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Les rochers qui, vus à une certaine distance et sous un éclairage particulier, éveillent l'idée d'une figure humaine, ont provoqué sous des latitudes variées des « histoires pour expliquer », suivant l'ingénieuse définition que Tylor a donnée des légendes qui s'attachent aux phénomènes dont la raison échappe aux primitifs et aux demi-civilisés.
On en rencontre plusieurs exemples dans l'Antiquité;
c'est ainsi que la femme de Loth avait été changée
en statue en punition de sa curiosité;
Niobé avait éprouvé une métamorphose analogue
:
(A la suite du meurtre de ses enfants par Apollon,
elle resta pétrifiée de douleur jusqu'à ce qu'elle soit
transformée en rocher).
Dans les pays montagneux, où de gros blocs émergent presque verticalement du sol, il n'est pas rare d'en rencontrer qui, vus sous un certain angle, font songer à un buste ou à une statue.
Non loin du château de la Roche-Lambert, dans la Haute-Loire, un roc
qui dessine une tête vue de profil a reçu le nom de Gargantua,
probablement à une époque récente;
le Rocher Corneille, près du Puy, est appelé Tête de
Henri IV;
en Suisse, on montre la Tête de Calvin qui surmonte une haute roche
des bords du lac de Chailleson;
sur la rive septentrionale du lac de Nantua, Maria Mâtre fait le
couronnement d'une masse rocheuse qui rappelle une tête humaine vue de
côté;
la ressemblance est complétée par un trou au travers duquel
on aperçoit le ciel, et qui forme l'il.
Suivant une tradition locale, ce rocher anthropomorphe ne serait pas un simple
jeu de la nature :
une jeune châtelaine, nommée Marie Marte, retrouvait la nuit son
amoureux au milieu du lac de Nantua où ils arrivaient en
bateau, chacun partant de la rive opposée;
une nuit d'ouragan, la barque de la jeune fille chavira, et elle se noya
:
en souvenir de son amie, le jeune homme sculpta ce rocher et lui donna
forme humaine qu'il nomma Maria Mâtre.
(Dans le pays, où cette roche est très
populaire, on endort les enfants en leur chantant une complainte sur cette histoire).
Il est rare que les blocs anthropomorphes portent le nom d'un saint;
cependant sur un rocher isolé sur la partie orientale d'une montagne
appelée Tracos, à quatre lieues de Clermont-Ferrand, qui
de loin présente la forme d'une statue, est appelée saint Foutain
par les habitants.
En effet, en se plaçant dans la plaine qui est au nord ou au nord-ouest
de Tracos, on s'aperçoit que saint Foutain a des formes phalliques
énergiquement prononcées.
Ces roches éveillent plus souvent l'idée de moines ou
de femmes :
leur partie supérieure, à laquelle les érosions ont assez
fréquemment donné une forme conique, dessine sur le ciel un capuchon
ou une coiffe, et celle qui tient au sol peut, sans grand effort d'imagination,
passer pour une robe.
Dans le voisinage de Pleigne, la « Fille de Mai », roche
d'environ 33 mètres de hauteur, a une tête de femme coiffée
d'un pin sylvestre, et la partie supérieure du buste est apparente,
tandis que le reste du corps se cache pudiquement dans le feuillage.
Lorsqu'on la regarde de face ou de profil, on est étonné
de voir une tête et un corps de femme aussi bien de près que de
loin.
Près de l'ancien prieuré de Vaucluse, un rocher qui ressemble
à une femme assise est connu sous le nom de la Femme de Bâ;
on l'a en quelque sorte personnifiée, et l'on dit communément
:
« la Femme de Bâ met ses habits blancs au coucher du soleil,
il fera beau demain »
ou
« la Femme de Bâ met ses habits noirs, il pleuvra
».
Plusieurs de ces jeux de la nature, disposés trois par trois, ont fait songer à des réunions de personnages féminins, et ils sont parfois l'objet de légendes explicatives.
Non loin de Siroz, un groupe de rochers, à quelque distance de piliers bizarres qui sont, dit-on, le séjour de la Mère Lusine, est désigné sous le nom de « les Trois Commères ».
En face du château d'Oliferne, trois pointes de rocher s'appellent les
Trois Damettes;
c'est la métamorphose des trois filles d'Oliferne, qui, faites
prisonnières, furent enfermées dans un tonneau rempli de
clous, dont la pointe était tournée en dedans, et
qui furent ensuite précipitées du haut de la montagne;
chaque nuit elles s'en détachent pour aller visiter leur ancien séjour.
Des rochers à pic, près de Saint-Nizier, qui, de loin, ressemblent
à des statues, s'appellent les « Trois Pucelles ».
Jadis trois jeunes filles, poursuivies par des mécréants, invoquèrent
saint Nizier;
aussitôt elles furent changées en trois blocs énormes
et la terre s'ouvrit pour engloutir leurs persécuteurs.
On dit qu'elles l'avaient un peu provoqué par leur coquetterie,
et que le saint les a métamorphosées pour les en punir.
Les Tres fados, les trois fées, sont des roches verticales
sur le mont de la Bouisse, près d'Entraunes (Alpes-M.);
avant d'être pétrifiées, ces dames malveillantes envoyaient
des orages sur les campagnes voisines.
En Corse, où les métamorphoses de personnages ou d'animaux sont fréquentes, plusieurs se produisent à la suite d'une malédiction, comme celle qui suit.
Un jour qu'une fille indolente, sourde à l'appel de sa mère,
s'amusait à cueillir des fleurs, au lieu de rapporter au logis
les draps séchés d'une lessive, la mère lança une
imprécation terrible :
« Anche un secchi tu mai più, tu et li to panni ! Puisses-tu
sécher éternellement, toi et ton linge ! »
Et la fille fut changée en rocher blanc qui éveille l'idée
d'une forme féminine.
Les rochers auxquels leur aspect a fait donner le nom de moines sont
nombreux.
A Moutier Haute-Pierre, une aiguille haute de quarante pieds est le Rocher
du Moine et les enfants de la vallée le saluent du titre de grand-père.
Au milieu du bois de Morteau, un monolithe debout sur un banc
de pierre représente un moine, le capuchon sur le front, et l'on raconte
qu'au moment où le peuple de ce pays commençait à se relâcher
de sa première ferveur, un moine qui s'était retiré dans
cette solitude demanda au ciel de donner un signe durable pour rappeler
à qui les gens devaient leur première instruction.
A la place même où il avait fait cette prière, on vit apparaître
cette statue.
Il est probable que cette légende a subi un arrangement, dû à
une influence cléricale.
D'ordinaire, ces moines de pierre sont métamorphosés en punition
de leurs péchés.
Un rocher colossal, dont la silhouette est celle d'un moine en prière,
se dresse en face des ruines du prieuré de Glény (Corrèze).
C'est un religieux ainsi transformé par la colère divine,
pour avoir refusé de sauver, en exposant sa vie, les cloches du
monastère menacée par un incendie.
Les deux roches blanches que l'on montre, près de la petite ville de
Bielle, furent un trappiste et une nonne qui se rencontraient
presque toutes les nuits dans une clairière du Bois-Joli;
ils étaient décidés à respecter leurs vux,
et le soir où pour la première fois leurs lèvres se touchèrent,
ils résolurent de ne plus se revoir;
mais quand ils voulurent se séparer, ils n'étaient plus
que deux pierres insensibles à jamais.
C'est à des punitions célestes qu'est due la métamorphose en rochers de personnages impies ou méchants.
Un berger qui faisait paître ses moutons dans la plaine élevée
et couverte de bruyères, qui sépare le village d'Ortho de la vallée
de l'Ourthe, refusa de donner un gobelet d'eau à un pèlerin
mourant de soif, qui l'implorait au nom de saint Thibault, très
vénéré dans le pays.
Le pèlerin ayant été s'asseoir vingt pas plus loin, il
le menaça de son bâton, puis, comme il s'éloignait
trop lentement à son gré, il prit une pierre et la lui
lança;
la pierre, rejetée par une main divine, revint sur le misérable,
qui fut, à l'instant même, pétrifié avec son
troupeau;
ce sont les pierres de Mousny, et le pèlerin lassé était
Jésus-Christ lui-même.
Une légende de Guernesey dit en quelle circonstance une roche prit un aspect anthropomorphe.
La Roque Màngi, aujourd'hui détruite, était une
formation naturelle que l'on voyait dans les dunes de sable de la côte
N.-E.;
elle se composait d'une masse rocheuse de huit à dix pieds de
hauteur, surmontée d'une grosse pierre reposant sur la partie
la plus étroite de l'autre, et qui, à une petite distance ressemblait
à un géant pétrifié.
Les paysans du voisinage racontaient que le diable, ayant un jour querelle
avec sa femme, l'attacha par les cheveux à la pierre étroite
et que dans ses efforts pour s'en dégager en tournant à droite
et à gauche, elle usa le granit solide qui fut réduit au
cou étroit qui supporte la tête.
Des animaux changés en rochers sur le bord des lacs qui recouvrent des villes englouties, ou que l'on fait voir sous leurs eaux, attestent des vengeances divines.
D'autres animaux, soit en compagnie d'hommes, comme les chiens de chasses
de pierre de Plessé, de Guémené-Penfao, dans la Loire-Inf.,
de Tréhorenteuc dans le Morbihan, soit seuls, ont éprouvé
la même métamorphose.
Deux gros blocs à peu près semblables sur le plateau de Campotile,
en Corse, sont les bufs du diable que saint Martin pétrifia,
pendant que Satan, outré de n'avoir pu réparer le soc de
sa charrue, lançait son marteau en l'air;
une pierre posée dessus horizontalement est leur joug.
Suivant une autre version, le diable labourait cet endroit pour que les
troupeaux ne puissent y pâturer;
saint Martin avait, par une prière, fait briser le soc de la charrue,
mais le diable en forgea un autre si solide qu'il fendit le roc sans
s'émousser.
Le saint récita douze douzaines de rosaires et ne parvint pas à
le mettre hors d'usage, mais à la treizième, les bufs
s'arrêtèrent court et ils furent changés en pierre.
On montre au-dessus du village de Montgaillard un rocher en forme de vache
:
c'est la vache d'Arize qui, après avoir indiqué aux hommes
la source de Barèges, fut ainsi métamorphosée.
Quelquefois, le peuple frappé de la ressemblance que certains amas de rochers présentent avec des constructions, voit en eux les débris de villes anciennes ruinées dans des circonstances merveilleuses.
Les blocs semés sur les flancs d'une colline, près de
Villefranche-sur-Saône, sont les restes d'une cité maudite,
séjour actuel des fées et des revenants.
Chaque année, lorsque sonnent les cloches au milieu de la nuit de Noël,
une longue procession sort des profondeurs de la ville détruite et erre
parmi les ruines;
le vivant assez hardi pour se joindre à elle serait infailliblement
frappé de mort.
Les pâtres de l'Aveyron avaient peur de s'approcher d'un jeu de
nature situé non loin de Millau et appelé la cité du diable
ou Montpellier-le-Vieux;
ils s'imaginaient qu'elle avait été bâtie par une race de
géants et détruite ensuite par le démon.
D'après une tradition locale, les pierres gigantesques qui hérissent
les collines de Poullaouen sont les débris du palais d'Arthur,
sous lesquels ce monarque enfouit ses trésors en quittant la Bretagne;
le diable et ses fils le gardent :
on les a vus rôder sous forme de follets, et si quelque téméraire
veut rechercher les richesses, ils l'épouvantent par leurs cris.
D'autres pierres ont des formes qui constatent leur assimilation à des meubles ou à des ustensiles.
A Beuzec-Cap-Sizun, une roche isolée, affectant la forme d'un bateau,
complètement détachée du sol et ne reposant que
par quelques points sur une pierre plate, comme un navire sur son chantier,
est le bateau sur lequel saint Conogan traversa la mer.
Ce qui complète l'illusion, c'est que, à quelques pas de là,
une pierre plus petite a la même forme et semble avoir dû
servir de chaloupe au bateau.
Dans la vallée d'Eyne, au sommet d'un contrefort du Cambre d'Ase, des roches blanchâtres qui, vues de loin, ressemblent à une lessive, sont appelées tovallos (serviettes) et les paysans racontent que les fées, fatiguées de voir que l'on mettait constamment leur linge au pillage, prirent la résolution de le pétrifier.
Sur le plateau de Beauregard en Poitou, un assez grand nombre de rochers naturels et presque de même grosseur, disposés en lignes symétriques, seraient, suivant la tradition, des gerbes de blé que saint Martin auraient pétrifiées pour punir les habitants qui, malgré ses observations, travaillaient le dimanche.
Les voisins de la butte de Crokélien, près de Gouray (C.-d'A.),
donnent à plusieurs gros rochers, en raison de leur aspect, les noms
de divers meubles ou ustensiles.
On y voit, disent-ils, le parapluie des Margot-la-Fée, le berceau
de leurs enfants, l'auge de leurs bufs, etc.
Certains blocs naturels, de forme plate et arrondie, éveillent sans
bien grand effort l'idée de projectiles ayant servi à des
jeux de géants.
Beaucoup portent le nom du plus célèbre d'entre eux.
On montre, sans les accompagner de légendes explicatives, des Palets
de Gargantua, à Luynes (I.-et-L.), où une plus petite lui
a servi de bouchon, aux Garrigues de Cansayes, près de Divonne-Arbères,
au pays de Gex, etc.
Parfois on raconte en quelles circonstances ces prodigieuses amusettes
sont arrivées aux endroits où elles gisent à présent.
C'est en jouant au palet du haut du mont Ceindre que le géant
projeta jusque dans la plaine dauphinoise la Pierre fite près
de Vaulx-en-Vélin;
un autre jour il prit sur une des collines, entre lesquelles coule le Furans
près d'Arbignieu (Ain), un bloc erratique, et il le lança
jusque près de Thoys, ou on l'appelle la Boule de Gargantua.
A Sallanches (Hte-Savoie), il lança d'un coup de pied un rocher plat, en forme de galette, qui est collé à la montagne.
Les Jetins des bords de la Rance, nains très petits, mais
d'une force prodigieuse, se sont amusés à jeter dans les
champs les grosses pierres qu'on y remarque;
on prétend même que c'est en raison de cet acte qu'ils portent
leur nom.
Le Faix du diable, à Saint-Martin-du-Puy (Nièvre), se
composait de trois blocs de granit que le diable avait apportés
pour fermer, pendant la messe, les trois portes de l'église;
le plus gros était sur sa tête et les deux autres sous chacun des
ses bras.
Mais à un demi-kilomètre du bourg, il vit les paroissiens qui
sortaient, et, désappointé, il abandonna son fardeau.
Plusieurs blocs ont été laissés par des personnages qui avaient trop présumés de leurs forces, ou qui éprouvèrent quelque accident.
Un rocher colossal en forme de tour, appelé Pierra Metta, qui
domine une longue cime en face des Grands-Plans, y a été porté
par un géant qui est nommé Gargantua par les traditions
savoisiennes.
Fatigué de ce fardeau, il le déposa un instant, mais il lui fut
impossible de le soulever de nouveau.
En Savoie, un bloc erratique, voisin du château de Boisy, y est tombé parce que le diable qui joutait avec saint Martin, ayant voulu le lancer sur la cure de Nernier, fut paralysé par un signe de croix de saint Martin.
Plusieurs blocs des environs de Semur (Côte-d'Or) sont tombés du tablier de sainte Christine, dont l'attache se rompit, par une mésaventure qui arrive assez fréquemment aux fées bâtisseuses de monuments préhistoriques.
Deux légendes basques racontent que les Lamignac, pour se venger des paysans, comme Gargantua des cornouaillais, couvrirent leurs champs de blocs énormes.
Une plaine, près de la rivière du Chéran, est jonchée de petites pierres en si grand nombre que les laboureurs n'ont jamais pu les faire disparaître, et ils disent que ce sont les os d'une fée qui, morte au château de Bramafan, et enterrée près de là, se changent en pierres.
Quelques années avant le milieu du 19è siècle, on montrait
à Saint-Pierre-Duchamp une dalle gigantesque posée debout,
qui y avait été apportée par des esprits invisibles;
on l'appelait La tsadaïre de la Damma.
Lorsque, dans les nuits d'hiver, les voyageurs ne distinguaient plus leur chemin,
et couraient le risque d'être engloutis dans la neige, une femme
vêtue de blanc venait s'asseoir en cet endroit et chantait en s'accompagnant
d'une harpe.
Sa voix s'élevait par intervalles plus haut que celle de la Loire
et faisait entendre par-delà le fleuve un cri de mortel désespoir.
Plusieurs récits du bord de la mer racontent en quelles circonstances les falaises ou les rochers prirent la couleur qui les distingue de ceux du voisinage.
Des taches rouges sur une des pierres d'une fontaine à Vieille
Brioude sont les gouttes de sang de saint Julien qui y fut décapité;
une marque blanche sur un rocher près de Moncontour-de-Bretagne
a été produite par une goutte du lait de la Vierge;
un polissoir appelé Pierre de saint Benoît à Saint-James
a des veines roses que certains paysans regardent comme les veines
du saint qui aurait été pétrifié en cet endroit.
Le peuple associe aux gros rochers, comme à tous les phénomènes
propres à exciter l'étonnement, des personnages légendaires,
dont il raconte les gestes.
Parfois même il y place leur demeure.
Mais la plupart de ceux qui s'y montrent habitent des cavernes qui s'ouvrent
au-dessous ou dont l'entrée se trouve entre leurs fissures,
et qui, pour cette raison se rattachent au monde souterrain dont il sera parlé
plus loin.
Vers la partie centrale des Côtes-d'Armor, entre Lamballe et Moncontour,
on raconte que certains de ces jeux de nature servirent de résidence
aux Margot-la-Fée, qui plus habituellement vivaient dans des cavernes.
Dans les communes de Saint-Glen, du Gouray et de Penguily, on montre même
plusieurs endroits qu'elles ont habités autrefois.
Ils sont toujours situés à peu de distance d'un étang
ou d'un ruisseau :
ordinairement une grosse pierre plate, souvent large de plusieurs
mètres, émerge du sol et forme une espèce de plancher;
un rocher dont la base le touche s'élève au-dessus comme un mur,
mais présente une inclinaison suffisante pour garantir de la pluie
des gens qui seraient assis sur cette pierre plate.
Des empreintes, que l'on remarque dans leur voisinage immédiat,
sont celles des pieds ou des ustensiles des Margot-la-Fée,
des pierres creusées s'appellent leurs lits ou leurs berceaux.
Elles allumaient du feu sur les émergences plates que la partie
surplombante préserve de la pluie, et elles s'asseyaient, pour
se chauffer, sur de gros cailloux;
comme leurs homonymes des grottes, elles avaient des bestiaux, et leurs
gestes sont sensiblement les mêmes.
Les Martes, espèces de fées, mais très laides et malfaisantes, connues surtout dans la région du Centre, résidaient aussi quelquefois au milieu des blocs et également dans le voisinage de l'eau.
Les paysans appellent la Maison aux Martes une sorte de grotte naturelle, dans la commune de Cromac, près de la rivière, dont le plafond est formé par un banc de granit que d'autres blocs ont soutenu en l'air.
Les Martes étaient de grandes femmes brunes, aux bras nus ainsi
que la poitrine, dont les mamelles descendaient jusqu'aux genoux,
leurs cheveux épars tombaient presque jusqu'à terre.
Elles inspiraient le plus grand effroi aux paysans qu'elles poursuivaient
en criant
« Tète, laboureur ! »,
et en jetant leurs mamelles par-dessus leurs épaules.
Des fées s'asseyaient souvent sur le Rocher des Fées près de Saint-André-de-Valborgne (Gard), d'où l'on découvre la plus grande partie de la vallée.
Le bois de Nery, en Saint-Just-d'Avray, est parsemé de rochers bizarres,
dont les cavités portent le nom de Marmites et Ecuelles des Fées;
il était, vers le commencement du 19e siècle, couvert d'un bois
de chênes où les porcs allaient à la glandée.
Un soir, le plus beau revint, portant à son cou une bourse
bien garnie.
Le lendemain, les porcs furent envoyés au bois, mais celui qui avait
apporté la bourse ne reparut pas.
Les fées l'avaient payé généreusement d'avance,
et l'avaient pris pour leur cuisine.
Cette légende est racontée en nombre d'endroits, et on
l'attribue aussi à des fées qui habitaient l'amas des grosses
pierres appelé Pierre Scellée.
Une pierre plate, dans un pré vers Chazeuls (Fr.-Comté), est
toujours propre, parce qu'une fée vient en secret l'essuyer
tous les jours.
Elle recouvre le palais souterrain des fées de la Roche.
Les fées du Gard maniaient autrefois les lourdes pierres de la
montagne avec autant de facilité que si elles eussent été
de la laine, et les réunissaient en tas ou clapiers qui existent
encore.
Pourtant elles virent la vertu de leur baguette magique diminuer peu
à peu;
alors les pierres ne leur parurent plus aussi légères, et elles
disaient en les ramassant :
« Hâtons-nous, car elles deviennent pesantes. »
Dans le pays de Luchon, un grand nombre de pierres sont habitées
par des génies que l'on nomme incantades.
Quand le principe du bien et celui du mal étaient en guerre, certains
esprits ne voulurent prendre parti ni pour l'un ni pour l'autre.
Après sa victoire, Dieu garda avec lui les bons anges dans le
ciel, précipita les démons dans l'enfer, et pour punir les esprits
qui avaient gardé neutralité, il les exila sur terre, où
ils doivent se purifier par de fréquentes ablutions.
Ces esprits, moitié anges et moitié serpents, sont les incantades.
Chaque incantade habite une pierre sacrée;
il lui est défendu de s'en éloigner.
On en a vu, on en voit encore faisant leurs ablutions dans la source
voisine, y lavant leur linge plus blanc que la neige, et l'étendant
ensuite pour le faire sécher sur les rochers de la montagne.
Ces génies font parfois le bien, jamais le mal.
Si l'on en voit plus guère aujourd'hui, c'est que la plupart, s'étant
purifiés, ont pu retourner au ciel.
Le Cailhou de Sagaret est la demeure d'un génie ou incantade
qui entre et qui sort par le cintre qui surmonte la porte taillée
dans le granit.
Plus d'une fois on l'a surpris se baignant dans la source intarissable
ou y lavant son linge.
La nuit on l'entend chuchoter des paroles mystérieuses.
Nul ne s'approche de la pierre pendant les ténèbres;
mais le jour on va prier devant elle; on la touche avec vénération,
on applique ses lèvres contre son sommet pour parler au bon génie
et on colle son oreille pour entendre sa réponse, car il converse
avec ses fidèles.
On voyait la nuit errer aux environs d'une roche informe appelée
la Pierre des Fées près de Courgenay, dans le Jura bernois, un
grand troupeau de sangliers;
un cavalier tout noir les chassait, et les gens du pays avaient soin
de laisser aux environs de la pierre des bottes de foin pour la nourriture
du cheval de cet étrange chasseur.
Les gens de Bourseul (C.-d'A.) ne passent qu'en se signant auprès
d'une énorme pierre que l'on voit au bord d'un étang;
la nuit on entend sortir de dessus des gémissements et des coups;
et on les attribue aux efforts que font, pour se retirer de dessous,
les malheureux jetés jadis dans le trou qu'elle recouvre.
Il est assez rare que les gros blocs soient fréquentés par des
âmes en peine.
Cependant un moine est condamné à revenir une fois l'an
au rocher de la Belle de Mai.
Les vieillards disent qu'autrefois on dansait autour à la fête
des Brandons et à la Saint-Jean.
Un soir des Brandons, un jeune moine du couvent de Lucelle, originaire de Bourrignou,
s'arrêta à regarder les ébats de ses camarades d'autrefois.
Ceux-ci l'ayant reconnu, l'entraînèrent dans leur ronde.
La coraule se prolongea longtemps, et il dansa jusqu'à minuit
sonnant;
au douzième coup, le malheureux tomba épuisé et rendit
le dernier soupir;
depuis de siècles, il revient à l'anniversaire de sa punition,
à l'heure de minuit, au rocher de de la Belle de Mai, et danse tout seul
une ronde infernale.
Une voix rauque et terrible semble chanter la ronde que le moine, en un moment
d'oubli, a chanté jadis.
Un jeune homme audacieux voulut, dit-on, une nuit des brandons s'assurer
du fait et se rendit à minuit au rocher maudit.
Aussitôt une main glacée le saisit et le força, malgré
ses efforts désespérés, à danser avec le
revenant jusqu'au lever du soleil.
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