Faune

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IV. Oiseaux domestiques

Suivant les croyances dualistes de Bretagne qui attribuent au diable, mais toujours avec un caractère d'infériorité, l'imitation des œuvres de Dieu, celui-ci a fait la poule et le pigeon, qui ont en contrepartie le corbeau et la pie, créés par le diable.
C'est aussi ce dernier qui a fait l'oie, pour rivaliser avec Dieu, qui venait de créer le cygne.

 

a - le coq, la poule

Au XVème siècle, on employait une recette pour rendre leur vigueur aux coqs qui semblaient l'avoir perdue :
« Quand une femme a son coq lent et niche, elle doit lui faire mengier des aux et lui oindre la creste, affin qu'il en deviengne plus fort et plus vigoureux, et aussi il en gardera mieulx ses droits envers ses gelines. »

 

Les oiseaux nés d'un œuf de poule déposé dans un nid de pie ont des propriétés particulières :
en Poitou, la poule qui en provient est excellente pondeuse;
si c'est un coq, il aura les oreilles blanches et aucun œuf de ses poules ne sera clair.

Dans les Côtes-d'Armor, le coq-pie, éclos dans les mêmes conditions, chante toutes les heures régulièrement et peut servir d'horloge, mais la poule sera très méchante.

 

A Spa, on empêche la poule d'aller pondre dans les bois en la forçant à gratter le contrecœur de la cheminée, tout en lui disant :

Poule, ponds pour moi
Et gratte pour moi.

 

Les fermières de Lorraine donnent parfois des miettes de pain bénit à leurs poules;
mais elles ont soin auparavant d'accomplir certains rites, et c'est pour cela que cet acte leur est favorable.
D'habitude, il est considéré comme une sorte de profanation qui entraîne les conséquences les plus fâcheuses :
ordinairement les oiseaux deviennent enragés;
les coqs du Finistère crèvent les yeux des enfants, les poules de la Haute-Bretagne sautent à la figure de ceux qui leur ont fait ce présent.
Dans les Vosges, le coq enrage, mais il a le privilège de voir venir le vent.

 

Les femmes, qui sont toujours chargées de chaponner les jeunes coqs, connaissent des moyens de les préserver de tout inconvénient :
en Quercy, elles se mettent à l'abri des regards indiscrets, parce que, disent-elles, si elles sont observées par quelqu'un, l'opération tourne mal et le chapon meurt;
en Normandie, elles ne manquaient jamais de faire avaler au patient les testicules qu'elles lui avaient enlevées.

 

En Corse, lorsqu'une poule chante ou vient gratter dans l'âtre, une personne de la maison mourra dans l'année.

 

Le plus redouté de tous les augures est celui de la poule qui chante le coq, c'est-à-dire qui se met à chanter comme un coq.
En Poitou, ce chant anormal est de triste présage : des œufs de la poule naissent des serpents.
Suivant les paysans girondins, elle a frayé avec un reptile;
en Normandie, dans le Mentonnais, et dans nombre d'autres pays, elle prédit la mort du maître ou la sienne;
en Lorraine, elle annonce qu'il y aura bientôt un décès dans la maison, qu'il y a de la sorcellerie, de la discorde dans le ménage ou que la femme veut y être maîtresse absolue.

Il existe heureusement plusieurs moyens d'éviter ces malheurs :
dans la Gironde, en Hte-Bretagne et en Normandie, en Lorraine, etc., on se hâte d'égorger la coupable;
à Marseille, on cloue sa tête à la porte du jardin ou du poulailler;
dans le Loiret, on la jette par-dessus la maison.
A Marseille, le propriétaire qui n'arrive pas à reconnaître celle de ses poules qui chante les vend toutes.

 

Suivant une idée fort ancienne, puisqu'on en trouve des traces dans l'Avesta où le coq accompagne la fuite des démons, la voix de cet oiseau a le pouvoir de mettre fin aux enchantements et de chasser les esprits de la nuit.

La croyance est encore générale en France, où à ce signal les revenants rentrent dans leurs tombeaux.
Le sabbat des sorciers cessait au premier chant du coq, et tout disparaissait en un instant.

C'est aussi la voix de Chanteclair qui arrête les travaux que les êtres surnaturels ne peuvent exécuter que la nuit.

 

Plusieurs pratiques influent sur la production des œufs :
dans l'Yonne, la Gironde, le Perche etc., pour que les poules soient bonnes pondeuses, on leur fait manger des crêpes le jour de la Chandeleur.
Aux environs de Dinan, on emploie divers procédés pour faire cesser la ponte :
celle à qui on fait avaler du poivre ne songe plus dès lors qu'à son coq.
Un crapaud placé dans le poulailler fait qu'aucune poule n'y pond plus.

Les ménagères placent des talismans de diverses natures dans le nid des poules.
Celles de la Bresse y mettent des branches d'un if planté devant une église dédiée à saint Denis.
Plus répandue est la coutume d'y poser un morceau de fer, en même temps que les œufs, souvent il est destiné à les préserver d'être gâtés par l'orage.
En Touraine où existe la croyance à un malheur, le jour de Saint-Jean-Porte-Latine (6 mai), les femmes ont soin d'ôter les œufs, vers dix heures du soir;
parfois elles les prennent dans leur lit et les remettent le lendemain à la première heure.

Suivant une croyance très répandue, des œufs plus petits que les autres ont été pondus par des coqs, et on leur attribue une malfaisance particulière.
Au XVIème siècle, on expliquait ainsi l'origine de cette ponte extraordinaire :
« Quelques-uns forgent l'origine et naissance du basilic en ceste sorte, à scavoir que quand un coq commence à devenir fort vieil, il pond un œuf aux plus chauds mois de l'esté, qui s'est formé de l'excrement pourri de sa semence ou d'un ord et bourbeux amas d'humeurs, et de cet œuf plusieurs pensent que le basilic naist. »

L'œuf dépourvue de coque est aussi regardé avec crainte;
en Vendée, et en Basse-Normandie, il peut en sortir des serpents;
dans les Vosges, la poule qui l'a pondu doit être brûlée vivante, entre minuit et une heure du matin;
mais la mort seule de l'indiscret pourrait préserver de tout danger celui qui aurait été vu pendant cette opération.

On fait aussi intervenir les œufs dans des opérations magiques.
En Wallonie, certains croient que si, après avoir mis dans le fumier un œuf dans lequel on a introduit quelques poils de l'anus d'un cheval, on se rend, le treizième jour, à l'endroit où il est, en criant :

« Viens-tu, ou ne viens-tu pas ? »

un petit diablotin arrive, et, après avoir fait signer un pacte, se place dans une petite boîte dont il faut toujours être porteur.

 

Dans la Gironde, une poule blanche est un porte-bonheur pour le logis.

On croit, dans la Côte-d'Or, que la maison qui a beaucoup de poules ou de poussins noirs est hantée par les sorciers.
Les poules de cette couleur étaient torturées, tuées et brûlées comme sorcières, vers la fin du 19ème siècle, en Limousin.
C'est en effet la poule entièrement noire qui joue surtout un rôle considérable dans la sorcellerie et dans les pactes faits avec l'esprit des ténèbres.

Dans les Vosges, si parmi les poussins nés le Vendredi saint se trouve un coq dont le plumage soit entièrement noir, on le tue l'année suivante à pareil jour, on le fait cuire entre onze heures et minuit;
celui qui aura mis la main sur le plus petit de ses os peut se rendre invisible en le plaçant dans sa bouche.

Dans la Creuse, pour conjurer le mauvais sort le jour du mariage, les garçons poursuivent une poule noire en lui tirant les plumes pour la faire souffrir et crier, puis ils la jettent toute vivante dans la marmite, sans la plumer et sans la vider.

 

L'emploi médical du sang des oiseaux domestiques est encore fréquent.

Dans les Vosges et en plusieurs autres contrées, pour qu'un enfant ait ses dents sans douleur, on lui frotte les gencives avec une crête de coq saignante.
Pour le zona, il faut boire, suivant une croyance wallonne, le sang d'un coq noir mêlé au lait d'une femme qui allaite son premier enfant.

 

b - le pigeon

En Provence, un jeune pigeon, placé sur la tête d'un mourant, attire à lui et boit tout le mal.

A Lille, on a constaté dans des cas de méningite l'intervention de trois pigeons vivants :
on les met successivement sous l'enfant, le bec placé dans son anus.
Pour que l'effet produit soit favorable, le pigeon doit gonfler, se débattre et crier.
Le premier et le second moururent étouffés, le troisième se débattit et cria, mais si peu que l'on conclut que le pauvre petit malade était perdu;
le pigeon devait, disait-on, débarrasser l'intestin.

L'usage d'appliquer sur le mal un pigeon fendu est plus ancien que le procès de sorcellerie où il est ainsi décrit :
« Barbe dorée, qui fut bruslée à Senlis en 1577, confessa avoir guari quelques-uns qu'elle avoit ensorcelez après avoir fendu un pigeon et mis sur l'estomac du patient en disant ces mots :
" Au nom du Père, du fils, etc., de monsieur Saint Anthoine et de monsieur Saint Michel l'Ange, tu puisses guarir du mal
. »
Cent ans plus tard, en cas de fièvre continue, on fendait un pigeonneau par la moitié et on le plaçait sous la plante des pieds du malade, la tête tournée vers le talon.
En Wallonie, on pose sur le front de celui qui est atteint d'hydrocéphalie un pigeon fendu en deux.

 

c - le paon

Les paysans croient que plusieurs oiseaux de basse-cour qui appartiennent à des espèces peu communes ont des sentiments qui rappellent ceux des hommes.

On prétend que le paon cesse tout à coup de faire la roue quand il jette par hasard les yeux sur ses pieds et devient tout honteux de les voir si laids;
en Hainaut, il se fâche si on les regarde.

 

La médecine

La médecine stercoraire fait usage de la fiente des oiseaux de basse-cour :

dans le Finistère, celle de la poule est employée en cataplasme contre les maux de dents, pour combattre principalement l'inflammation du visage, et prévenir la formation des abcès.

Au 16ème siècle, la fiente d'oie desséchée, pulvérisée et prise au matin le poids d'une drachme (3,24g) avec vin blanc, guérissait totalement de la jaunisse, si l'on continuait d'en user l'espace de neuf jours.
Celle de paon était souveraine contre les affections des yeux, mais on n'en pouvait trouver, parce que, disait-on, cet oiseau la mange de crainte qu'on ne la trouve.

Dans la Gironde, pour avoir de la barbe, il faut se frotter avec de la fiente de poule, à laquelle on attribuait jadis le pouvoir de faire revenir le poil.

La Maison rustique indique plusieurs emplois médicaux de l'oie, qui ne semblent plus usités aujourd'hui :
« La graisse d'oye en ce est proffitable, parce que meslée avec ius d'oignon et instillée en l'oreille, elle apaise la douleur et en tire l'eau.
La langue d'oye desseichée et mise en poudre, est bonne contre rétention d'urine.
»

Dans l'Yonne, on croyait se débarrasser des maux d'oreilles en buvant après une poule.

Dans la Gironde, pour guérir le panaris, on place le doigt malade dans un œuf frais jusqu'à ce qu'il devienne dur;
en Poitou, la pellicule de l'œuf mise autour du petit doigt d'un fiévreux attire le mal.

 

Contes et légendes

Les récits dans lesquels l'âme, au moment de la mort, s'échappe du corps sous forme d'un oiseau familier sont très nombreux.
Un des hommes d'armes qui avait assisté au supplice de Jeanne d'Arc déclara qu'il avait vu en l'émission de l'esprit de la dite Jeanne une colombe blanche sortir de la flamme du bûcher.

Parfois l'âme s'échappe, non au moment de la mort, mais à celui où le cadavre reçoit sa destination définitive :
en Auvergne, l'homme qui peut mettre le pied sur celui du prêtre à l'instant où il jette la pelletée de terre voit l'âme s'envoler dans les airs.

Dans la chanson populaire de Malbrough, lorsque le cercueil du héros a été déposé dans la tombe,

On vit voler son âme
A travers les lauriers.

Plusieurs récits d'Alsace parlent de sorcières qui empruntent la forme de volatiles domestiques :
un homme de guet, ayant rencontré un énorme canard qui battait des ailes, le jeta dans le soupirail de sa cave qui était ouverte.
Le lendemain il y vit sa femme qui boitait et qui l'accabla d'injures et d'insultes.

Dans plusieurs contes, qui roulent sur un thème déjà courant en France au 16ème siècle, un garçon fait fortune grâce à son coq, avec lequel il arrive dans une contrée où cet oiseau est inconnu;
les habitants qui vont chercher le jour avec des charrettes l'achètent fort cher à son possesseur quand ils sont convaincus que le jour arrive dès qu'il a chanté.


Suite…


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