Flore

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Plantes (suite)

Dans la presqu'île guérandaise, on prétend que là où les sorciers ont dansé, un champignon pousse sous chacun de leurs pas.

Comme les carottes sont longues à germer, on dit en Franche-Comté qu'elles vont six mois en enfer avant de sortir de terre.


En Haute-Bretagne, si on va regarder son blé dans les champs avant le premier dimanche de mars, il sera exposé à ne pas pousser.
Dans le Gers, c'est entre la Saint-Jean et la Saint-Pierre qu'on place les trois nuits où il fait le plus de progrès;
mais il est dangereux de vouloir s'en assurer. On trouva mort le lendemain un paysan qui s'était blotti dans ses blés la nuit qui suivit la Saint-Jean, pour marquer la hauteur des épis.
Suivant la croyance de l'Albret, en sept soirs, les trois derniers jours d'avril et les quatre premiers de mai, le blé et le seigle croissent beaucoup plus qu'ils n'ont fait en sept mois.

 

Suivant les paysans girondins, les chardons coupés le jour saint Laurent, d'après ceux du Brabant wallon, entre les deux Notre-Dame, ne repoussent plus;
dans la Gironde, on croit les extirper en enterrant un chat vivant dans le champ envahi.

 

On dit un proverbe en Haute-Bretagne en parlant du chanvre :

Il faut chanter en le cueillissant
Ou les filandières s'endorment en le filant.

Il en est de même du lin, et il y a des chansons que l'on chante en faisant cette besogne.
Dans le Mentonnais, pour trouver des champignons, on doit mettre sa veste à l'envers.
En Gascogne, quand on en cueille un, on récite cette formulette :

Champignon, petit champignon,
Fais-moi trouver ton compagnon.


On ne rencontre l'herbe d'or qu'en Basse-Bretagne : l'aour-yeoten croît dans les plaines.
On l'aperçoit de très loin, elle brille comme de l'or;
dès qu'on s'en approche, elle cesse de luire, et l'on ne peut la trouver;
si elle est dans la rivière, elle nage contre le courant.
Celui qui parvient à se la procurer devient invisible à volonté, découvre les trésors, n'est jamais malade, etc.
On dit aussi qu'elle décuple les forces du travailleur, rend infatigable à la course, et, comme l'herbe au pivert, avec laquelle on la confond quelquefois à tort, donne l'intelligence du langage des animaux.

Actuellement, l'herbe du pic communique une force surnaturelle à ceux qui s'en frottent les membres;
il faut pour se la procurer épier attentivement le vol et les allures d'un pivert, et, lorsqu'on le verra s'arrêter près d'une herbe à laquelle il frottera son bec, on pourra se flatter d'avoir rencontré ce précieux talisman.
Il se trouve aussi quelquefois dans le nid même de l'oiseau;
cette herbe est, dit-on, en toute saison et à toute heure, couverte d'une rosée abondante.
Pour la cueillir ou pour l'arracher, il faut éviter de se servir d'un instrument de fer;
à son contact, elle perdrait toute sa vertu.

 

La croyance à l'herbe qui égare est très répandue :
au XVIIème siècle elle s'appelait « l'herbe de fourvoiement ».
Plusieurs plantes, que l'on redoute sans savoir quelle est au juste leur forme, font perdre le sens de la direction, ou font revenir sur leurs pas ceux qui ont posé le pied dessus.
Telles sont en Normandie « l'Egaire », en Saintonge « l'herbe maudite » appelée aussi « l'herbe des tournes »;
« l'herbe à adirer » connue en Anjou, où l'on raconte plusieurs histoires qui constatent sa puissance, « l'herbe d'oubli » en Haute-Bretagne, en Lorraine, etc.
En Basse-Bretagne, l'herbe, ar Iotan, est habitée par un esprit qui fait perdre le chemin;
elle répand la nuit une lueur phosphorescente égale à celle des vers luisants, mais on peut faire cesser sa puissance en retournant son vêtement;
dans le Léon, celui qui est monté sur l'herbe qui trouble la vue doit, pour retrouver sa route, changer ses sabots de côté.
En Franche-Comté, le dicton veut que l'on perde son chemin si on a marché sur du plantain.

 

On assure, dans le Bocage normand, qu'une herbe rompt comme du verre tout morceau de fer qui se trouve en contact avec elle;
en Haute-Bretagne, c'est l'anis qui le coupe, et le pivert qui s'y est frotté le bec traverse facilement les bois les plus durs.

L'hippocrepis comosa a, dit-on en Savoie, le privilège de déferrer les mulets, parce que sa gousse est contournée en forme de fer à cheval, et que la plante croît dans les endroits pierreux et accidentés.
Autrefois dans les environs de Genève, les anciens parlaient encore de l'herbe qui arrache les fers aux chevaux, à laquelle fait allusion un poète du XVIème siècle :

Si le printemps qui, prodigue, dessërre
Tous les trésors de ses gaies douceurs,
Au cerf blessé donne remèdes seurs
Et au cheval l'herbe qui le defferre.

 

Suivant des traditions assez peu communes, des herbes font comprendre le langage des animaux.
On raconte en Haute-Bretagne qu'un homme, obligé de s'arrêter pour un besoin pressant, arracha une poignée d'herbes, et entendit deux chiens qui dialoguaient.
L'un disait que des voleurs allaient venir la nuit pour voler son maître;
ce à quoi celui-ci répondit qu'il ne le défendrait pas, parce qu'il n'avait pas eu à souper.

 

La croyance à l'action des plantes sur les personnes a été vraisemblablement plus répandue qu'elle ne l'est aujourd'hui.
En Franche-Comté, on dit que la folie peut naître d'un séjour prolongé sur le serpolet.
Un dicton du Vaucluse : « les fèves fleurissent », était fondé sur le préjugé que la fleur de fève rend fou, parce qu'elle exhale une odeur forte qui porte à la tête.

 

Des proverbes qui visent des espèces non déterminées supposent qu'elle peuvent modifier la disposition d'esprit des gens qui ont été en contact fortuit avec elles.
On dit couramment d'un homme maussade :
« Il a marché sur une mauvaise herbe. »
Au XVIIIème siècle, comme de nos jours, on demandait par raillerie à un homme, pour lui reprocher la bonne ou mauvaise humeur où il était :
« Sur quelle herbe avez-vous marché ? »

La cueillette ou le simple attouchement des plantes attire aussi des conséquences fâcheuses.
Aux environs de Valence, la jeune fille qui manie la moutarde sauvage se battra avec sa belle-mère;
dans la Vienne, elle ne doit jamais toucher une violette blanche, parce qu'il lui est interdit de cueillir, avant d'être mariée, des fleurs blanches.
En Wallonie, on fait éclater la foudre en ramassant des coquelicots.

 

Certaines fleurs portent malheur à celui qui les reçoit ou à celui qui les donnent.
Dans le Nord de la France, les pensées blanches, qui sont un symbole de mort, ne doivent pas figurer dans les bouquets que l'on offre à des vivants;
à Marseille, on s'abstient de présenter des fleurs fraîches aux petits enfants, parce que cela rappelle celles qu'on met sur leur cercueil.

 

Suivant une croyance girondine, un oignon entamé laissé sur la table porte malheur;
en Poitou, on ne doit peler ni ail ni échalotes, ni pommes de terre le soir pour les faire cuire le lendemain, parce que ceux qui les mangeraient ne pourraient guérir s'ils venaient à être mordus par un chien enragé.
dans la même région, le maître de la maison où l'on brûle des trognons de chou est exposé à mourir.

 

Les plantes qui constituent une protection contre l'orage sont assez nombreuses :
en Wallonie, on fait bénir à l'Assomption des bouquets d'une variété de millepertuis appelée djèn fleur du tônir, et lorsqu'il tonne, on en jette une brindille dans le feu pour éloigner la foudre;
en Béarn, on y met également une certaine plante à fleur jaune, appelée periglade, mot qui signifie foudre;
en Bas-Armagnac, la pimprenelle cueillie à la Saint-Jean.
La présence seule de quelques herbes, cueillies lors de cette fête, préserve du tonnerre :
telles sont en Normandie la verveine, dans le pays de Caux le bouquet de marguerillettes de la Saint-Jean, coupé avant le lever du soleil, et placé sur le toit,
dans le pays de Spa et de Verviers les couronnes de marguerites qui y sont jetées après avoir été cueillies dans les mêmes conditions.
La joubarbe se rencontre souvent sur les maisons de la Limagne d'Auvergne, mais surtout sur le mur de clôture près de la porte d'entrée.

 

Plusieurs plantes sont efficaces contre les insectes nuisibles ou désagréables.
Dans les Vosges, la cendre d'un pied de fougère cueilli le matin de la Saint Abdon (30 juillet), répandue sur le plancher de la maison, en chasse les puces;
en Poitou ce sont les feuilles de menthe mises dans le lit.
Dans le même pays pour expulser les charançons d'un grenier, il faut y mettre une poignée de chebe verte.
En Lorraine, la fleur de colchique d'automne, qui y est connue sous le nom de veilleuse, est écrasée sur la tête des enfants qui ont beaucoup de cheveux, parce que l'on prétend qu'elle détruit la vermine que le peigne ne saurait atteindre.

 

En Roussillon, la verveine et le millepertuis, cueillis humectés de rosée, sont des remèdes souverains contre les maladies de peau;
un lépreux est sûr de guérir s'il va se rouler, le matin, dans un champ où poussent les plantes miraculeuses.

On disait autrefois que si l'on frotte la verrue avec le lait d'une feuille de pissenlit, elle sèche beaucoup plus vite.

On croit, dans la Suisse romande, que si on peut voir la fougère fleurir entre une et deux heures du matin, le mercredi des Cendres, on trouve un trésor avant la fin de l'année.

 

Suivant la tradition du pays de Liège, la mousse prise entre onze heures et minuit en pleine lune, à l'ombre d'un frêne, près d'un ruisseau et pendant que le coucou répétait trois fois son chant, était employée naguère par les laïques qui chassaient le diable.

 

Dans la vallée d'Aoste, on explique l'origine du pouvoir attribué en maints endroits au fenouil :
saint Joseph en prisait à Bethléem et à Nazareth;
depuis, il est béni en naissant et chasse les mauvais esprits.
En Béarn, on le regarde comme un remède souverain contre les sorciers;
le superstitieux en met dans les trous des loquets et des serrures en disant :

« Si passer par le trou cette nuit quelque sorcier veut,
fais-toi bien sentir, fenouil, et d'entrer il aura peur.
»

 

Dans le Gard, pour éloigner de l'écurie des porcs les animaux malfaisants, et ceux qui ont le mauvais œil, on y suspend un pied d'hellébore arraché au bord du chemin;
dans la Lozère, l'hellébore noir accroché aux râteliers, aux mangeoires, écarte les serpents suceurs et les salamandres;
dans la Côte-d'Or, l'hellébore ordinaire est mis dans les étables pour purifier l'air et empêcher les maladies, dans les poulaillers pour éloigner la vermine.

 

En Basse-Bretagne, le trèfle à quatre feuilles met en fuite le diable lui-même;
il ne damne personne parce que c'est toujours le signe de la croix.
Dans les Vosges, pour la même raison, il garantit de tous les enchantements;
celui qui l'a sur lui sans le savoir peut percer avec sa balle la peau d'un loup-garou.
Au XVIIème siècle, un trèfle à quatre feuilles trouvé sous le gibet était un talisman pour les joueurs, comme l'était naguère en Saintonge, le trèfle à quatre ou à cinq feuilles arrosé avec de l'urine de pendu.
Dans la Gironde, celui à quatre, cinq ou six feuilles est un porte-veine excellent, mais il arrive malheur à celui qui cueille ou conserve un trèfle à sept feuilles.
En Basse-Bretagne, ceux qui possèdent ce trèfle, l'épi à sept têtes ou le grain qui a passé dans la meule sans être moulu ou au four sans être cuit, voient ce qui reste caché aux yeux de la plupart des hommes.

 

Suivant une croyance très répandue, les esprits qui ont étourdiment renversé un vase contenant un grand nombre de grains d'une nature quelconque, mais petits, sont obligés, avant de pouvoir recommencer leurs espiègleries, de les ramasser et de les compter;
d'ordinaire ils y renoncent et l'on est débarrassé d'eux pour toujours.
En Corse, la besogne imposée au follet est accompagnée d'une sorte de conjuration.
On mélange par terre un sac de blé et un sac d'avoine, d'orge ou de riz et l'on dit à l'esprit :

« Tu vas me trier cela et mettre le blé dans le sac. »

Dans le Morbihan, il suffit de mettre du mil dans un récipient que le lutin bouscule en arrivant à l'étourdie;
comme il ne peut y replacer tous les grains avant le chant du coq, il ne revient plus.

Les habitants de la Montagne Noire posent aussi du petit millet sur une planche de l'étable;
le drac la fait tomber, et après avoir essayer vainement de la ramasser, il s'éloigne pour longtemps.

 

Dans le Maine, les champignons, presque tous confondus sous le nom générique de pis de chien, sont le venin de la terre, son mauvais sang qui sort en pustules;
aucun paysan ne consentirait à en manger.

Le cresson qui croît hors de l'eau passe en Poitou pour être vénéneux.

En Ille-et-Vilaine, la graine de chanvre mélangée au cidre, dans la Loire-Inférieure la feuille de laitue cuite, endorment profondément.

En Basse-Bretagne, il faut, pour se débarrasser de la teigne, se procurer une herbe nommée pao-bran, patte de corbeau (Hydrocharis) :
on l'obtient en descendant au fond d'un puits desséché un corbeau gris, que l'on retient trois jours prisonnier, en ayant soin, chaque matin, de lui crier avant le lever du soleil, qu'il n'aura sa liberté que lorsqu'il aura indiqué le remède.
Vers la fin du troisième jour, l'herbe se trouvera près du puits, car les frères du captif l'y auront apportée pour obtenir sa délivrance;
le malade s'en frottera la tête, tous les matins, à jeun, pendant une semaine entière et se trouvera guéri.

Les pêcheurs de la Manche disent que celui qui couche sur de la flèche (varech) y laisse son mal ou y prend la mort;
en Beauce, on se guérit du rhumatisme en dormant sur un lit de fougère.

Dans le pays de Tréguier, on met des matelas de flèche dans le lit des petits garçons malades, et des ballières d'avoine dans celui des filles.

Dans le Morvan, les vieilles femmes observent exactement pendant la journée les lieux où croît la verveine, et vont la cueillir au clair de la pleine lune de mai, en marchant à reculons.
Les feuilles de cette plante, appelée herbe d'efforts, étaient appliquées en cataplasmes sur les reins.

Les pêcheurs de la Haute Bretagne appellent gui marin une sorte de goémon qui croît sur le dos de certains crabes;
il guérit de l'épilepsie, à condition qu'il soit détaché le jour de Pâques, à trois heures du matin, par une personne ayant la conscience parfaitement nette.
Certains disent aussi que cette plante merveilleuse pousse sur la tête du grondin, et que la mer la rejette parfois sur le rivage.

Dans la Brie champenoise, au commencement du XIXème siècle, on faisait cesser les douleurs de l'œil en y passant quatre ou cinq fois un grain de blé que l'on accompagnait de certaines prières ou paroles magiques.

Dans les Vosges, quand on sent les premiers symptômes de la jaunisse, on creuse avec soin une carotte, et après l'avoir remplie de son urine, on la suspend dans la cheminée;
à mesure qu'elle sèche le mal se retire.

Le concombre mis de son long près d'un petit enfant qui a la fièvre, de même grandeur que lui, le délivre de sa maladie.

La racine de l'asperge appliquée sur la dent apaise la douleur, sèche et fichée aux dents, elle les déracine.
Dans le Morvan nivernais, on y applique une racine de fraisier.

Les paysans du Tarn-et-Garonne recueillent dans le cœur des chardons un vers spécial à cette plante qui, écrasé sur les gencives, est efficace contre le mal de dents.

La rue passe pour faire avorter les femmes enceintes, et on assure en maints endroits qu'il est défendu par la loi d'en cultiver dans son jardin.
Au jardin des Plantes de Paris, on a été, dit-on, obligé d'entourer le pied spécimen de cette plante d'une grille en fer pour empêcher les filles enceintes de le dévaliser.

En Franche-Comté, la jeune fille curieuse de voir en rêve celui qui sera son mari doit placer sous son oreiller, avant de se coucher, une feuille intacte de pissenlit.

Les choux sont fréquemment associés aux coutumes matrimoniales;
Dans le Castrais, les jeunes gens les dérobent pour en faire une soupe qui est servie aux mariés dans le courant de la soirée;
s'ils n'étaient pas volés, ce serait manquer à l'usage.
Dans la creuse, la poule qui a été promenée partout est assommée le soir avec un chou;
le chou et la poule cuits ensemble sont portés aux époux quand ils sont au lit.


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