille qu'elles ont aujourd'hui.
Le pardon des mouches se tient à Quimper le soir du même
jour dans le quartier Saint-Mathieu.
Mais actuellement il n'est plus qu'un prétexte à divertissement.
Le pardon des hannetons qui a lieu au bourg de Gouesnou, le jour de l'Ascension,
a perdu aussi son caractère religieux.
Au Moyen Age, on exorcisait les insectes, et dans la formule la plus
répandue, dont la rédaction est attribuée à saint
Grat, évêque d'Aoste au 9ème siècle, ils étaient
excommuniés comme agents du diable;
en 1516, l'Official de Troyes déclara maudites et anathématisées
toutes les petites bêtes en leur donnant six jours pour sortir
du terroir.
En 1690, les chenilles qui ravageaient les environs de Pont-Château
en Auvergne furent excommuniées par le grand vicaire, qui les renvoya
devant le juge des lieux.
Les pratiques destinées à mettre les gens et les habitations
à l'abri des insectes désagréables sont aussi nombreuses.
Au 17ème siècle, pour n'être point mordu des puces,
il fallait dire « och, och », en entrant dans un lieu où
il y en avait.
Dans le Loiret, pour chasser les poux et les puces, on fait brûler dans
l'intérieur des maisons, le jour du Carnaval, une poignée de paille
provenant de la paillasse du lit;
dans le Perche, on attribue aux tisons de la Saint-Jean la propriété
d'éloigner les puces.
En Wallonie, un os de mort, des feuilles de fougères chassent
les punaises des lits.
Autrefois, on pendait un hareng, le Vendredi saint, aux soliveaux de
la chambre afin d'empêcher les mouches d'y entrer;
une superstition analogue a été relevée en Anjou, où
le rite consiste à porter une sardine à la messe un vendredi
et à la suspendre aux poutrelles.
Suivant quelques-uns, cette pratique n'est efficace que le Vendredi saint;
une tête de sardine clouée à la porte de la maison
le jour saint Marc empêche ces insectes d'y entrer;
dans la Creuse, pour être préservé toute l'année
de la piqûre des moucherons, on lance du bouillon au plafond le
jour du Carnaval.
Au Moyen Age, il y avait plusieurs endroits où ne pouvaient rester
des insectes importuns ou désagréables;
on disait au 13ème siècle qu'aucune mouche, aucune araignée
ne pouvait vivre dans le réfectoire attenant à l'église
du Puy-en-Velay.
Si on y apportait quelqu'un de ces insectes, il mourait ou se hâtait de
s'envoler.
G. de Tilbury qui rapporte ce fait ajoute :
« On observe le même phénomène dans le village de
Bariolus, près d'Aigues-Mortes, où aucune mouche ne peut vivre
dans la salle à manger du curé.
J'en ai fait moi-même l'expérience : ne croyant pas que la chose
fut vraie, j'y avais apporté quelques mouches et j'y avais fait
répandre du miel;
malgré cet appât, toutes se sauvèrent immédiatement.
Ces bêtes étant devenues incommodes dans un monastère fondé
par saint Bernard, le saint les excommunia et le lendemain on les trouva
toutes mortes. »
Dans un grand nombre de pays de France, le grillon est associé
au bonheur de la maison.
On dit en Béarn : « où il y a des grillons, Dieu habite.
»
Suivant une croyance assez répandue, les sorciers n'ont aucun pouvoir
sur les personnes qui ont chez eux ces insectes de bon augure.
Le chant du grillon présage le bonheur ou la richesse.
En Haute-Bretagne, on lui dit pour l'engager à venir se faire entendre
:
Guersillon,
Viens dans ma maison,
Chante ta petite chanson,
Et répands ta bénédiction.
Il s'intéresse, parfois d'une manière touchante, à
ceux qui lui donnent l'hospitalité.
Dans les Hautes-Vosges, si quelqu'un tombe malade dans la maison où
il se plaît, il baisse la voix, on l'entend à peine;
le malade est-il en danger de mort, il se tait tout à fait;
meurt-il, il reste silencieux pendant six semaines en signe de deuil.
Dans les C.-d-A., s'il s'agit du chef de famille, il est muet pendant six mois.
Les abeilles portent, dans le Morvan, le nom de Moinces du bon Dieu,
qui indique la considération que l'on a pour ces diligentes ouvrières.
On croit, en plusieurs pays, qu'il y a relation entre la prospérité
des ruches et la santé de leur maître;
dans la Gironde, le nombre des abeilles diminue à mesure qu'il vieillit;
s'il meurt, l'esseneau s'en va;
en Ille-et-Vilaine, les mouches à miel meurent dans l'année
ou ne profitent plus.
Suivant un usage général en france, dans la Wallonie et la Suisse
romande, on met les abeilles en deuil lors du décès de
leur propriaitaire.
Au 17ème siècle, on couvrait les ruches d'un drap noir,
de peur qu'elles ne mourussent faute de porter le deuil de leur maître.
En certain pays, on va leur annoncer qu'il a trépasser.
En Eure-et-Loir, avant de prévenir le maire ou le curé,
il faut, pour empêcher les abeilles de périr ou de s'en aller,
leur mettre des rubans noirs en disant :
« Abeilles, petites abeilles, je viens vous avertir que votre maître
est mort. »
Dans la Mayenne, on attache à chacune des ruches un morceau de linge,
le plus sale du défunt;
les abeilles, le croyant toujours là, ne sont point tentées de
le suivre.
On croit, en Hainaut et en Suisse, que les abeilles chantent pendant
la nuit de Noël;
en Wallonie, en Picardie, un essaim qui s'établit dans la ruche, le soir
de la Fête-Dieu, dispose un des gâteaux en forme de Saint-Sacrement;
dans la Côte-d'Or, les avettes y forment un calice de miel.
Les avettes sont suceptibles et il ne faut pas leur manquer d'égards.
Au 15ème siècle, on leur faisait des présents :
« Quant un homme treuve en son pourpris un vaisseau d'eeps atachiés
en un arbre, s'il ne l'estrine d'une pièce d'argent, c'est mauvais signe
cellui qui approprie à soy les eeps sans les estriner, elle ne feront
que picquier celui, et jamais ne l'aimeront ne lui feront prouffit. »
Dans les Deux-Sèvres, on doit dire que l'abeille est morte et
non qu'elle est crevée.
Dans plusieurs provinces de France, si on médit des abeilles,
elles meurent;
en Franche-Comté, elles dépérissent si on les regarde de
travers.
Suivant une croyance très répandue, jurer ou prononcer
des paroles impures devant les abeilles les fait périr;
dans le Loiret et dans la Gironde, la Normandie, elles piquent les jureurs;
dans le Mentonnais, les vers à soie sont également sensibles
aux blasphèmes et en souffrent.
En Haute-Bretagne, les mielliers sont ceux qui savent arrêter
les abeilles, en vertu d'un don qui se transmet de père en fils, mais
l'aîné peut seul le posséder.
Le mieillier dit une oraison particulière, tient son chapeau derrière
son épaule gauche, et à l'il fixé au milieu de l'essaim
où se trouve la mère, qui ne tarde pas à venir se poser
sur sa main.
En Basse-Bretagne, les abeilles connaissent leur maître;
celles qui partent à la recherche du miel s'écartent de son passage;
celles qui reviennent le vol alourdi, les ailes et les pattes surchargées
de pollen, se posent sur ses vêtements, et, si quand il surveille
l'envolée des essaims nouveaux, accablé par la chaleur de l'été,
il s'étend, entre les ruches, la tête appuyée sur les bras
pour dormir, elles le défendent contre tous les animaux malfaisants
qui surviennent.
Seul le lézard sera à l'abri de leurs attaques, car, lui
aussi, est l'ami de l'homme.
Les abeilles ont horreur de la souillure.
Voici la recommandation qu'on faisait au 16ème siècle à
celui qui maniait les ruches :
« Il avisera que le jour précédent il n'ait eu affaire à
une femme, qu'il ne soit ivre et n'approche d'elles sans être
lavé et bien vêtu;
pareillement qu'il s'abstienne de toutes viandes ou oignons sentant fort,
qu'il ait en la bouche quelque chose de bonne odeur. »
En Limousin, lors de la cueillette du miel, aucune femme ayant ses menstrues
ne doit s'approcher des ruches.
Il faut se garder de compter les ruches;
dans les Landes, cet acte leur porte malheur;
dans l'Albret, il y fait venir le blaireau; dans la Meuse, il suspend
ou arrête le travail des abeilles.
Dans les Côtes-d'Armor, on tâche de disposer les ruches de façon
à ce qu'on ne puisse facilement les dénombrer, et en Limousin,
on en laisse toujours quelques-unes vides.
A la fin du 18ème siècle, on croyait dans quelques parties du
Finistère, comme de nos jours en Basse-Cornouaille, que si une ruche
venait à être volée, les autres dépérissaient,
et l'on négligeait dès lors de les entretenir.
En Basse-Bretagne, vers 1830, lorsque les abeilles avaient été
volées, le propriètaire qui urinait, avant le lever du
soleil, sur l'emplacement de la ruche reconnaissait le voleur; les cheveux de
celui-ci devenaient rouges.
On est persuadé, dans quelques parties des Vosges, que les abeilles ne
peuvent prospérer si le bois ou la paille de leur panier provient d'un
vol.
Les noms donnés à la coccinelle l'associe aux divinités
:
ceux de Bête au bon Dieu, Géline dé bon Dieu
(Vosges) Poulette de Dieu (Finistère), Vache à Dieu
(français), Bête du Paradis (Hainaut) etc., montrent le
respect qu'on a pour elle.
En Ille-et-Vilaine et dans la Beauce, quand on s'empare d'une coccinelle, il
faut la mettre à s'envoler, ou la déposer sur l'écorce
d'un arbre;
elle monte au ciel, devient un ange et garde la place au paradis
de celui qui l'a épargnée.
En Basse-Bretagne, où on lui donne les plus doux noms, elle vient du
ciel en droite ligne;
c'est une grande joie pour les enfants de la faire sauter dans leurs mains,
où elle laisse des traces rouges, qui sont produites par le sang
de ses pattes.
Il leur sert à former des croix, pendant qu'ils répètent
pieusement cette prière :
« Vache de Dieu, je vous prie.
Passez-moi par-dessus la barrière.
Emportez-moi au Paradis.
Je vous supplie, jour et nuit. »
En plusieurs pays de France et aussi en Wallonie, les jeunes filles consultent
la coccinelle.
En Provence, où elle s'appelle Catharinetto, elles tâchent
en la faisant envoler de tirer quelque augure de son vol, et lui disent
:
Catharinetto, digo-mi mounte passarai
Quand mi maridarai ? (Catherinette,
dis-moi où je passerai Quand je me marierai ?)
D'autres insectes servent aux consultations amoureuses.
Dans la Gironde, pour savoir où une jeune fille se mariera, on
place entre les deux mains une pute (faucheux), et en agitant, on dit
:
« Du côté que le cul de la pute se trouvera, la gouyate
(fille) s'y mariera. »
En Saintonge on récite une formulette analogue en lui arrachant
les pattes.
Dans les Deux-Sèvres, autant de fois remuent ses pattes détachées
du corps autant d'années a encore à vivre la personne pour laquelle
on tire ce présage.
Dans l'Ille-et-Vilaine, dans la Beauce, on leur coupe les pattes, et
on les met dans sa main;
si elles remuent, on aura de la chance.
On consulte la coccinelle pour savoir quel temps il fera;
ordinairement, si placée au bout du doigt, elle refuse de s'envoler,
c'est un indice de mauvais temps.
En Wallonie, on la menace de lui donner des coups de marteau si elle
ne dit pas l'heure qu'il est.
Après avoir prononcé ces mots, on compte une heure, deux
heures, trois heures :
si elle s'envole à quatre heures par exemple, il est cette heure-là.
A Labresse, en Lorraine, c'est un mauvais présage d'entendre pendant
la nuit une araignée manger quelque chose.
Une croyance répandue en France, et qui existe aussi dans la Suisse romande,
veut que les coups secs que la vrillette frappe dans les boiseries
soient un pronostic de mort;
c'est pour cela qu'on l'appelle Horloge de la mort, et en Basse-Bretagne,
le Petit marteau de la mort.
Autrefois une araignée qui filait de haut en bas annonçait
à celui qui la voyait qu'il lui viendrait de l'argent;
en Normandie, on tire le même présage de celle qui, en filant,
descend sur quelqu'un.
A Mons, une coccinelle qui se pose sur une personne est un signe de
chance;
en Wallonie, les vers-luisants, qu'on appelle vers de la Saint-Vilaine,
portent bonheur à ceux qui les possèdent,
en Ille-et-Vilaine, lorsque les faucheux montent sur l'épaule
d'une personne, elle mourra avant peu.
En Wallonie, si la libellule qui s'appelle Mârte de dyal, marteau
du diable, frappe quelqu'un au front, il doit mourir dans l'année.
A Seraing, un pou rouge trouvé sur une personne indique qu'il
n'a plus que sept ans à vivre.
Dans les Vosges, si le premier papillon que l'on aperçoit au
commencement de l'été est jaune, il entrera de l'or dans
votre pochette; s'il est blanc ce sera de l'argent.
Dans la vallée d'Aoste, le papillon noir vu la première
fois au printemps est signe de maladie ou de mort pour la famille dans
le courant de l'année.
La rencontre d'une cigale le matin passait, au 17ème siècle
pour un excellent présage.
Autrefois dans le Limousin, les araignées portaient bonheur dans
les étables;
dans les Cévennes, on croit que les toiles qu'on y laissent préservent
les chevaux du gripé, sorte de lutin qui vient les tourmenter.
En Lauragais, en Anjou, en Provence, elles absorbent le venin de l'étable,
en Poitou, elles en purifient l'air.
Dans les Vosges et en Berry, on ne les enlève pas, dans la persuasion
qu'elles arrêteront les insectes qui importunent le bétail
pendant l'été, le préserveront de leurs piqûres venimeuses
et des maléfices des sorciers.
Dans la Bresse, si on les détruisait, les bêtes deviendraient boiteuses.
Lorsqu'un pêcheur de Guernesey en sortant pour aller à
la mer voit voler une abeille dans la même direction que lui, il
la considère comme de bon présage, et il est persuadé qu'il
prendra beaucoup de poissons.
Si elle vient à sa rencontre, l'augure est mauvais, mais on peut le neutraliser
en crachant trois fois par-dessus son épaule.
A Marseille, les taons roux étaient considérés
comme d'un bon augure, les noirs au contraire n'annonçaient que des choses
funestes.
En Wallonie, l'apparition subite dans un appartement d'une mouche qui
bourdonne présage une nouvelle.
Dans les Ardennes, les cousins qui voltigent le soir en grand nombre
autour d'une personne indiquent qu'elle a oublié de dire ses prières.
En Lorraine, si on voit des coccinelles près des ceps, le vin
sera bon.
En Ille-et-Vilaine, les mouches qui essaiment beaucoup présagent
une année abondante;
si elles ne profitent pas, c'est signe de guerre ou de mauvaise récolte.
Aux environs de Mons, celui qui trouve dans la terre un hanneton à
collet rouge en conclut que la guerre est proche.
Dans les Vosges, lorsqu'il doit pleuvoir, les abeilles se tiennent
à la porte de leurs ruches, les libellules volent à la
surface de l'eau, l'araignée tisse sa toile avec précipitation,
les papillons voltigent près des fenêtres;
avant l'orage les puces piquent ou les mouches se servent dès
le matin de leur aiguillon.
Le rôle des insectes dans la médecine populaire est assez
restreint.
La croyance d'après laquelle on peut se débarrasser de maladies
en se rendant à une fourmilière a été constatée
en plusieurs pays.
Au Moyen Age, des femmes y portaient leurs enfants pour leur faire recouvrer
la santé.
Le plus ordinairement on y dépose un objet auquel le mal est censé
attaché :
l'idée qui préside à cette offrande est indiquée
avec netteté dans le pays de Liège où les campagnards atteints
de fièvre tierce font cuire un uf dans leur urine,
et vont le cacher dans une fourmilière.
Le mal décroît à mesure que l'uf est rongé
par les insectes.
Dans le Bocage normand, uriner pendant neuf jours sur une fourmilière
fait passer la jaunisse.
Le nid de la mante guérit les dartres, suivant les paysans Mentonnais.
Suivant une croyance encore enracinée dans le peuple, pour guérir la piqûre venimeuse du scorpion, il faut laver la plaie avec de l'huile dans laquelle on a fait mourir quelques-uns de ces insectes.
Les frictions pratiquées avec des insectes paraissent rares.
L'une d'elles était usitée au 16ème siècle :
pour ne pas avoir la barbe trop touffue, il fallait dès son enfance
frotter ses joues d'ufs de fourmis.
Leur usage comme médicament interne semble plus fréquent :
dans les Basses-Alpes, on avalait le matin, à jeun trois ou neuf araignées
vivantes pour se débarrasser de la fièvre.
En Eure-et-Loir, on fait manger à l'enfant malade une omelette à
toile d'araignées;
en Seine-et-Oise, le café composé avec des cricris (grillons)
est excellent contre l'hydropisie.
Les insectes portés comme amulettes ont aussi des vertus thérapeutiques.
Au 16ème siècle, une araignée vive dans une noix
pendue au col préservait de toute fièvre.
Les métamorphoses d'hommes en insectes sont peu communes dans
les récits populaires.
Un conte de Gascogne parle d'un pou gros comme un haricot :
c'est un jeune homme auquel un magicien a donné cette forme, mais il
conserve la faculté de parler.
Dans un récit percheron; une mouche, délivrée d'une toile d'araignée, devient une belle fée.
On raconte en Wallonie qu'une sorcière prit la forme d'une araignée,
sous laquelle elle fit périr plusieurs enfants :
lors d'une nouvelle naissance, le père qui s'était embusqué,
voyant une énorme araignée se diriger vers le berceau, lui coupa
deux pattes d'un coup de hache, et le lendemain il vit sa propre mère
au lit avec les jambes coupées.
Suivant des croyances fort répandues, l'âme peut se présenter
sous l'apparence d'un insecte, presque toujours ailé;
celui-ci sort de la personne vivante pendant qu'elle dort.
C'est ainsi que dans le Mentonnais, le double de la masca ou sorcière
endormie s'envole parfois de sa bouche sous l'aspect d'un papillon noir
ou d'un taon, pour exécuter les maléfices;
si on change le corps de place pendant son absence, la sorcière meurt.
Une tradition du midi de la France raconte que l'escargot, qu'on suppose
aveugle, fut crée avec de bons yeux;
mais sans cesse exposé à les voir blessés en rampant sur
la terre, il pria le bon Dieu de les lui ôter et de les remplacer par
des cornes.
Il y est fait allusion dans une chanson de l'Aveyron, qui conseille à
un mari malheureux de changer, comme l'escargot, ses yeux pour des cornes.
Le meurtre des mollusques, comme celui des insectes, provoque un changement
dans la température :
en Wallonie, la pluie survient si on écrase une limace.
Dans les Vosges, quand il doit pleuvoir, les limaces cheminent couvertes
de terre;
en Loiret, au contraire, c'est l'indice que le temps sera beau.
Dans les Vosges, les limaces qui traînent sur leur dos des brins d'herbes
présagent le beau temps;
alors que l'opinion opposée est courante dans l'Orléanais.
Dans le midi, le tonnerre est appelé tambour des escargots et il les fait sortir de leurs cachettes.
L'emploi médical des ces invertébrés est assez
fréquent.
Dans les Deux-Sèvres, pour faciliter la dentition, on fait porter
aux enfants un petit corps dur que l'on trouve dans la tête de certaines
limaces.
Pour faire passer les verrues, on se frotte les mains avec une grosse
limace rouge;
à Lorient et en Anjou, on la pique dans une épine, et le mal guérit
à mesure qu'elle sèche.
En Basse-Bretagne, on roule sans l'écraser une grosse limace sur ses
verrues, et on l'embroche ensuite en faisant choix, pour la traverser
de part en part, d'une tige de céréale, aussi haute que possible,
restée sur pied après la récolte;
aussi vite la limace séchera, aussi vite les verrues tomberont.
Dans le Maine, des escargots communs, dont on a brisé la coquille
sans les tuer, sont appliqués en cataplasmes à la plante des pieds
des malades atteints de la fièvre typhoïde;
en Anjou, trois escargots vivants ou écrasés mis autour du doigt
atteint d'un panaris soulagent la douleur ou la font disparaître.
En Poitou, un ver de terre réduit en cendre sur une pelle rouge
guérit la dent sur laquelle il est posé;
un limaçon vivant ou le jus qui en provient, introduit dans l'oreille,
débarrasse de la surdité.
A la fin du 19ème siècle, la médecine officielle préconisait, pour prolonger la vie des tuberculeux à défaut de les guérir, que les malades atteints de ce mal, se rendent au lever du jour dans leur jardin et y avalent vivantes toutes les limaces qu'ils y trouveront, encore empreintes de la rosée du jour.
La lenteur du limaçon est proverbiale.
Dans la Côte-d'Or, on conte qu'un escargot mis trois ans pour traverser
un pont.
Quand il fut de l'autre côté, le pont s'écroula :
« Ce que c'est que d'être habile ! » s'écria l'escargot.
Dans un conte, populaire en Loiret et dans les Deux-Sèvres, l'escargot parie, soit avec le renard, soit avec le loup, qu'il arrivera plus promptement que lui à un certain endroit, et il y réussit en grimpant après la queue de son adversaire.
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