La Terre et le monde souterrain

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IV. Les rochers et les pierres (suite)

d - Merveilles et gestes

Suivant une croyance assez répandue, les pierres poussaient autrefois :
en Haute-Bretagne, elles conservaient cette faculté tant que la racine était dans la terre;
Dieu a arrêté leur croissance, parce qu'elles auraient fini par couvrir le sol, et ne plus laisser de place pour les semences destinées à la nourriture des hommes;
la plupart des vieux maçons du Bocage normand disent qu'elles ont eu le même privilège jusqu'au temps où saint Pierre les a charmées;
les veines que l'on remarque dans les blocs étaient les canaux par où la sève circulait et entretenait leur végétation.
En Poitou, les rochers ont poussé jusqu'à un certain jour où leur croissance a été arrêtée subitement;
ainsi s'explique leur état actuel :
les unes ont atteint leur développement alors que d'autres sortent à peine de terre.

En plusieurs pays, leur accroissement est seulement ralenti;
en Ille-et-Vilaine et dans la Loire-Inf., des mégalithes et des roches naturelles grossissent encore, bien qu'ils aient été conjurés;
on dit en Quercy, que les pierres croissent toujours, lentement il est vrai, mais d'une manière continue.
La Pierre grise au Plessis-Grimoult (Calvados) augmente un peu de volume tous les ans.

 

Les légendes qui suivent se rattachent à cet ordre d'idées.

Le plateau de Montceix (Corrèze) a trois puys ou pics, dont chacun porte un nom de saint;
leurs patrons sont saint Nicolas, saint Gilles et sainte Anne.
Ils tenaient là conciliabule, et même une fois, disent les paysans du voisinage, sainte Anne quitta sa vigie pour aller voir son frère, l'évêque de Clermont.
Afin de reconnaître sa route au retour, elle fit comme le Petit Poucet et elle sema des grains de mica qui se sont changés en énormes blocs de granit que l'on voit encore.

 

Un voyageur du 17e siècle rapportait une tradition relative aux célèbres pierres de Nerouse (aujourd'hui Naurouse) :
« Les bonnes gens du Païs disent qu'une femme, nommée Nerouse, passant un jour en cet endroit avec sept petites pierres dans son tablier, les jeta séparément dans cette campagne, aussi loin que sa force le lui permit, et dit en même tems que ces cailloux grossiroient, et que même elles s'assembleroient et se joindroient lorsque les femmes auroient perdu toute sorte de pudeur :
ce qui est certain, c'est que les pierres que l'on y fait voir aujourd'hui sont fort grosses, aiant plus de quatre toises de circuit, et il ne s'en faut pas l'épaisseur d'un travers de doigt qu'elles ne se touchent les unes les autres.
»

 

Le petit garçon qui, dans une légende bretonne, entreprend un long voyage, voit deux rochers placés des deux côtés de la route qui s'entrechoquent avec un tel acharnement qu'il en jaillit des étincelles et que des fragments de pierres s'en détachent.
Il apprend à son retour que ces deux rochers étaient deux frères qui, sur terre, se détestaient et se battaient constamment.

 

Suivant des légendes assez répandues, des pierres se sont ouvertes miraculeusement pour donner asile à des héroïnes persécutées, et après les avoir dérobées à leurs ennemis, elles ont repris leur ancien aspect.

Une vierge du nom de Diétrine, qui vivait à Saint-Germain-des-Champs (Yonne), poursuivie par un chasseur qui voulait lui faire violence, arriva devant le bloc qui est aujourd'hui en vénération, et s'écria :
« Ah ! pierre, si tu voulais t'ouvrir et me cacher dans ton sein ! »
Aussitôt la pierre se fend, reçoit la vierge, et se referme si bien qu'elle la recèle encore.

A Sion-Vaudémont, un gros rocher s'ouvrit pour donner asile à une princesse qui, serrée de près par un séducteur, se lança dans le vide, et souvent on entend ses plaintes.

 

Les voisins des gros blocs qui leur attribue la faculté de se déplacer, leur accordent aussi le pouvoir de se venger de ceux qui leur auraient manqué de respect.
George Sand parle, d'après un récit entendu au pied des Pyrénées, d'un rocher appelé le géant Yéous, qui s'écroula sur un pâtre qui voulait le détruire, et l'ensevelit sous ses débris.

 

Les pierres peuvent même, en certains cas, parler :
d'après une légende romantique, lorsque, à la prière de saint Guillaume, le roc de Lourdes roula sur le diable qui s'échappait par le lit du Tarn, le roc de l'Aiguille qui est en face, craignant que son frère ne fût point assez fort pour contenir l'esprit infernal, lui cria :
« Frère, est-il besoin que je descende ?
— Eh non ! répondit l'autre, je le tiens bien.
»

 

Les croyances des paysans relatives à ce qu'on peut appeler les « gestes » des grosses pierres sont, analogues à celles qui s'attachent aux mégalithes véritables. (voir page monuments - les menhirs)
Comme eux elles tournent, vont boire à la rivière et laissent voir les trésors qu'elles recouvrent.
Il est vraisemblable du reste qu'avant d'attribuer aux monuments la faculté de se mouvoir, les primitifs l'accordaient aux pierres qui émergent du sol.

 

Plusieurs noms qui désignent certains ces rochers constatent, bien que parfois la tradition soit oubliée, qu'on les supposait doués d'une sorte d'animisme qui leur permettait de se déplacer.
On rencontre à Torfou la Pierre Tournisse, à la Celle-Guémand, le bloc erratique de Vire-Midi, qui probablement accomplissait à cette heure son évolution, etc.
Sur la rive gauche de l'Aisne, vis-à-vis de Bethoude, un monolithe (la Pierre qui tourne) est encore l'objet d'effroi;
l'homme-pilier de Soussonnes, statue informe de vingt-cinq pieds de haut, était un homme qui vire.

 

Le souvenir des pierres qui dansent est conservé par des noms, comme la Pierre qui danse près d'Auxerre;
le bloc calcaire de Cellefrouin, le Roc qui danse à Sers, monument d'origine incertaine et peut-être simple jeu de nature, formé de deux pierres superposées.

Autrefois quand le coq de deux fermes voisines chantait au matin, la grosse pierre du Champ Arnauld changeait de bout.

On a beau tourner dans tous les sens une pierre située à Feugarolles (Gironde), elle reprend toujours sa position, et chacun de ses angles répond à un des points cardinaux.

 

De même que les mégalithes, des pierres vont se baigner ou se désaltérer dans les ruisseaux.
Tous les ans, à Noël, quand les cloches sonnent à minuit, la roche la plus élevée du groupe naturel à apparence dolmenique de Saint-Germain-en-Coglès descend pour boire au fond de la vallée et traverse l'espace avec une rapidité terrible;
à ce même instant, un bloc appelé le Gros' rotch, entre Verviers et Renoupre, allait se désaltérer dans la Vesdre;
la Pierre de Chasseloup en Vendée va, pendant cinq minutes, se rouler dans les flots de la Crûme.
Près de La Fère-en-Tardenois, le Grès qui va boire a une ombre qui, parfois, s'allonge démesurément et descend jusqu'à l'Ourcq où il semble se plonger : c'est ce qui lui a fait donner ce nom;
Il est possible au reste que plusieurs légendes de pierres altérées aient eu pour origine cet allongement de l'ombre portée.

 

Des pierres, et parmi elles, certaines roches amphiboliques ont une sonorité assez semblable à celle de l'airain quand on les frappe avec un métal ou un caillou;
telles sont les Pierres sonnantes dans une crique près de Guildo (C.-d'A.), et un bloc voisin de la chapelle de Saint-Gildas.
Saint Gildas et saint Bieuzy s'en servaient pour appeler les fidèles à la prière, et, de nos jours encore, il tient lieu de cloche lorsqu'on célèbre l'office divin à la chapelle.

Un rocher de Guernesey est connu sous le nom de la Rocque-où-le-coq-chante, et l'on dit qu'en mettant l'oreille au niveau de la terre, on entend très distinctement le son des cloches à l'intérieur.

Entre Plouha et Lanloup, un rocher qui s'élève sur le bord d'un chemin de traverse fait entendre au lever du soleil un certain son, tout comme le colosse de Memnon.
On l'appelle Men Varia, la pierre de Marie;
la voix qui en sort est celle de la Vierge qui prie pour les bretons.

 

Jadis quand sonnaient les coups de midi et de minuit, il apparaissait un pain et une bouteille sur le Rocher d'Armoyon, commune de Châtain, dans le Morvan;
mais ils disparaissaient au douzième coup.

On attribuait à une pierre de la Suisse romande une particularité assez singulière.
Lorsqu'une jeune fille paresseuse abandonnait sa fourche ou son râteau pour aller se reposer à l'ombre d'une grosse roche placée au bord de la rivière, à peu de distance de la grotte de Tante Arie, une force surnaturelle repoussait la nonchalante, et l'envoyait rouler jusque dans le ruisseau où elle prenait un bain inattendu.

 

Le peuple a assimilé à des larmes ou à de la pluie les gouttes qui suintent le long de quelques gros rochers et qui, en effet, éveillent assez facilement ces idées.
Au Puy-Malsignat, la Peyro Puro, la pierre qui pleure, placée au-dessus d'une fontaine, se couvre d'autant d'humidité que le temps est plus sec.

Une tradition de la Suisse romande explique l'origine du suintement de l'une de ces pierres.
Une belle fille se promenait dans le bois qui domine le Scex (rocher) que plliau, en compagnie de son amoureux, fils d'un riche seigneur de la contrée, lorsque celui-ci survient avec ses gardes, leur ordonne de saisir les jeunes gens, et déclare que son fils épouserait la belle quand ce rocher pleurerait.
En même temps, il le frappe de sa botte et des gouttes d'eau se mettent à perler de toutes parts.

 

Les pierres de Naurouse (voir plus haut), près de Villefranche (Hte-Garonne), sont destinées à annoncer la fin du monde;
elle arrivera lorsque les fentes qui les divisent viendront à se fermer.
On trouve dès le Moyen Age des traces de cette croyance :
elle subsiste encore, et l'on jette des pierres dans les fissures pour empêcher les quartiers de se réunir.
On dit même que des pieux de fer y avaient été enfoncés comme des coins dans le même but.
Les veilles gens du pays racontent que, depuis un siècle, elles se sont tellement rapprochées qu'un gros homme a tout au plus entre elles le passage libre, alors qu'il y a cent ans un cavalier y passait sans difficulté.

 

Parfois des dires populaires font allusion aux trésors que recouvrent les gros blocs.
On lisait facilement sur une grosse pierre de Bosquen :
Celui qui me tournera
Gagnera.
Plusieurs personnes, après l'avoir retournée, avaient vu de l'autre côté :
Celui qui m'a tourné
N'a rien gagné !
Un homme, plus avisé que les autres, ayant lu cette inscription, chargea la pierre dans sa charrette en disant :
« Gagné ou pas, sorcière, vous allez venir chez moi ! »
Le lendemain, il la brisa : elle était creuse et pleine d'or.

 

A Guernesey, les anciens disaient qu'il y avait jadis dans la paroisse de Saint-André une grosse pierre sur laquelle était écrit :
Celui qui me tournera
Son temps point ne perdra.
Lorsqu'on y fut parvenu au prix de grands efforts, on lut sur l'autre côté :
Tourner je voulais
Car lassée j'étais.

 

Le trésor qui est enfoui sous la pierre de la Ma-Véria, la mal tournée, à l'extrémité du lac d'Annecy, deviendra la possession de la jeune fille assez vertueuse pour recevoir de Dieu ou des fées le privilège de pouvoir la déplacer.

 

A minuit, une sorcière se montre sur une montagne près de Saint-Mayeux (C.-d'A.) où des roches schisteuses affectent la forme d'un escalier;
elle en gravit les marches pour entasser ses richesses dans les anfractuosités des rochers.

 

Ainsi que les monuments mégalithes, ces blocs déjouent les tentatives de ceux qui veulent s'emparer des richesses qu'elles recouvrent.
En 1829, une certaine quantité de monnaies ayant été découvertes non loin d'une grosse pierre à empreintes de la baie de Pleinmont, des gens du voisinage, pensant que le gros du trésor se trouvait sous cette roche, résolurent de braver le danger qui menacent ceux qui dérangent les pierres placées par les fées.
Ils avaient réussi à la dégager lorsque midi sonna, et ils cessèrent leur besogne.
Quand ils revinrent à une heure pour reprendre leur travail, la pierre était aussi fermement fixée que jamais, elle résista et tous les efforts pour la déplacer furent inutiles.

 

Dans l'est, et principalement dans la région vosgienne, de gros rochers jouent le rôle dévolu aux choux dans les explications de la naissance que l'on donne aux enfants.

A peu de distance de la fontaine de sainte Sabine, qui procure aux filles un mari, s'élève la pierre de Kerlinkin, monolithe de cinq mètres environ, qui est visité par les pèlerins.
Aux enfants qui demandent comment ils sont venus au monde, on répond communément qu'ils sont sortis de la pierre de Kerlinkin, et, au besoin, on les conduit à cette pierre pour leur montrer la porte sans serrure et sans gonds qui s'est ouverte une belle fois, à minuit, pour leur livrer passage.

Dans une contrée de la Suisse de langue allemande, voisine de la frontière, on raconte comment leur découverte se faisait.
Un volumineux bloc erratique passait pour cacher les nouveaux-nés.
La sage-femme devait aller, de nuit, en faire trois fois le tour en sifflant;
si elle réussissait à les exécuter sans interruption, l'enfant qui sortait du dessous était un garçon;
autrement c'était une fille.
D'après une autre version, elle devait monter sur le bloc, glisser en bas, à nu, et ensuite frapper trois fois;
après cette cérémonie, des mains invisibles lui tendaient l'enfant.

 

e - Culte et observances

Il est vraisemblable que, bien des centaines d'années avant notre ère, les peuplades de la Gaule croyaient, comme beaucoup de groupe contemporains peu avancés en évolution, que certains rochers, en raison de leur masse, de leurs formes, de leur bizarrerie même, étaient la demeure d'êtres surnaturels qui leur communiquaient une sorte de puissance.

Cette idée subsiste encore en France et en plusieurs pays de langue française, où de nombreuses légendes racontent que des roches énormes ou d'un aspect singulier ont été habitées par des fées, plus rarement par des lutins;
ils n'ont cessé d'y résider qu'à une époque récente.

Certaines sont regardées comme puissantes et sacrées, et l'on continue à leur demander la chance ou le bonheur, en les associant à des actes dont la rudesse, la grossièreté ou la bizarrerie indiquent la haute antiquité.

Comme ces rites ont vraisemblablement précédé ceux du même genre, parfois adoucis, que des tribus plus civilisées accomplissaient dans le voisinage des pierres brutes érigées de main d'homme, ou sur ces monuments eux-mêmes, on peut donner le nom de cultes prémégalithiques à ceux qui paraissent les plus anciens, surtout lorsque les pratiques ont encore lieu sur des blocs naturels.

 

La glissade, le mieux conservé des cultes prémégalithiques, est caractérisé par le contact, parfois assez brutal, d'une partie de la personne du croyant avec la pierre à laquelle il attribue des vertus.

Les exemples les plus typiques qui aient été relevés, et sans doute comme les rites sont, d'ordinaire, accomplis en secret, beaucoup ont échappé aux observateurs, sont en rapport avec l'amour et la fécondité.

 

Dans le nord de l'Ille-et-Vilaine, toute une série de gros blocs, parfois, mais non toujours, ornés de cupules, ont reçu le nom significatif de « Roches écriantes », parce que les jeunes filles, pour se marier plus promptement, grimpent sur le sommet et se laissent glisser (en patois : écrier) jusqu'en bas;
il en est même auxquelles cette cérémonie, souvent répétée, a fini par donner un certain poli.

A Plouër (C.-d'A.), les filles ont été de temps immémorial « s'érusser » sur le plus haut des blocs de quartz blanc de Lesmon, qui a la forme d'une pyramide arrondie.
Elle est très lisse du côté où s'accomplit cette glissade.
Pour savoir si elle se mariera dans l'année, la jeune fille doit, avant de se laisser glisser, retrousser ses jupons;
si elle arrive jusqu'au bas sans s'écorcher, elle est assurée de trouver bientôt un mari.
(Suivant quelques-uns, la jeune fille devait uriner dans une cavité de la pierre.)

 

Sur la « Roche Ecriante » à Montault (I.-et-V.), inclinée à 45°, on voyait la trace des nombreuses filles qui s'y étaient écriées.
Il fallait, après la glissade, que personne ne devait voir, déposer sur la pierre un petit morceau d'étoffe ou de ruban.
Cette coutume a été constatée dans des pays bien éloignés de la Bretagne :
le jour de la fête patronale de Bonduen en Provence, les jeunes filles désireuses de se marier sont venues longtemps glisser sur un rocher formant un plan incliné, derrière l'église, et qui était devenu poli comme du marbre;
cet acte s'appelait l'escourencho, l'écorchade, celles de la vallée de l'Ubayette (Basses-Alpes), pour trouver un mari et pour être fécondes, se laissent glisser sur une ancienne roche sacrée au village de Saint-Ours.

 

La glissade parait avoir été rarement pratiquée sur des mégalithes véritables qui, du reste, ne présentent que très exceptionnellement l'inclinaison nécessaire à son accomplissement.

Dans la Belgique wallonne, on avait adouci cette pratique, qui avait beaucoup perdu de sa gravité ancienne;
elle se faisait sur le rocher de Ride-Cul, près d'une chapelle du même nom.
Il s'y tenait, tous les ans, le 25 mars, un pèlerinage, et les jeunes gens, garçons et filles, s'asseyaient au sommet de la pierre sur de petits fagots de bois cueillis dans le voisinage, puis ils se laissaient glisser sur la pente raide.
On tirait des présages des incidents de la descente, et l'on disait :
« S'il y a retournade (gliss. interrompu), c'est qu'il faut attendre;
s'il y a embrassade, c'est qu'on s'aime;
s'il y a cognade (choc), c'est qu'on ne s'aime pas;
s'il y a embrassade suivie de roulade, c'est qu'on se convient. »
On ne pouvait recommencer l'épreuve.

 

Dans quelques parties de l'Aisne, il constituait une sorte d'ordalie qui, dans les derniers temps, revêtait un caractère facétieux qu'il n'avait pas sans doute autrefois.

Il y avait dans plusieurs villages une Pierre de la mariée, sur laquelle l'épousée était obligée de monter le jour de ses noces.
Elle s'y asseyait sur un sabot, et se laissait glisser le long de la pente.
Selon qu'elle arrivait en bas, facilement ou sans encombre, à droite, à gauche, au milieu, on en tirait des conséquences, toujours exprimées en langue très gauloise, et si d'aventure le sabot se brisait en arrivant au sol, le cri « elle a cassé son sabot ! » retentissait ironiquement aux oreilles de l'époux.
(Equivaut à avoir perdu sa virginité)

 

Fondée aussi sur la croyance à la vertu des pierres, la pratique que l'on peut désigner par le nom de friction était plus nettement phallique que la glissade, puisque souvent elle consistait non plus dans le contact de la partie postérieure du suppliant, mais du frottement à nu du nombril ou du ventre, peut-être des organes génitaux eux-mêmes.
Il semble en effet que les observateurs n'aient pas toujours osé décrire ce rite sans une certaine atténuation.

Des pierres naturelles, ou érigées de main d'homme, présentait un relief de forme ronde ou oblongue, dont l'aspect rappelait grossièrement un phallus, avait probablement suggéré l'acte qui s'y accomplissait, et qui primitivement, et peut-être à l'heure actuelle, était regardé par les croyants comme une sorte de sacrifice au génie de la pierre.

Si le glissement rapide donnait aux femmes une secousse analogue à celle « des montagnes russes », le frottement avec la partie consacrée de la pierre pouvait éveiller chez elles des sensations d'une autre nature.

 

A Saint-Renan (Finist.), les jeunes épousées, pour avoir des enfants, venaient il y a peu d'années, et il n'est pas certain qu'elles ne le fassent pas encore maintenant, se frotter le ventre contre la Jument de pierre, rocher colossal au milieu d'une lande, qui ressemble à un animal des temps fabuleux.

 

La friction sur les pierres n'est pas seulement efficace pour les choses qui touchent à l'amour ou à la fécondité :
on y a aussi recours lorsqu'on veut acquérir de la force ou recouvrer la santé;

à Plemeur-Bodou pour donner de la force aux enfants, on leur frotte les reins au rocher de Saint-Samson, près de la chapelle dédiée à ce saint;
le rocher du même nom à Trégastel avait une échancrure usée par les pèlerins.

 

D'autres pierres étaient associées à d'antiques coutumes de mariage et il y en avait, comme la Pierre de la mariée de Graçay (Cher) sur laquelle les mariés venaient danser le jour de leur noce.

Au village de Fours, dans les Basses-Alpes, on appelait Pierre des épousées un rocher de forme conique vers lequel le plus proche parent du mari conduisait l'épouse après la cérémonie religieuse;
il l'y asseyait lui-même en ayant soin de lui faire placer un pied dans un petit creux de la pierre que l'on dirait avoir été pratiqué exprès, quoiqu'il soit fait par la nature.
C'est dans cette position qu'elle recevait les embrassements de toutes les personnes de la noce.

Aux environs de Sorendal, dans le Luxembourg belge, on conduisait, à la tombée de la nuit, les deux époux sur la pierre à marier où ils s'asseyaient dos à dos.


Suite…


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