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Les femmes stériles venaient aussi demander la fécondité
à certaines pierres;
à Decines (Rhône), elles s'accroupissaient autrefois sur
un monolithe placé au milieu d'un champ, au lieu dit Pierrefrite, qui
était peut-être un menhir;
à Saint-Renan, elles se couchaient, il y a peu d'années
encore, pendant trois nuits consécutives sur la « Jument
de Pierre » de saint Roman, qui est un rocher naturel colossal.
Au 16e siècle, une statue qui portait le nom d'un saint,
dont il existe plusieurs variantes (Greluchon, Grelichon, Guerlichon, etc.)
passait pour avoir les mêmes vertus fécondantes que ces
pierres.
Voici comment un écrivain de cette époque décrit le pèlerinage
dont il était l'objet :
« Saint Guerlichon qui est en une abbaye de la ville de Bourg-dieu,
tirant Romorantin, et en plusieurs lieux, se vante d'engroisser autant de femmes
qu'il en vient, pourvu que pendant le temps de leur neuvaine, elles ne faillent
à s'étendre par dévotion sur la benoîte idole qui
est gisante de plat, et non debout comme les autres.
Outre cela il est requis que chacun jour elles boivent un certain breuvage mêlé
de la poudre raclée de quelque endroit d'icelle, et mêmement du
plus déshonnête à nommer. »
(H. Estienne, 1580)
Les maris que leurs femmes maltraitent ou rendent malheureux, d'autres disent ceux qui craignent d'être trompés, vont, la nuit, marcher à cloche-pied autour d'un rocher en Combourtillé (Ille-et-V.)
Les mères portent au rocher de Saint-Maurice, dans le bois de la Griseyre
(Hte-Loire), les enfants qui ont les jambes arquées, les pieds
contrefaits et autres infirmités analogues;
il est fait mention de ce pèlerinage en 1550.
Actuellement, elles s'agenouillent, placent l'enfant dans une anfractuosité
du roc, adressent par trois fois l'invocation suivante :
« Saint Maurice, ayez pitié, guérissez-le ! »
glissent une offrande sous le rocher, gravent une croix sur l'écorce
d'un des pins voisins et s'en retournent;
La condition sine qua none de la guérison de l'enfant est que
le premier passant prenne l'offrande, s'agenouille à son tour
et prie.
En Haute-Savoie, les femmes qui désiraient devenir mères
offraient des comestibles aux fées qui se montraient près
d'un groupe de rochers, appelé la Synagogue;
si les présents déposés le soir avait disparu le
lendemain matin, la demande était agréée.
D'assez nombreux exemples montrent que l'on attribue à l'eau
qui séjourne dans les empreintes ou les pierres à bassins
un pouvoir guérissant analogue à celui des fontaines miraculeuses.
Celle qui tombe goutte à goutte des rochers ne semble pas avoir aussi
souvent la même efficacité.
Cependant on l'accordait à l'eau sortant d'un rocher représentant
des concrétions pierreuses bizarres, dans le bourg de la Hure, près
de la Réole, et qui vraisemblablement faisait songer à des mamelles
allongées;
Les nourrices, pour rendre leur lait plus abondant, y faisaient
tremper un linge qu'elles s'appliquaient sur les seins, d'autres s'en
frottaient les yeux pour guérir les affections de cet organe.
La pratique qui suit se rattache à un culte ancien, qui consistait
à oindre les pierres avec des corps gras, réputés
agréables aux divinités qui y fixaient leur demeure ou
dont elles étaient la représentation;
C'est la seule en relation avec des blocs naturels, qui ait été
jusqu'ici relevée en France.
Autrefois, les habitants d'Otta, en Corse, allaient à une certaine époque
de l'année lier un énorme rocher qui surplombait leur village,
et ils l'arrosaient avec de l'huile, pour qu'il ne tombât
pas sur leurs maisons.
Les guides et les passants embrassaient, en faisant un signe de croix,
le Cailhaou de l'Arrayé (le caillou arraché), rocher qui domine
un énorme éboulement sur la route de Saint-Sauveur (Hte-Pyrénées),
sur lequel la Vierge se reposa quand elle visitait le pays.
On a pu voir page 8 (c - Habitants et hantises des rochers),
que le Cailhaou de Sagaret, dans le pays de Luchon, est l'objet d'une véritable
vénération.
C'est vraisemblablement en raison du respect porté aux pierres remarquables par leur volume, ou par quelque circonstance particulière, que des actes juridiques, dont la tradition a gardé le souvenir, s'accomplissaient près d'elles.
A Saint-Gilles-Pligeaux (C.-d'A.), au centre du Roc'hl a Lez (Le Rocher de la Loi ?) brisé en 1810, se voyait un trou destiné, disait-on à recevoir le poteau qui soutenait le dôme mobile sous lequel s'abritaient les juges venus pour y rendre la justice.
Dans l'Aisne, on cite plusieurs pierres naturelles près desquelles on
rendait la justice au Moyen Age et même à une époque
assez rapprochée de la nôtre;
les plus connues étaient une une grande roche plate, qu'on voyait encore
à Dhuizel, canton de Braine, vers 1850, et la Pierre Noble à
Vauregis;
au 16e et au 17e siècles, et même au 18e, on trouve sur les actes
la mention :
« fait auprès du Grès qui va boire ».
On venait jadis rendre foi et hommage au chapitre de la cathédrale de Chartres au lieu dit Pierre de Main verte, où l'on voit quatre ou cinq grosses pierres au milieu d'un champ.
Les fragments de certaines pierres exercent sur l'amour, la génération
et le bonheur, une influence analogue à celle que l'on attribue
aux blocs naturels ou aux mégalithes.
Parfois ils constituent une véritable amulette;
on disait en Picardie aux jeunes filles :
« Vos vos marierez ech' l'année ci, vos avez des pierres ed
capucin dans vo poche. »
C'était une allusion à la croyance populaire d'après laquelle
toute jeune fille qui recueille un petit morceau de la pierre sur laquelle un
capucin, prisonnier dans la grosse tour de Ham, laissa son empreinte,
se marie avant l'année révolue.
Dans le Beaujolais, les femmes affligées de stérilité
allaient racler une pierre placée dans une chapelle isolée au
milieu des prairies;
à Saint-Germain-des-Bois (S.-et-L.), elles grattaient la statue
de saint Freluchot.
Près de Namary, dans l'Ain, une pierre placée dans une vigne est
réduite à un petit volume, à force d'avoir été
creusée par les gens qui, pour augmenter leur force virile, en
buvaient la poussière mélangée à certains breuvages.
Quelques femmes se rendaient à certaines heures de la nuit, dans un bois
près de Selignat où se trouvait une pierre dont elles détachaient,
après des invocations, des parcelles qu'elles administraient,
dans un breuvage, à leurs maris ou à leurs galants.
Les parcelles de pierres jouent un rôle considérable dans
la médecine superstitieuse.
L'usage est ancien, et si, la plupart du temps, les poussières mélangées
aux boissons des malades proviennent de tombeaux ou de statues
de saint, il en est que l'on recueille sur les mégalithes ou des rochers
naturels.
Ceux qui sont atteints de la fièvre vont gratter une énorme
pierre brute à la limite de Lussac-le-Château et de Persac (Vienne),
désignée, on ne sait pourquoi, sous le nom de Saint-Sirot,
ou ils raclent la grosse Pierre de chenet, dans les mêmes parages, sur
laquelle ils laissent, comme offrande, des épingles et des liards.
La poussière est mélangée avec de l'eau, qu'ils boivent
neuf matins de suite.
Dans la Bresse, les jeunes mères, pour apaiser les cris de leurs nourrissons, leur font prendre des fragments d'une pierre placée au milieu des vignes, au lieu dit Saint-Clément, peut-être pour Saint-Calmant, commune de Vounas, dans l'Ain.
L'usage de détacher des fragments de tombeaux ou de statues
de saints, qui est vraisemblablement une adaptation à des monuments chrétiens
d'une pratique païenne en relation avec les gros blocs, a été
constatée à une époque lointaine;
suivant une ancienne coutume dont parle Grégoire de Tours (VIe
siècle), on raclait la pierre du tombeau de saint Marcel à
Paris, et sa poussière, infusée dans un verre d'eau, passait
pour un spécifique puissant contre plusieurs maladies.
Au 17e siècle, les pèlerins atteints de fièvre ou du mal de dents raclaient ou mangeaient la pierre du tombeau de saint Thaumas à Poitiers, et les femmes la donnaient à leurs petits enfants pour guérir leur mal de dents.
On a relevé de nos jours de nombreux exemples de la croyance
à l'efficacité des fragments tumulaires.
Les paysans font des trous en forme de godets dans la pierre calcaire du tombeau
du bienheureux Barthélémy Picqueray, placé dans une petite
chapelle près de Cherbourg;
ils les emplissent d'eau, dans laquelle ils délaient la raclure
de la pierre, bien réduite en poudre, et ils la donnent à boire
à leurs enfants.
Les gens du voisinage de Déols (Indre) avalent, pour se guérir
de la fièvre, la poussière du marbre d'un tombeau
placé dans la crypte de l'église.
A Cernay (Vienne), les parcelles provenant du grattage du tombeau de saint Serein
étaient mélangées à l'eau d'une fontaine
du même nom;
celles de la pierre tombale de sainte Verge étaient mises dans
les potions que l'on donnaient aussi aux fiévreux.
Quelquefois cette pratique était associée aux cultes d'eaux guérissantes qui coulaient dans le voisinage.
A Saint-Sernindes-des-Bois, les pèlerins raclaient la statue de saint
Plotat et en faisaient boire la poussière aux petits rachitiques,
après l'avoir délayée dans l'eau puisée à
une fontaine.
Les fiévreux qui vont boire l'eau de la mare de Paizay-le-Sec,
non loin d'une chapelle dédiée à sainte Marie l'Egyptienne,
y mélangent un peu de poudre raclée à la pierre de l'ancien
sanctuaire.
Il semble que certaines pierres, auxquelles on venait demander la guérison,
avaient été, pour christianiser un peu la pratique, transportées
dans des églises.
Plusieurs anciennes chapelles du Beaujolais renfermaient ou renferment encore
des pierres miraculeuses dont on racle la surface à l'aide d'un couteau;
la poudre ainsi obtenue est avalée par les patients et guérit
une foule de maux.
Celle qui se trouvait dans la chapelle de saint Ennemond, et qui était
efficace contre les maux de dents et les coliques, a été transportée
dans la cour voisine;
mais elle est toujours honorée par les pèlerins encore nombreux
qui ont conservé la foi en sa vertu, et, après s'être agenouillés
au pied de l'autel, ils n'oublient pas la poudre miraculeuse, but réel
de leur voyage.
Le folklore des pierres extraites des carrières ou détachées
des gros blocs, qui n'ont pas été taillées ou montées
pour servir d'amulettes, est moins considérable que celui des rochers
gigantesques ou anthropomorphes qui tiennent au sol.
Toutefois, les faits recueillis, souvent par hasard, sont assez nombreux
et intéressants pour qu'il soit utile de les rapporter ici.
L'usage de lancer une pierre pour affirmer un serment, qui accompagnait
autrefois de véritables actes juridiques, n'est pas tombé
en complète désuétude.
Un matelot qui veut affirmer sa résolution de ne pas retourner
de sitôt dans un endroit, jette une pierre à la mer.
Un témoin affirme avoir vu, en 1890, un marin qui faisait la
pêche des huîtres à Cancale, lancer un caillou dans
la baie, en disant :
« Adieu, Cancale et ses bateaux, je n'y reviendrai pas l'année
prochaine, je jette ma pierre. »
En Bugey, pour obtenir protection ou secours, on dépose ou on jette une pierre dans une église, dans un cimetière, ou dans tout autre lieu béni.
Une jeune fille de Saint-Martin-du-Mont était effrayée de partir
la nuit pour une course urgente;
mais sa mère la rassura en lui disant :
« Lorsque tu passeras devant le cimetière, tu y jetteras une pierre,
et tu seras préservée de tout danger.
C'est à un ordre d'idée tout différend, bien qu'en relation
avec les trépassés, que se rapporte une interdiction constatée
en Wallonie, où l'on recommande aux enfants de ne pas jeter des pierres
dans les haies le jour des Morts.
Comme, suivant une croyance très répandue, les défunts
sortent alors de leur tombe, il est vraisemblable que cette défense
existe en d'autres pays,
en Basse-Bretagne par exemple, où des gens assurent avoir entendu
dans les haies le frôlement des âmes qui accomplissent après
leur mort le pèlerinage qu'elles n'ont pu faire de leur vivant.
Dans les régions montagneuses du sud-ouest de la France, on a
tant de fois relevé la défense de lancer des pierres dans les
lacs qu'on peut la considérer comme générale;
d'après les gens du pays, cet acte irrite les génies qui
y font leur résidence, et un orage ne tarde pas à éclater.
La croyance à l'efficacité prophylactique de la pierre
jetée ou poussée a été notée dans plusieurs
régions de la France, où les gens de la campagne semblent encore
persuadés que l'on peut, au moyen de pierres lancées, neutraliser
le mauvais effet de la rencontre d'une belette ou d'un animal réputé
funeste.
Les paysans de la Saintonge qui en voient une leur couper le chemin croient
qu'elle leur présage une affaire avec une méchante femme,
et ils se hâtent de pousser une pierre;
ceux du Dauphiné en jette une, après avoir fait un signe de croix,
avant de franchir l'endroit où la bête funeste a passé;
en Poitou, on marche à reculons en poussant trois pierres.
On a relevé, dans plusieurs régions du Midi, des exemples
d'une coutume où le jet de pierres est en rapport avec les choses du
cur.
Un proverbe du Béarn y fait allusion :
Qui peyroutaye
Amoureye.
(Qui lance de petites pierres Fait l'amour.)
L'auteur qui l'a consigné ajoute qu'il s'applique aux agaceries
que se font les amants.
En Provence, cette action n'est pas seulement un simple jeu.
Au Beausset, dans l'arr. de Toulon, les jeunes gens vont s'asseoir, le jour
de la fête ou un dimanche d'été, auprès des jeunes
filles qui leur plaisent, et dévoilent leur amour en leur lançant
de petites pierres.
Si la jeune fille n'est pas d'humeur favorable aux désirs du galant,
elle change de place, et va s'asseoir un peu plus loin.
Si au contraire, elle veut encourager l'amoureux, elle prend à
son tour de petites pierres qu'elle lui renvoie, en plaisantant, acte dont la
signification est parfaitement claire dans le pays.
Les pierres servent aussi à des ordalies amoureuses.
Les jeunes filles qui désirent se marier dans l'année lancent
une pierre dans un trou du mur au-dessus du portail de la chapelle de
Bon-Repos sur la route de Saint-Brieuc à Plérin.
Comme dans les épreuves faites au moyen de l'épingle, (voir
eaux douces page_1) il est nécessaire que l'objet parvienne à sa destination.
Les jeunes gens de Brehat qui veulent entrer en ménage se rendent
près du rocher du Paon, à l'extrémité de la falaise;
ils jettent de petites pierres dans la fente, et si celles-ci tombent
droitement dans le gouffre sans toucher les parois, ils doivent se marier
tout de suite;
dans le cas contraire, ils ont autant d'années à attendre
que la pierre a frappé de coups.
Une coutume apparentée se pratique à Orcival (Puy-de-Dôme)
:
but d'un pèlerinage célèbre, elle consiste à
faire rouler une pierre du haut d'une montagne, autant de sauts
elle fait, autant d'années avant le mariage.
Ceux qui passent dans les montagnes près d'un endroit où quelqu'un
a trouvé la mort ajoutent une pierre de souvenir à celles
qui ont été jetées par leurs devanciers.
Cet usage est aussi pratiqué aux abords des routes.
On rencontre assez fréquemment le long de celles de la région
des Alpes-Mar. des points désignée en provençal
sous le nom de Frémo mouorto, femme morte;
suivant une opinion générale, cette appellation perpétue
le souvenir d'une mort accidentelle, causée le plus souvent par un crime.
Tout passant doit jeter une pierre, sous peine de mourir dans l'année.
Au commencement du 19e siècle, chaque fois que les gens du voisinage rencontraient sur le bord des routes des Alpes des monceaux de pierres disposés en prismes triangulaires ou en cônes, et qui étaient des tombeaux très anciens, ils ne manquaient pas, en quelque nombre qu'ils fussent, d'y poser une pierre.
Dans plusieurs, notamment dans l'Yonne, on a trouvé des squelettes
sous des mergers, et un merger du même département appelé
la Chaumière des fées est aussi probablement un tertre
funéraire.
Ces tas de pierres, quelle que soit leur destination,
s'appellent merger ou murger dans l'Est, dans le Midi clapas
ou clapier, chiron dans le Centre, galgal en Bretagne.
En Basse-Bretagne, les conjurations de l'arc-en-ciel (voir page astres) sont accompagnées d'un rite accessoire qui consiste, au moment où l'ayant aperçu, on désire le couper, à disposer des pierres en forme de croix ou à les amonceler.
En Provence, dans le voisinage de la Sainte-Baume, qui attire depuis
des siècles un grand nombre de pèlerins, on voit une multitude
de petits tas de pierres, dont la signification est bien connue des gens
du pays.
La plupart sont en réalité des monceaux de témoignage accumulés
par les gens pour attester qu'ils sont montés sur ces sommets.
Mais il en est d'autres qui se rattachent à l'amour et à
la fécondité.
Les jeunes filles en quête d'un mari, après avoir
fait une halte à l'oratoire de la Sainte-baume, gravissent le
saint Pilon, et y laissent un triangle que forment trois cailloux
plats;
un quatrième est placé au centre.
Si l'année suivante, elles retrouve intact le castellet,
l'augure est bon, et le mari désiré ne peut être
loin.
Les garçons qui ont le projet d'épouser une jeune fille
construisent aussi avec soin leur moulon de joye et prient mentalement
sainte Madeleine de le leur faire connaître si elle approuve
leur choix;
lorsque, en revenant l'année d'après, ils revoient intact
leur amoncellement, ils considère ce projet comme bien accueilli par
la sainte, s'il est dispersé ils sont persuadés que leur mariage
ne sera pas béni par elle, et c'est une raison suffisante
pour leur faire rechercher une autre fiancée.
Ces tas, lorsqu'ils étaient faits avant le mariage, n'étaient
pas toujours destinés à des ordalies.
D. Monnier, visitant la sainte Baume en 1843, avait été
frappé de la multitude de ceux que l'on voyait aux environs.
Il interrogea trois jeunes gens qu'il vit monter sur le sommet.
C'était de simples ouvriers qui lui apprirent que c'était l'usage,
en Provence, que tout homme, avant de s'établir, vînt au moins
une fois dans sa vie faire une visite à la sainte Baume, et qu'il
constatât par l'érection d'un tas de pierres l'acquit de son pèlerinage.
Il était aussi fait par les jeunes époux mariés
dans l'année, et en 1819, Villeneuve-Bargemont disait qu'il était
même stipulé dans les contrats;
il était rare qu'il ne s'effectuât pas, car cette omission aurait
été regardée comme devant entretenir la stérilité,
et souvent un défaut de tendresse de la part du mari.
Suivant une observation plus récente (1887), pour que la sainte exauce
les vux des époux, il faut que ceux-ci fassent ensemble
le castellet (petit château), et qu'ils accumulent, dans l'endroit le
plus inaccessible et le plus solitaire, autant de pierres qu'ils
désirent d'enfants.
Le mari pouvait assurer davantage le succès du pèlerinage en allant
chercher dans le bois un morceau de gui pour le placer à la ceinture
de sa femme.
La pratique qui consiste à placer des pierres sur les arbres fruitiers
a probablement pour origine une assimilation analogique entre la charge qu'on
leur met et celle des fruits dont on désire qu'ils se couvrent.
Les paysans des environs de Marseille ont l'habitude de disposer des pierres
sur les branches des arbres, pour qu'ils donnent beaucoup de fruits;
dans la Gironde, on place à l'endroit d'où partent les branches
des pommiers une pierre grise;
dans l'Albret, si un arbre à fruit ne produit pas, on pose sur sa coupe,
quand il est en fleur, une pierre ramassée dans une autre
commune.
On a relevé en Basse-Normandie un usage qui se rattache à l'idée,
fort répandue, suivant laquelle on peut se débarrasser
d'un mal en le transmettant à un objet inanimé.
Dans la forêt d'Andaine, les fourchets des arbres sont chargés
çà et là de pierres plates superposées qu'on
appelle châteaux.
Les personnes atteintes de douleurs doivent les disposer à la hauteur
du mal et dire un Pater et un Ave en plaçant chacune.
Le mal les quitte et passe dans la pierre;
mais celui qui les dérangerait attraperait la maladie.
Des pierres peuvent moyennant certaines conditions, servir à des maléfices
destinés à provoquer des accidents.
Cette coupable coutume a été constatée en plusieurs
endroits de la Haute-Bretagne, où l'on donne des détails assez
précis sur son emploi.
Aux environs de Moncontour, si l'on met une pierre sur un chemin en disant
:
« Voilà pour le chariot », le premier véhicule
qui y passe est certain de verser, et plus la pierre est petite,
plus le danger est grand.
Lorsque le chariot est versé, une voix se fait entendre à
la porte de celui qui est cause de l'accident, et elle crie :
« Viens déverser ce que tu as versé ! » jusqu'à
ce que cette personne ait été aider à relever le
chariot.
En Berry, les Pierres caillasses ou Pierres sottes n'ont pas
besoin d'être conjurées pour nuire aux voyageurs;
elles viennent d'elles-mêmes se placer sur le chemin.
Ce sont des pierres en calcaire caverneux, dont les trous nombreux et irréguliers
donnent facilement l'idée de figures monstrueuses.
Quand les inspecteurs des routes les rencontrent, il les font briser;
si on ne se dépêche pas de le faire, elles quittent le bord du
chemin où on les a rangées et se mettent, de nuit, tout en travers
du passage, pour faire abattre les chevaux et verser les voitures.
(G. Sand)
Une coutume enfantine, encore usitée dans les Vosges, et dont
le sens n'est pas très clair, a une forme quasi rituelle :
si un enfant, accusé à tort de vol, veut prouver
son innocence, il doit aller, en marchant à reculons, chercher
une pierre dans le cimetière.
Il est probable que cette action n'était pas autrefois aussi simple,
et qu'il s'y joignait des circonstances accessoires, peut-être un serment
sur la pierre, ou une formule dans laquelle les morts étaient
pris à témoin.
Les enfants liégeois emploient couramment une pratique qui semble
une réminiscence d'une coutume jadis en usage parmi les adultes,
et qui eu pour but de constituer un lieu d'asile.
Lorsque, dans le jeu du Chat perché, les perchoirs ne sont pas
assez nombreux, on convient de rendre inviolable le joueur qui se trouve
sur une pierre de taille;
à Rennes où l'immunité est accordée aux joueurs
pourvu qu'ils ne touchent pas la terre, ils se mettent en équilibre
sur un fragment de pierre.
Des êtres qui ne sont plus de ce monde, des personnages sacrés
ou fantastiques viennent s'asseoir sur certaines pierres.
Quelquefois même les hommes les disposent tout exprès pour
qu'elles servent de sièges.
En Basse-Bretagne, quand le feu de la Saint-Jean a fini de flamber,
et que la prière d'usage a été récitée, tout
le monde, rangé sur une file, se met à marcher en silence autour
du brasier.
Au troisième tour, chacun ramasse un caillou et le jette dans
le feu.
Dès que les vivants ont disparu, les morts, qui ont toujours froid
viennent s'asseoir, pour se chauffer, sur les pierres qui ont été
mises là à leur intention.
Le lendemain les vivants viennent visiter le feu de la veille.
Celui dont la pierre a été retournée peut s'attendre
à mourir dans l'année.
Cette coutume existait au commencement du 17e siècle :
« Plusieurs mettoient des pierres auprès du feu que chaque famille
a coustume d'allumer le veille de la feste de saint Jean-Baptiste, afin que
leurs pères et leurs ancestres vinssent s'y chauffer à l'aise.
»
Dans la Gironde, lorsque le feu est mort, on place une grosse pierre au centre
du foyer :
c'est sur elle que la Vierge viendra s'asseoir la nuit pour se peigner.
Les pierres placées dans le feu de la Saint-Jean n'étaient pas
toujours destinées à servir de sièges à des
personnages;
suivant un dicton béarnais, on en plaçait trois, l'une
contre le sort, l'autre contre la male mort (mauvaise
mort ), la troisième contre les sorcières.
C'était une sorte de conjuration qui peut-être était
accompagné de formulettes.
Dans les Deux-Sèvres, quand les flammes du bûcher allumé
à cette fête sont à peu près éteintes,
un des plus forts de l'assistance roule au milieu du feu la plus grosse
pierre qu'il peut trouver.
On espère par ce moyen avoir de plus grosses citrouilles ou de
plus belles rabes (bettes champêtres).
Le même usage est observé dans la Creuse, où l'on
danse autour du brasier en y jetant des pierres de la grosseur
des raves que l'on désire.
Plusieurs légendes de la Haute-Bretagne racontent comment on parvint
à éloigner des êtres qui avaient l'habitude de s'asseoir
sur certaines pierres;
une revenante venait depuis bien des années s'agenouiller sur
un gros caillou bleu placé près d'une fontaine, et elle y faisait
pénitence à partir de dix heures du soir.
Deux jeunes gens s'amusèrent à faire du feu toute la journée
sur la pierre, et, un peu avant l'heure où se présentait la femme,
ils balayèrent les cendres.
Lorsque la revenante s'agenouilla comme d'habitude, elle se brûla, et
maudit les imprudents qui l'obligeaient à recommencer,
la veille du jour où elle devait être terminée, une pénitence
qui durait depuis deux cents ans.
Pour se débarrasser du Fersé, lutin qui, sous l'aspect
d'un poulain, s'asseyait tous les soirs sur une pierre, et réclamait
avec insistance la bride qu'on lui avait prise, on la fit chauffer au rouge,
et il s'y brûla si dur que jamais il n'est revenu.
On éloigna de la même manière une truie noire qui
n'était autre qu'une fille métamorphosée par les
sorciers.
(En Basse-Bretagne, c'est à l'intérieur
de la maison qu'est le caillou sur lequel s'asseyent le Teuz-ar-Pouliet, un
lutin bienfaisant, le Bouffon Noz, et le procédé est le même.
En Haute-Bretagne, un lutin fouleur est aussi brûlé, mais il étrangle
l'homme qui lui a fait cette mauvaise farce.)
Des pierres que l'on rencontre à la surface du sol ou à une petite profondeur, ou que l'on trouve sur le sable des grèves et dans les lits des ruisseaux, passent pour avoir de grandes vertus, soit en raison des circonstances particulières qu'elles présentent, soit à cause de leur rareté.
Les pierres naturellement trouées sont regardées comme
pouvant exercer une grande influence sur les êtres et sur les choses.
La croyance est ancienne :
Thiers cite, parmi les superstitions courantes au 17e siècle,
celle qui consiste à « attacher une pierre percée au
cou d'un cheval qui hennit trop, afin de le faire taire, ou attacher à
la queüe d'un asne une pierre afin de l'empêcher de braire ».
Maintenant encore cette pratique est assez usitée :
dans la Suisse romande, on pend à la crèche du cheval une
de ces pierres, pour le garantir du foulta (lutin) qui noue sa crinière.
Dans l'est de la France, celle que l'on trouve sans la chercher évite l'effet des sortilèges à l'étable dans laquelle elle est suspendue, et toute vache stérile y devient pleine.
En Wallonie, un silex troué préserve le bétail
des maléfices :
placé sous l'oreiller des gens ou pendu par une ficelle au-dessus
de la porte, il les met à l'abri du cauchemar.
Vers le milieu du 19e siècle, les filles du Pollet se mettaient en peine de chercher et de recueillir sur le rivage une pierre blanche d'une forme particulière, qu'elles nommaient la Pierre du bonheur, et à laquelle elles attribuaient le pouvoir d'accorder la prospérité, de délivrer de tout danger et de leur amener en temps convenable un bon mari.
Jadis, à Plouezec, près de Paimpol, le recteur bénissait les cailloux blancs que l'on trouve sur une des grèves de cette commune, et les marins du pays les mettaient dans de petits sachets de toile, persuadés qu'en les ayant sur leur poitrine ils ne pouvaient se noyer.
En Saintonge, on vendait, pour enrayer le mal de tête, des espèces de petits cailloux ronds, appelés pierres à migraines, que l'on portait sur soi.
Dans la Lozère, des cailloux roulés de variolite, enfermés
dans des sacs suspendus au cou du bélier, préservent le
troupeau des maladies;
les bergers du Vivarais emploient de la même manière la pierre
de la pigote (clavelée) et celle du « véré
» variole.
A la chapelle Saint-Mériadec, on a vu longtemps, déposés sur l'autel du sud, trois cailloux de quartz avec lesquels les paysans se frottaient pour être guéris du mal de tête.
Il était autrefois d'usage, dans le Puy-de-Dôme, de faire chauffer au rouge, pour arrêter la dysenterie, un caillou blanc de quartz ou de feldspath, et de le placer ensuite tout bouillant dans du lait.
Dans le centre des Côtes-d'Armor, neuf petits cailloux blancs
ramassés sur un chemin où un enterrement a passé
depuis peu sont, bouillis dans du lait, efficaces pour les fluxions
de poitrine.
Le même remède, mais sans la circonstance de la trouvaille, est
employé en Anjou.
On trouve dans la montagne de Sassenage en Dauphiné, dit un voyageur
du 17e siècle, certaines petites pierres qu'elle produit, qu'on nomme
précieuses à cause de la propriété qu'elles
ont de guérir les maux d'yeux.
(Jordan, Voyages historiques)
Parmi les nombreux remèdes usités dans la région
girondine pour guérir la marée, enflure qui vient à
la suite d'une opération quelconque ou d'une blessure, figurent souvent
neuf cailloux que l'on fait bouillir avec divers ingrédients végétaux,
aussi au nombre de neuf, dans un pot;
le contenu est versé dans une grande terrine, le piché posé
dans l'infusion la gueule en bas.
On recouvre le tout d'un linge, on appuie la partie malade sur
le pot, et si l'on entend la marée (l'eau) monter dans
le piché tandis que les objets restent dans la terrine, le mal s'en va.
La croyance si souvent constatée, suivant laquelle on peut se débarrasser
d'un mal en le transmettant à un objet inanimé, a été
constaté à l'île de Sein, où les fiévreux
font déposer au pied des menhirs neufs galets enveloppés
dans le mouchoir des malades;
celui qui le ramasse prend la fièvre.
En Poitou, on met dans une petite bourse autant de cailloux que l'on a de verrues,
et on la place sur une route;
celui qui s'emparera de la bourse les attrapera.
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