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A la surface des rochers qui émergent du sol, sur les tables
de recouvrement des dolmens, au flanc des menhirs ou des piliers
naturels, on remarque des creux dont les formes éveillent des
comparaisons avec celles des êtres ou des choses.
Plusieurs reproduisent avec une fidélité plus ou moins grande
des parties du corps humain, des pieds ou des genoux d'animaux,
ou des dépressions qui ressemblent à des ustensiles
Ce sont pour la plupart des jeux de nature, parfois complétés
de main d'homme;
quelquefois il s'agit de véritables gravures, d'entailles, de ces creux
réguliers appelés écuelles ou bassins, qui remontent
à une époque si ancienne que l'on en connaît plus
au juste la destination.
Le peuple que les empreintes naturelles étonne, et qui ignore l'origine ou le but de celles qui sont intentionnelles, a essayé de les expliquer, comme les divers phénomènes qui excitent sa curiosité, sa crainte ou son admiration, par des interventions surnaturelles, ou par des circonstances merveilleuses qui se lient à des actes accomplis par des êtres supérieurs, des saints, des héros, ou même des animaux réels ou fantastiques.
Ce besoin d'explication a suggéré sous toutes les latitudes des noms ou des légendes.
C'est ainsi que, pour ne parler que de l'Antiquité classique, on faisait voir sur un roc près de Tyras en Scytie l'empreinte du pied d'Hercule, longue de deux coudées, comme on montre actuellement celles de Gargantua, presque aussi démesurées.
On voyait dans la grotte du centaure Chiron les dépressions laissées par le coude des dieux, qui s'y
étaient assis au banquet nuptial de Thétis et de Pelée;
un pas de cheval, encore visible au temps de Cicéron, sur un roc
près du lac Régille, était celui du cheval de Castor.
Dans le sud de l'Italie, les vaches d'Hercule avaient imprimé leurs traces comme sur de la cire molle dans un chemin pierreux.
Les habitants du Caucase indien montrèrent à Alexandre la grotte de Prométhée et les traces de la chaîne qui tenait ce demi-dieu attaché.
Les plus nombreuses de toutes les empreintes légendaires sont anthropomorphes, et dans cette série celles de pieds humains tiennent le premier rang.
Les uns commémorent le passage de personnages surnaturels ou gigantesques, d'autres témoignent des efforts qu'ils ont faits en prenant leur élan, ou ils attestent leur puissance, assez considérable pour que les rochers les plus durs s'amollissent un moment pour recevoir l'impression des diverses parties de leur corps.
On rencontre assez rarement les empreintes des pieds des fées
et il en est peu qui soient accompagnées de légendes :
à Bouloire (Sarthe), les paysans montraient le pas d'une fée sur
un des gros blocs de grès qui faisait partie de la réunion
de peulvans appelé cimetière de sorcières.
Dans la région centrale des C.-d'A., les Margot-la-Fée ont marqué leurs pieds ou les clous de leurs sabots sur les blocs qui parsèment les collines où la tradition place leur résidence.
A Soucelles, en Anjou, une fée qui s'élançait du dolmen de Pierre Cesée pour franchir le Loir y a profondément imprimé son talon.
Des fées ont, en quittant le château où elles avaient résidé,
gravé leurs pieds à l'endroit où elles les posèrent
pour la dernière fois.
Celui de Mélusine se voyait sur l'appui d'une fenêtre du
château de Mervent, d'où elle s'envola après s'être
changée en serpent, et celui de la fée qui avait épousé
un seigneur, à la condition qu'on ne prononcerait jamais le mot
« Mort », était naguère visible sur les créneaux
du château de Ranes (Normandie).
Une seule empreinte de lutin a été relevée jusqu'ici
:
deux rochers au milieu d'un pré, au village de la Routoire-en-Plémy
(C.-d'A.), sont chacun marqués de pieds de grandeur différente.
Mourioche, lutin protéiforme très populaire en Haute-Bretagne,
et sa fille, les y ont gravés en rasant la terre de trop près
dans leurs ébats nocturnes.
Les géants sont représentés par des traces assez
nombreuses.
Le pied de Gargantua se voit sur un rocher voisin de Saint-Jacut-du-Mené
(C.-d'A.), d'où il s'élança pour aller retomber sur une
autre pierre à trois kilomètres de là, où
l'on montre son second pied.
A Saint-Priest-la-Plaine, un pied gigantesque, chaussé d'un sabot, est appelé le Pas de Gargantua.
Les traces de Samson, qui est parfois en relation avec Gargantua, se
rencontrent surtout dans l'Est.
Un bloc erratique de l'Ain, appelé Pierre à Samson, a deux excavations
que l'on considère comme la marque du pied et de la main de ce
personnage qui s'en servit pour jouer avec Gargantua.
Ce même géant s'amusait à lancer du haut de la montagne
de Rouet, sur la rive opposée de la rivière d'Endre, d'énormes
blocs qu'on appelle la Petado de Samsoun.
Un jour il voulut changer de quartier et passer sur la montagne de Saint-Romain;
il franchit cette distance en deux enjambées, son pied resta empreint
sur le rocher où il se posa, et l'on voit en effet un creux dessinant
exactement le pied droit d'un homme.
Jésus-Christ lui-même, ou la Vierge, ont laissé
en plusieurs endroits des témoignages de leurs pérégrinations
légendaires.
A Arleuf (Nièvre), deux cavités en forme de semelles sur
deux grosses pierres sont connues sous le nom de souliers du Bon Dieu.
Sur le sentier qui conduit à Notre-Dame du Haut, près de Moncontour
(C.-d'A.), une empreinte de pied d'enfant est celle du petit Jésus
que la Vierge, fuyant la colère d'Hérode, déposa là
un instant.
Lorsque la mère de Dieu parut dans la vallée d'Héas,
elle s'assit sur la pierre de notre-Dame et la marque de son pied y est restée.
A la Grande Verrière, on montre sur l'une des pierres de la fontaine
du Bon Dieu le pied de l'enfant Jésus qui vint s'y désaltérer.
Une grosse pierre supportée par quatre plus petites; à Saint-Léger-en-Yvelines,
passe pour avoir servie de marche-pied à la Vierge au moment de
son ascension.
Près de la chapelle Saint-Laurent (Deux-Sèvres), les dévots
révèrent le Pas de la Vierge, au-dessous duquel on remarque,
sur le même rocher naturel, les griffes du maudit.
La Vierge, poursuivie par le diable, quitta la terre en ce lieu pour s'envoler
au ciel, pendant que le rocher s'amollissant sous les griffes du diable,
le retenait prisonnier.
La roche où elle se tenait au sommet de Pareuses, lors d'un terrible incendie qui menaçait la ville de Pontarlier, et qu'elle éteignit par des torrents de pluie, a gardé la trace de son pied, de même que le bloc sur lequel elle se plaça quand elle défendit à la Peste, d'entrer dans la paroisse d'Ergué-Gaberic.
La Vierge de la Val qui, déguisée en mendiante, avait quitté sa chapelle pour se rendre à Amions, frappa la pierre de la Croix de la Cale (près de Chassenay), où son talon (cale) est resté marqué.
Deux dolmens dans le bois des Pierres-Folles à Commequiers (Vendée)
ont, le premier, l'empreinte d'un pied droit que l'on dit être
celui de Satan;
l'autre, celle d'un pied gauche, est celui de la Vierge.
Ils sont opposés, et l'on raconte que la Vierge les fit en poursuivant
le diable.
Saint Martin occupe le premier rang parmi les bienheureux auxquels on
attribue des empreintes, même sans ajouter aux siennes celles des fers
de sa monture, dont il sera question plus loin.
Les unes et les autres sont nombreuses dans le centre de la France.
Ainsi que cela est naturel, on en a relevé beaucoup dans le pays de
Tours où il résida et où l'on vénérait
son principal sanctuaire.
A Sublaines, à Continvoir, à Saint-Epain, à Cinais, des
pierres qui tiennent au sol portent le nom de Pas de Saint Martin;
à Luzillé, la Pierre de saint Martin est un polissoir,
la trace des instruments qu'on a aiguisés dessus est, pour les gens du
pays, celle du pas du saint;
à Viabon (Eure-et-Loir), deux cavités sont la marque de son pied
et de son genou;
c'est sur cette pierre qu'il s'agenouilla un jour, que s'étant
égaré, il ne savait de quel côté aller pour trouver
un village;
sa prière fut exaucée, car relevant la tête, il vit devant
lui la croix du clocher de Viabon.
D'autres empreintes, généralement situées dans des pays où leurs auteurs sont l'objet d'un culte, forment une sorte d'attestation de leur passage.
Le Pas de saint Brice est gravé à Cléré
(Indre-et-Loire) sur une pierre couchée, celui de saint Antoine
sur un grès de la forêt de Villiers-Cotterêts;
à Magny (Yonne), une roche est dite Pas de saint Germain.
A Saint-Cloud, les pèlerins vont voir, au coin d'une petite rue
qui conduit à l'Hôtel-de-Ville, un pavé un peu plus
grand que les autres, sur lequel on distingue une dépression qu'ils
regardent comme la marque du pied du saint, et ils l'appellent Pas de saint
Cloud.
Dans le chemin qui conduit à la chapelle Sainte-Barbe, les gens du pays
montrent, sur une pierre, la botte de l'archange saint Michel,
qui a aussi laissé la trace de ses pieds, en d'autres endroits,
notamment au Mont-Dol (Ille-et-Vilaine);
on voit les pieds de saint Hervé sur un rocher du village de Guémenez-en-Lanhouarneau
(Finistère), ceux de sainte Brigitte sur une grosse pierre qui
émerge de la rivière près de la chapelle de ce nom en Plouvenez.
Dans une île de la Charente, une pierre transportée par sainte Madeleine a gardé l'empreinte de ses pieds, et les pantoufles de la sainte voyageuse sont marquées sur un rocher très dur, à cinq cents mètres de la rive gauche de la Vienne.
Plusieurs traces commémorent l'arrivée des saints dans le pays qu'ils évangélisèrent.
Lorsque saint Méen débarqua à Port-Briac-en-Cancale,
l'empreinte de son pied resta gravée sur une vaste pierre;
il se pencha, et quelques grains du chapelet qu'il portait à sa
ceinture y firent aussi de petites dépressions.
Saint Paul Serge a aussi marqué ses deux pieds et son bâton
sur un rocher de l'étang de Bages, où il aborda quand il vint
prêcher l'Evangile dans le pays narbonnais;
saint Gildas à Préfailles, saint Lunaire au Décollé,
saint Cast sur le rivage du pays qui porte son nom, laissent aussi sur
le roc des témoignages de leur arrivée.
Quelques dépressions ont été volontairement produites par des saints pour convaincre des incrédules de la véracité de leurs paroles.
A Saint-Cast, le saint dont cette paroisse a pris le nom frappa fortement un rocher pour confondre le seigneur du pays qui lui demandait un miracle, et il y imprima son pied, montrant ainsi qu'il était véritablement un envoyé de Dieu.
Une pierre auprès de Saint-Clément-de-la-Place (Maine-et-Loire)
présente la forme grossière d'un pied.
Saint Jean, après avoir réglé la dépense faite pour
son repas, fut soupçonné de s'en aller sans avoir rémunéré
son hôte;
celui-ci courut après lui, et le saint, pour se justifier de ce
reproche, s'écria :
« Il est aussi vrai que j'ai payé, qu'il est vrai que mon pied
sera gravé sur cette pierre. »
Son désir s'accomplit, et l'hôtelier, à la vue de
ce prodige, s'en retourna chez lui où il retrouva l'argent de
l'Apôtre.
A des miracles ou à des services rendus au pays se rattachent aussi des dépressions;
lors de la construction du pont d'Etel, le diable, auquel saint Cado
avait livré un chat au lieu d'un homme, voulut démolir
son ouvrage;
saint Cado se précipita pour l'arrêter, mais il glissa, et l'on
montre sur une pierre la glissade de saint Cado, que l'on a entourée
d'une grille.
Les efforts violents que firent des personnages sacrés, auxquels
on attribue des sauts miraculeux, sont attestés par plusieurs
dépressions.
Le diable ayant proposé à saint Martin de jouer au jeu des «
trois sauts » la possession de la partie de la Provence entre Toulon et
Saint-Nazaire, le saint qui avait a franchir des vallées prit un élan
tel qu'au troisième saut son pied s'imprima dans les rochers au-dessus
de la Kakoye où il y laissa une dépression de soixante centimètres
de longueur.
Dans la Haute-Loire, le même saint, persécuté par
le démon, gravit la pente d'un rocher, et y imprimant la trace
de ses pieds, franchit d'un saut une immense distance.
On voit aux environs de Dinan des marques du passage de saint Valay
dans cette contrée où plusieurs lieux portent son nom.
Un jour qu'il fuyait devant les femmes de la rue Saint-Malo, qui voulaient
le lapider, elles arrivèrent presque en même temps que lui
au bord de la vallée des Réhories;
il invoqua Dieu, et prenant son élan, il alla retomber, de l'autre côté
du vallon, sur un rocher où l'on montre encore ses pieds gravés
en creux.
Comme les femmes le poursuivaient toujours, il s'élança
à nouveau, et traversant la Rance, il alla tomber à Lanvallay,
où il laissa une autre trace.
Ces empreintes ne se lient pas toujours à des bonds à
travers l'espace.
Lorsque saint Cornély arriva au Moustoir, près de Carnac,
il entendit une femme jurer et un fils insulter sa mère;
il en fut si attristé qu'il fit un saut en arrière, et
dans ce mouvement de recul, il appuya si fortement le pied sur une grosse pierre
que la marque y est restée.
Le diable a, moins souvent que les saints, laissé l'empreinte
de ses pas, et elle n'est pas toujours expliquée par une légende.
Son pied se voit en creux sur une grande pierre plate au bord
de la route de Trégunc, à la chapelle de saint Philibert;
on le montre au Haut-Donon et à Charlemont;
à Dhuizel, canton de Braine, une grosse roche plate, près de laquelle
on rendait la justice, était appelée Pas du Diable
ou Chaise du Diable;
à Soullans (Vendée), il a imprimé ses griffes sur
le menhir de la Vérie qu'il a aussi percé d'un coup de
corne.
Lorsque Satan, vaincu par saint Michel, s'élança du Grand-Mont sur le Petit-Mont, où il voulait construire un palais, il calcula mal son effort et vint tomber sur un roc énorme où son pas et ses cornes sont restées gravées.
Au petit village d'Aragon, on montre le pied fourchu de Satan qui, étant venu tenter saint Loup, frappa violemment la pierre en voyant que ses séductions étaient impuissantes.
Une excavation naturelle dans la Roche du Diable, à Ercé-en-Lamée
(Ille-et-Vil.), est la marque du talon de Satan.
Il venait jadis s'y reposer en contemplant ses domaines;
chaque fois qu'il y était, il essayait de s'élancer jusqu'aux
Pierres grises, gardées par les bonnes fées.
Ses efforts étaient toujours vains, car il était retenu
sur son roc par une force invisible, plus puissante que la sienne;
alors de dépit, il frappait du pied et se précipitait dan la rivière.
Quelques héros carolingiens ont aussi profondément imprimé
leurs pas;
on fait voir celui de Roland sur une pierre à Roquecor (T. et
Gar.), son second pied se trouve à Saint-Amans, à trois
kilomètres de là;
en se rendant à Roncevaux, il a marqué sa botte sur un
rocher entre Louhoussoa et Itxassou.
Près de la chute de la Vologne, à quelque distance de Gérardmer,
on prétend reconnaître dans une excavation d'un bloc granitique
la trace du pied de Charlemagne.
Dans le Finistère, deux empreintes sont attribuées à des
personnages historiques modernes :
à Ploujean, sur les degrés d'une croix de pierre, un creux
qui ressemble à une chaussure creusée assez profondément
dans le roc est la trace qu'y laissa la duchesse Anne lorsque se rendant
à Saint-Jean-du-Doigt, elle descendit de sa litière;
près de Morlaix, Marie Stuart a aussi marqué son pied.
A Guernesey, des dépressions anthropomorphes se lient à la légende
de la course pour la délimitation d'un territoire.
Non loin des bords de la baie de Rocquaine, sur une grosse pierre engagée
dans la terre, se voient les marques de deux pieds placés dans des directions
opposées comme ceux de deux personnes qui viendraient l'une du
nord, l'autre du sud.
On raconte que la dame de Lihou et la dame de Saint-Brioc, ou suivant d'autres,
l'abbesse de La Haye, étant en contestation pour les limites de
leurs possessions territoriales, convinrent, pour trancher la question, de quitter
leurs demeures respectives à une certaine heure avant le déjeuner,
et de marcher jusqu'à ce qu'elle se rencontrassent.
L'endroit où aurait lieu cette rencontre devait être considéré
comme limite, et l'on y placerait un témoignage pour éviter des
disputes futures.
Suivant des récits recueillis surtout dans le Centre et dans le Midi, des jeunes filles, pour prouver leur innocence ou pour échapper à des persécuteurs, s'élancent d'une hauteur considérable, et retombent saines et sauves au bas de l'escarpement, grâce à la protection des saints, sur un rocher où, la plupart du temps, elles laissent une trace qui, pour les gens du pays, est celle de leurs pieds.
Le P. Gissey, dans son Discours historique de N.-D. du Puy (1627), parle
d'une pierre que l'on voyait auprès d'une chapelle dédiée
à saint Michel « en laquelle sont gravées deux
plantes de pieds, que l'on dit ordinairement avoir esté imprimées
par une pucelle, sautant du haut au bas pour tesmoignage de son pucelage et
virginité, ce qu'ayant faict par deux fois sans se blesser, à
la troisième, poussée d'un vent de vaine gloire elle se tua
».
D'après la tradition actuelle, ces pieds seraient ceux d'une jeune fille,
qui en butte aux médisances de ses voisins, s'était précipitée
dans la plaine, à 300 pieds au-dessous.
Elle réussit deux fois, grâce à la protection de
saint Michel, mais ayant fait par vanité une troisième
tentative, elle fut abandonnée par son protecteur et périt misérablement.
La même mésaventure est attribuée dans une région
voisine à une jeune fille de la Bourboule qui poursuivie par un
seigneur, et se voyant prête d'être atteinte, s'élança
de la Roche aux Fées, où l'on voit encore la marque de ses pieds.
Elle adressa une courte prière à la Vierge et ne se fit
aucun mal en tombant.
Les habitants de la Bourboule ayant mit le fait en doute, elle leur proposa
de recommencer, persuadée que la sainte Vierge renouvellerait
le miracle;
mais elle fut punie de sa témérité, et son corps retomba
en bouillie.
Au fond de la gorge de Coiroux, on montre sur le roc vif la trace des pieds
d'une pastoure qui, pour échapper à un berger trop galant,
se précipita du haut d'un rocher qu'on appelle le Saut de la Bergère;
elle n'eut aucun mal, mais peu après, poussée par l'orgueil,
elle assembla sur le roc tous les bergers de la contrée, sauta
de nouveau et se tua.
Une légende de l'Allier explique l'origine de plusieurs empreintes de
formes différentes que l'on voit réunies sur le Rocher
de la Chèvre.
Un loup ayant saisi une chèvre, la jeune fille qui la gardait accourut
pour la défendre;
le loup la saisit et la pressait sous sa patte, tandis qu'à belles
dents il déchirait sa proie.
Un religieux, qui venait de faire la quête, entend des cris lamentables,
et vole au secours.
Il somme le loup, au nom de Dieu, de lâcher sa proie.
La bête, docile à l'injonction, vient se coucher aux pieds du religieux
et se retire sans faire d'autre mal.
Dans la même heure, on trouva gravée sur le rocher où
se passait cette scène l'empreinte du pied de chacun des acteurs.
Bien que les cupules et diverses autres dépressions, qui affectent
une forme à peu près ronde, semblent devoir éveiller
l'idée d'un genou plutôt que celle d'un pied, les empreintes des
genoux de personnages légendaires sont relativement peu nombreuses :
à Getigné (Vendée), les cupules du Rocher aux Ecuelles
sont dues aux genoux et aux coudes de Gargantua;
à Nérignan (Gironde), une pierre porte l'empreinte du pied, des
genoux et du gourdin de Roland.
Deux cavités sur le piédestal d'une croix, près
de Passais (Orne), ont été formées par les genoux de la
Vierge qui s'y arrêtait pour prier quand elle allait à
la messe à Saint-Mars-d'Egrène;
celle de la cuisse de Marie se voit sur un rocher près de Moncontour,
où elle tomba de fatigue, lorsqu'elle fuyait la colère
d'Hérode.
Sainte Brigitte de Bretagne, poursuivie par un seigneur qui en voulait
à sa vertu, s'élança du haut d'une colline en faisant
le signe de la croix, et, soutenue par son bon ange, franchit d'un saut
le large vallon au fond duquel est l'étang de Kergournadec'h.
En retombant de l'autre bord, elle grava dans le roc vif deux trous qui emboîtent
parfaitement le genou, et que l'on fait voir près de la petite
chapelle qui lui est dédiée.
Au 18e siècle, on montrait à Dirinon les rochers où sainte
Nonne avait coutume de prier, et où l'on croyait voir l'empreinte
de ses genoux;
aujourd'hui on les attribue à une cause un peu différente;
les gens de cette paroisse, qui la reconnaissent pour leur patronne, ont une
grande vénération pour un petit rocher sur lequel cette
sainte, fugitive et sans asile, mit au monde saint Divy.
Au bas de la pierre est la trace des genoux de la mère et en haut
le creux dans lequel elle déposa son enfant;
car le rocher s'amollit comme de la cire pour servir de berceau au nouveau-né.
Près du Lion d'Angers, une pierre placée devant une croix
porte la marque de genoux, d'un bâton, et de pieds de cheval;
un cavalier qui passait près de cette croix, entendant sonner l'élévation
de la messe de minuit, descendit de cheval et vint s'agenouiller sur
cette pierre;
suivant d'autres, ces empreintes sont dues à saint Martin de Vertou,
fondateur de l'église du Lion d'Angers.
Les marques attribuées à la pression de la tête sont assez peu communes, et, à part un petit nombre, ce sont celles de personnages sacrés.
L'un des trois creux du dolmen de Miré, en Anjou, a été produit par la tête de la fée qui l'apportait.
Les géants qui érigèrent le menhir de Gouffern laissèrent sur l'une des ses faces la marque de leur tête et de leurs épaules.
A Plerguer, le diable, dans l'effort qu'il fit pour emporter une pierre destinée à la construction du Mont Saint-Michel, y a gravé sa tête.
Saint Arnoux a marqué son crâne sur le roc qu'il avait pris pour oreiller dans la grotte de Tourette-les-Venues (Provence).
Le polissoir de Pierre de saint benoît ou Pierre qui pleure, non loin de Saint-James (Manche), conserve l'empreinte de la tête et des côtés du saint qui s'y coucha.
Un capucin enfermé dans la grosse tour de Ham s'était tellement endurci aux privations de toute nature que la pierre, qui lui servait de chevet, céda sous le poids de sa tête, et l'on y voit gravés son visage et son oreille.
On a relevé un assez grand nombre de trace de mains ou de doigts de personnages légendaires.
Sur le dessus de la table de la Maison des Fées à Miré, trois creux sont les empreintes des mains de la fée qui l'a apporté pour couvrir le dolmen.
La fée d'Argouges (Bayeux), en quittant ce château, avait gravé sa main au-dessus de la porte d'entrée;
à Pourtoué-sur-Ayze (Hte-Savoie), une cavité sur la Pierre Morand a été produite par un coup de poing que le géant Morand donna à ce débris calcaire après l'avoir transporté sur ses épaules.
Un dolmen, près de l'Ile-Bouchard (Indre-et-Loire), conserve la marque
du pouce de Gargantua;
ce même géant a imprimé sa main sur une pierre à
bassins de Baillé qu'il arracha pour se défendre des chiens;
aux environs d'Annecy, on la montre à droite et à gauche de son
fauteuil.
Les basques expliquent par une légende la présence d'un
rocher isolé, de vingt mètres de hauteur, sur la pente
gazonnée de la montagne près de Lacarry.
Lorsque Charlemagne arriva avec Roland à la ville de Tardets,
où commence la montée des Pyrénées, Roland voulut
intimider les ennemis par un coup de vigueur;
Il monta jusqu'au sommet de la Madeleine, et, empoignant une grosse pierre,
il prit position pour la lancer par-delà les montagnes sur les villages
espagnols.
Mais pendant qu'il ramenait son bras en avant, son pied glissa sur la
terre humide et la force du coup fut amortie.
La pierre tomba en deçà des Pyrénées, sur l'Anthoule,
territoire de Lacarry, à douze kilomètres de là, et y resta.
Elle a conservé la marque des doigts de Roland.
Les empreintes des doigts des saints semblent en assez petit nombre et il en est quelques-unes, comme celle de la main de saint Agathon, près du bourg des Côtes-du-Nord qui porte ce nom, de la main de sainte Odile sur le rocher Hetzogand, entre Bitche et Wissembourg, dont la légende n'a pas été recueillie.
Le polissoir de la Pierre aux dix doigts, à Villemaur (Aube),
conserve la trace du passage de saint Flavit qui, étant berger,
se coucha contre elle;
lorsqu'il voulut se relever, il s'aida en appuyant ses mains dessus, et ses
doigts y sont restés gravés.
A Louannec, saint Yves, pour parer un coup de bêche, porta la main sur la dalle d'un dolmen où on la voit encore en creux.
Près de la fontaine qui se trouve sur la montagne de sainte Odile (Vosges),
on voit dans la roche trois entailles profondes dans lesquelles on peut
entrer la main par une ouverture moins large que l'intérieur;
c'est la marque des doigts de sainte Odile qui se retint après
ce rocher, fuyant pour échapper aux ordres du duc Alaric, son
père, qui voulait la forcer au mariage, tandis qu'elle voulait consacrer
sa virginité au Seigneur.
(Voir légende de Sainte Odile et chanson, page 20
- n° 393)
La trace des mains du diable que l'on montre en un grand nombre d'endroits est expliquée par des traditions.
Dans les creux d'un bloc naturel à Plerguer, dit le Château
du Diable, on fait voir une main ouverte, la partie supérieure
d'une tête et un poing;
ils constatent l'effort que fit Satan lorsqu'il essaya de l'emporter pour construire
le Grand Mont.
Les griffes et le dos de Satan sont marqués sur un rocher
posé sur un autre près d'Uchon, appelé Pierre du Diable,
sur lequel la mousse ne pousse jamais.
Il la transportait afin de servir de clé de voûteà un pont,
lorsque le fiancé de la jeune fille, qui lui avait été
promise pour son salaire, fit chanter le coq avant l'heure, et
le força à laisser tomber son bloc.
Satan, poursuivi par sainte Enimie, courait à toutes jambes dans
la gorge du Tarn, et comme la sainte ne voulait pas le laisser approcher, elle
fit une prière fervente qui eut pour résultat de faire ébouler
sur le dos du diable un énorme pan de roche.
Mais il existait une fente dans le lit du Tarn, dont le malin profita
pour regagner les enfers;
et l'on montre comme preuve de son passage, l'empreinte de sa griffe
sur une des roches que la sainte avait fait crouler sur lui.
Les griffes du diable sont aussi marquées à Jerbourg sur un gros bloc de quartz blanc, et ce serait la trace qu'il laissa lorsqu'il emporta, suivant la Chronique de Normandie, le duc Richard.
Des légendes explicatives s'attachent à des dépressions dans lesquelles on peut voir une sorte de moulage à peu près complet d'un homme qui s'y serait étendu.
Dans le Jura bernois, près de la chapelle du Vorbourg, on montre une
excavation dans la roche qui ressemble assez à l'empreinte qu'un corps
humain aurait laissée en se couchant sur le flanc gauche.
Le démon occupait l'emplacement du sanctuaire et le pape Léon
IX le chassa en bénissant la chapelle (1049);
mais le maudit, désirant y rentrer après le départ du pape,
alla se réfugier derrière la tour Sainte-Anne et se coucha sur
un banc de rocher qui s'amollit sous sa pression.
Une autre tradition dit au contraire que ce fut la pape qui, se méfiant
des intentions de l'esprit des ténèbres, et craignant son retour,
alla le guetter sur cette même roche.
Le roc, sensible à cet honneur, s'amollit, et la forme du pontife
y est restée gravée.
Au sommet d'un énorme bloc près d'Uchon que l'on met en mouvement avec l'épaule, des creux figurant grossièrement un crucifix passent pour être l'empreinte du corps d'un saint, martyrisé par les Juifs en cet endroit.
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