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Suivant les croyances dualistes de Bretagne qui attribuent au diable,
mais toujours avec un caractère d'infériorité, l'imitation
des uvres de Dieu, celui-ci a fait la poule et le pigeon, qui ont en contrepartie
le corbeau et la pie, créés par le diable.
C'est aussi ce dernier qui a fait l'oie, pour rivaliser avec Dieu, qui
venait de créer le cygne.
Au XVème siècle, on employait une recette pour rendre leur vigueur
aux coqs qui semblaient l'avoir perdue :
« Quand une femme a son coq lent et niche, elle doit lui faire mengier
des aux et lui oindre la creste, affin qu'il en deviengne plus fort et plus
vigoureux, et aussi il en gardera mieulx ses droits envers ses gelines. »
Les oiseaux nés d'un uf de poule déposé dans
un nid de pie ont des propriétés particulières :
en Poitou, la poule qui en provient est excellente pondeuse;
si c'est un coq, il aura les oreilles blanches et aucun uf de ses poules
ne sera clair.
Dans les Côtes-d'Armor, le coq-pie, éclos dans les mêmes conditions, chante toutes les heures régulièrement et peut servir d'horloge, mais la poule sera très méchante.
A Spa, on empêche la poule d'aller pondre dans les bois en la forçant à gratter le contrecur de la cheminée, tout en lui disant :
Poule, ponds pour moi
Et gratte pour moi.
Les fermières de Lorraine donnent parfois des miettes de pain bénit
à leurs poules;
mais elles ont soin auparavant d'accomplir certains rites, et c'est pour cela
que cet acte leur est favorable.
D'habitude, il est considéré comme une sorte de profanation
qui entraîne les conséquences les plus fâcheuses :
ordinairement les oiseaux deviennent enragés;
les coqs du Finistère crèvent les yeux des enfants, les
poules de la Haute-Bretagne sautent à la figure de ceux qui leur ont
fait ce présent.
Dans les Vosges, le coq enrage, mais il a le privilège de voir
venir le vent.
Les femmes, qui sont toujours chargées de chaponner les jeunes
coqs, connaissent des moyens de les préserver de tout inconvénient
:
en Quercy, elles se mettent à l'abri des regards indiscrets, parce
que, disent-elles, si elles sont observées par quelqu'un, l'opération
tourne mal et le chapon meurt;
en Normandie, elles ne manquaient jamais de faire avaler au patient les
testicules qu'elles lui avaient enlevées.
En Corse, lorsqu'une poule chante ou vient gratter dans l'âtre, une personne de la maison mourra dans l'année.
Le plus redouté de tous les augures est celui de la poule qui
chante le coq, c'est-à-dire qui se met à chanter comme
un coq.
En Poitou, ce chant anormal est de triste présage : des ufs de
la poule naissent des serpents.
Suivant les paysans girondins, elle a frayé avec un reptile;
en Normandie, dans le Mentonnais, et dans nombre d'autres pays, elle prédit
la mort du maître ou la sienne;
en Lorraine, elle annonce qu'il y aura bientôt un décès
dans la maison, qu'il y a de la sorcellerie, de la discorde dans le ménage
ou que la femme veut y être maîtresse absolue.
Il existe heureusement plusieurs moyens d'éviter ces malheurs
:
dans la Gironde, en Hte-Bretagne et en Normandie, en Lorraine, etc., on se hâte
d'égorger la coupable;
à Marseille, on cloue sa tête à la porte du jardin
ou du poulailler;
dans le Loiret, on la jette par-dessus la maison.
A Marseille, le propriétaire qui n'arrive pas à reconnaître
celle de ses poules qui chante les vend toutes.
Suivant une idée fort ancienne, puisqu'on en trouve des traces dans l'Avesta où le coq accompagne la fuite des démons, la voix de cet oiseau a le pouvoir de mettre fin aux enchantements et de chasser les esprits de la nuit.
La croyance est encore générale en France, où à
ce signal les revenants rentrent dans leurs tombeaux.
Le sabbat des sorciers cessait au premier chant du coq, et tout disparaissait
en un instant.
C'est aussi la voix de Chanteclair qui arrête les travaux que les êtres surnaturels ne peuvent exécuter que la nuit.
Plusieurs pratiques influent sur la production des ufs :
dans l'Yonne, la Gironde, le Perche etc., pour que les poules soient bonnes
pondeuses, on leur fait manger des crêpes le jour de la Chandeleur.
Aux environs de Dinan, on emploie divers procédés pour faire cesser
la ponte :
celle à qui on fait avaler du poivre ne songe plus dès
lors qu'à son coq.
Un crapaud placé dans le poulailler fait qu'aucune poule n'y pond
plus.
Les ménagères placent des talismans de diverses natures
dans le nid des poules.
Celles de la Bresse y mettent des branches d'un if planté devant
une église dédiée à saint Denis.
Plus répandue est la coutume d'y poser un morceau de fer, en même
temps que les ufs, souvent il est destiné à les préserver
d'être gâtés par l'orage.
En Touraine où existe la croyance à un malheur, le jour
de Saint-Jean-Porte-Latine (6 mai), les femmes ont soin d'ôter les ufs,
vers dix heures du soir;
parfois elles les prennent dans leur lit et les remettent le lendemain
à la première heure.
Suivant une croyance très répandue, des ufs plus petits
que les autres ont été pondus par des coqs, et on leur attribue
une malfaisance particulière.
Au XVIème siècle, on expliquait ainsi l'origine de cette ponte
extraordinaire :
« Quelques-uns forgent l'origine et naissance du basilic en ceste sorte,
à scavoir que quand un coq commence à devenir fort vieil, il pond
un uf aux plus chauds mois de l'esté, qui s'est formé de
l'excrement pourri de sa semence ou d'un ord et bourbeux amas d'humeurs, et
de cet uf plusieurs pensent que le basilic naist. »
L'uf dépourvue de coque est aussi regardé avec crainte;
en Vendée, et en Basse-Normandie, il peut en sortir des serpents;
dans les Vosges, la poule qui l'a pondu doit être brûlée
vivante, entre minuit et une heure du matin;
mais la mort seule de l'indiscret pourrait préserver de tout danger
celui qui aurait été vu pendant cette opération.
On fait aussi intervenir les ufs dans des opérations magiques.
En Wallonie, certains croient que si, après avoir mis dans le fumier
un uf dans lequel on a introduit quelques poils de l'anus d'un
cheval, on se rend, le treizième jour, à l'endroit où
il est, en criant :
« Viens-tu, ou ne viens-tu pas ? »
un petit diablotin arrive, et, après avoir fait signer un pacte, se place dans une petite boîte dont il faut toujours être porteur.
Dans la Gironde, une poule blanche est un porte-bonheur pour le logis.
On croit, dans la Côte-d'Or, que la maison qui a beaucoup de poules ou
de poussins noirs est hantée par les sorciers.
Les poules de cette couleur étaient torturées, tuées
et brûlées comme sorcières, vers la fin du 19ème
siècle, en Limousin.
C'est en effet la poule entièrement noire qui joue surtout un
rôle considérable dans la sorcellerie et dans les pactes
faits avec l'esprit des ténèbres.
Dans les Vosges, si parmi les poussins nés le Vendredi saint
se trouve un coq dont le plumage soit entièrement noir, on le tue l'année
suivante à pareil jour, on le fait cuire entre onze heures et minuit;
celui qui aura mis la main sur le plus petit de ses os peut se rendre
invisible en le plaçant dans sa bouche.
Dans la Creuse, pour conjurer le mauvais sort le jour du mariage, les garçons poursuivent une poule noire en lui tirant les plumes pour la faire souffrir et crier, puis ils la jettent toute vivante dans la marmite, sans la plumer et sans la vider.
L'emploi médical du sang des oiseaux domestiques est encore fréquent.
Dans les Vosges et en plusieurs autres contrées, pour qu'un enfant ait
ses dents sans douleur, on lui frotte les gencives avec une crête
de coq saignante.
Pour le zona, il faut boire, suivant une croyance wallonne, le sang d'un
coq noir mêlé au lait d'une femme qui allaite son premier
enfant.
En Provence, un jeune pigeon, placé sur la tête d'un mourant, attire à lui et boit tout le mal.
A Lille, on a constaté dans des cas de méningite l'intervention
de trois pigeons vivants :
on les met successivement sous l'enfant, le bec placé dans son
anus.
Pour que l'effet produit soit favorable, le pigeon doit gonfler, se débattre
et crier.
Le premier et le second moururent étouffés, le troisième
se débattit et cria, mais si peu que l'on conclut que le pauvre petit
malade était perdu;
le pigeon devait, disait-on, débarrasser l'intestin.
L'usage d'appliquer sur le mal un pigeon fendu est plus ancien que le
procès de sorcellerie où il est ainsi décrit :
« Barbe dorée, qui fut bruslée à Senlis en 1577,
confessa avoir guari quelques-uns qu'elle avoit ensorcelez après avoir
fendu un pigeon et mis sur l'estomac du patient en disant ces mots :
" Au nom du Père, du fils, etc., de monsieur Saint Anthoine et de
monsieur Saint Michel l'Ange, tu puisses guarir du mal. »
Cent ans plus tard, en cas de fièvre continue, on fendait un pigeonneau
par la moitié et on le plaçait sous la plante des pieds
du malade, la tête tournée vers le talon.
En Wallonie, on pose sur le front de celui qui est atteint d'hydrocéphalie
un pigeon fendu en deux.
Les paysans croient que plusieurs oiseaux de basse-cour qui appartiennent à des espèces peu communes ont des sentiments qui rappellent ceux des hommes.
On prétend que le paon cesse tout à coup de faire la roue
quand il jette par hasard les yeux sur ses pieds et devient tout honteux
de les voir si laids;
en Hainaut, il se fâche si on les regarde.
La médecine stercoraire fait usage de la fiente des oiseaux de basse-cour :
dans le Finistère, celle de la poule est employée en cataplasme contre les maux de dents, pour combattre principalement l'inflammation du visage, et prévenir la formation des abcès.
Au 16ème siècle, la fiente d'oie desséchée,
pulvérisée et prise au matin le poids d'une drachme (3,24g)
avec vin blanc, guérissait totalement de la jaunisse, si l'on
continuait d'en user l'espace de neuf jours.
Celle de paon était souveraine contre les affections des yeux,
mais on n'en pouvait trouver, parce que, disait-on, cet oiseau la mange de crainte
qu'on ne la trouve.
Dans la Gironde, pour avoir de la barbe, il faut se frotter avec de la fiente de poule, à laquelle on attribuait jadis le pouvoir de faire revenir le poil.
La Maison rustique indique plusieurs emplois médicaux de l'oie,
qui ne semblent plus usités aujourd'hui :
« La graisse d'oye en ce est proffitable, parce que meslée
avec ius d'oignon et instillée en l'oreille, elle apaise la douleur
et en tire l'eau.
La langue d'oye desseichée et mise en poudre, est bonne contre
rétention d'urine. »
Dans l'Yonne, on croyait se débarrasser des maux d'oreilles en buvant après une poule.
Dans la Gironde, pour guérir le panaris, on place le doigt malade
dans un uf frais jusqu'à ce qu'il devienne dur;
en Poitou, la pellicule de l'uf mise autour du petit doigt d'un
fiévreux attire le mal.
Les récits dans lesquels l'âme, au moment de la mort, s'échappe
du corps sous forme d'un oiseau familier sont très nombreux.
Un des hommes d'armes qui avait assisté au supplice de Jeanne d'Arc
déclara qu'il avait vu en l'émission de l'esprit de la dite Jeanne
une colombe blanche sortir de la flamme du bûcher.
Parfois l'âme s'échappe, non au moment de la mort, mais à
celui où le cadavre reçoit sa destination définitive :
en Auvergne, l'homme qui peut mettre le pied sur celui du prêtre
à l'instant où il jette la pelletée de terre voit l'âme
s'envoler dans les airs.
Dans la chanson populaire de Malbrough, lorsque le cercueil du héros a été déposé dans la tombe,
On vit voler son âme
A travers les lauriers.
Plusieurs récits d'Alsace parlent de sorcières qui empruntent
la forme de volatiles domestiques :
un homme de guet, ayant rencontré un énorme canard qui
battait des ailes, le jeta dans le soupirail de sa cave qui était ouverte.
Le lendemain il y vit sa femme qui boitait et qui l'accabla d'injures
et d'insultes.
Dans plusieurs contes, qui roulent sur un thème déjà courant
en France au 16ème siècle, un garçon fait fortune grâce
à son coq, avec lequel il arrive dans une contrée où
cet oiseau est inconnu;
les habitants qui vont chercher le jour avec des charrettes l'achètent
fort cher à son possesseur quand ils sont convaincus que le jour arrive
dès qu'il a chanté.
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