Origine : Flandre
Année de l'arrangement : 2003


 

Genevova*


Daer was een edel Paltzgravin,
Den Graef die stond in haren zin :
Maer die haer deugd benyde,
Was Golo, die uyt geile min
Haer meende te verleyden.
etc.


Traduction

Geneviève de Brabant

1.
Il y avait une noble Comtesse palatine** qui aimait beaucoup son mari.
Mais sa vertu excita l'impure passion de Golo, qui résolut de la séduire.

2.
Après avoir résisté par toute sorte d'efforts, elle lui donna un soufflet, humiliant.
Dans l'excès de sa fureur, il s'écria : « Je le jure, je me vengerai de cet affront. »

3.
Il suborna deux vils serviteurs de la cour et les poussa à diffamer la Comtesse et à réduire à rien son honneur, sa vertu, sa foi et sa réputation.

4.
Vint un noble seigneur ; ils le conduisirent au salon auprès de la Comtesse.
A peine y fut-il, Golo, plein de rage et de furie, lui perça le cœur.

5.
Il appela des témoins et dit :
« J'ai tué cet infâme après l'avoir surpris avec la comtesse. »

6.
Il écrivit en termes hypocrites au Comte que son épouse avait honteusement manqué à sa foi.
Le Comte partit du camp, arriva en toute hâte et voulut brûler son château.

7.
« Non, se dit-il ensuite, cela ne peut être ; ce n'est sans doute qu'une fausse apparence, une machination du méchant Golo. »
Mais Golo répondit : « Je vais vous en fournir la preuve. »

8.
Il amena près du Comte une sorcière qu'il avait soudoyée et qui raconta que la Comtesse, à la honte de toute la cour, avait manqué à son devoir.

9.
Le comte, aveuglé par ces perfides paroles, fit conduire la Comtesse et son enfant dans une forêt, et dit à ses serviteurs :
« Hâtez-vous de les faire mourir. »

10.
Mais, voyez comme Dieu protégea son innocence.
Ses serviteurs dirent aussitôt : « Madame, ne tremblez pas ; restez ici dans ce bois avec votre enfant ; nous vous laissons la vie. »

11.
Le Comte crut son épouse morte.
La comtesse accablée de tristesse et de besoin, pensa mourir dans la forêt avec son jeune enfant qu'elle tenait dans ses bras et qu'elle couvrait de baisers.

12.
Elle s'écria : « Mon Dieu, venez-moi en aide, ou mon enfant doit mourir de soif.
Mes seins se dessèchent ; mon lait se tarit ; mon Dieu ! ayez pitié de moi ! »

13.
Elle le coucha au pied d'un arbre, le cœur navré de douleur de ce qu'elle ne pouvait plus le nourrir.
« Adieu, mon enfant, dit-elle, je ne saurais te voir mourir. »

14.
Mais les anges descendant du ciel lui apportèrent une bonne nouvelle :
« Comtesse, retourne sur tes pas, ton enfant a une nourrice : une biche lui donne ses mamelles. »

15.
Elle remercia Dieu avec effusion de cœur et s'approcha de la biche qui faisait téter son enfant.
Elle se pencha sur le cou de l'animal et l'embrassa avec reconnaissance.

16.
Quand son enfant eut calmé sa soif, elle s'adressa à la biche :
« Charmant petit animal, dit-elle, montre-nous une grotte où nous puissions demeurer ensemble. »

17.
L'animal marcha devant ; elle le suivit jusqu'à ce qu'elle aperçut une grotte abritée.
Après avoir remercié la bonté divine, ils mangèrent ensemble des racines et des herbes.

18.
Un soir, le Comte vint à s'entretenir avec Golo, de Drogan, le noble seigneur qu'il avait tué d'une manière aussi infâme.

19.
Mais voyez : aussitôt la cour de Trier sembla en proie aux flammes d'un incendie accompagnées de coups de tonnerre.
Alors leur apparut l'esprit de Drogan. On craignit la colère de Dieu.

20.
L'esprit fit signe au Comte de le suivre ; il le conduisit à l'endroit où était ses ossements.
Le Comte tomba par terre en s'écriant : « Je suis perdu. »

21.
L'esprit disparut, en jetant des hurlements, au milieu du tonnerre et des éclairs.
Le Comte demeura évanoui.
Les courtisans accoururent pour le secourir dans son effroi.

22.
Mais Dieu qui veut la justice en tout, abattra leur orgueil et leur fierté ; et fera briller au grand jour les vertus de la comtesse.

23.
Car après sept ans saintement passés dans la forêt avec son enfant, Dieu fit connaître ses vertus et son innocence.

24.
Pendant que le Comte était à la chasse, on lui remit à la hâte de Trier une lettre qui lui apprit qu'une vieille sorcière avait été brûlée.

25.
Avant de mourir, elle avait déclaré que, sur les excitations de Golo, elle avait trompé le Comte et que tout le mal dont on avait chargé la Comtesse était mensonge.

26.
Le Comte, transporté de fureur, tua le traître sur le coup ; on enchaîna les autres qui subirent à Trier, devant toute la cour, la punition de leurs méfaits.

27.
Ceux qui avaient perdu la comtesse furent écartelés par des bœufs.
Traîtres, apprenez ici que la trahison ne réussit jamais et reçoit sa punition de Dieu.

28.
Le Comte fondit en larmes. Il s'écria :
« Mon Dieu, j'ai fait périr mon épouse et mon propre fils, mon tendre enfant ; où trouverais-je de la consolation ?

29.
Dieu écouta ses gémissements. Un jour que le Comte était à la chasse, loin de sa suite, il aperçut tout-à-coup son fils.
Cette vue bouleversa son cœur.

30.
Il voulut s'en approcher mais l'enfant s'enfuit tremblant près de sa mère, au fond de la grotte.
Elle s'écria : « Quel bruit entends-je, que va-t-il m'arriver ? »

31.
Le noble Comte cria de toutes ses forces : « Noble et digne femme, hélas ! sors, sors de cette grotte.
Je te reconnais à ta douce voix, tu es la Comtesse. »

32.
— Je suis privée de vêtements, j'ai honte de paraître.
Autrement je serais déjà dans vos bras.
— Voici mon manteau de chasse, dit-il, tu pourras t'en envelopper. »

33.
Elle apparut avec son enfant ; la biche qui l'avait nourri de son lait les suivit aussitôt.
Le Comte s'écria : « Je ne mérite pas un aussi grand bonheur ! »

34.
Il s'agenouilla devant elle et lui dit : « Ma bien-aimée, pardonne-moi mon crime. »
— Relevez-vous, mon seigneur, dit-elle, vous ne m'avez jamais offensé.

35.
« Voyez devant vous votre fils. » Il le regarda avec tendresse et l'embrassa sur ses joues.
« Allons, chère amie, allons à notre palais ; que restons-nous ici ! »

36.
Il fit retentir la forêt du son de son cor.
Sa suite vint joyeusement à sa rencontre ; on salua la Comtesse palatine, en lui souhaitant bonheur et longue vie.

37.
Jamais Trier ne vit un jour plus heureux ; toute la cour, toute la ville furent dans la joie.
Le Comte retrouva son amour et ses premiers sentiments, et loua Dieu, le Seigneur des Seigneurs.

38.
Au milieu de la forêt, on éleva une chapelle où la mémoire de Geneviève, retracée sur l'or, brille pour la postérité.
Et cette histoire est véritable.


Source : Ed. de Coussemaker - Chants populaires des flamands de France, page 228

*Légende dont presque toutes les formes littéraires se sont emparées ;
drames ou tragédies en vers ou en prose, livres à l'usage des enfants, chansons, pièces de théâtre…
Inspira également de grands musiciens : Haydn, Schumann, Offenbach…

**Palatin : Se dit d'un seigneur chargé d'un office dans le palais d'un souverain carolingien ou du Saint Empire. (Larousse)

 

Voir d'autres versions de ce chant :

Geneviev a Vrabant (Bretagne - Vannetais) n° 2513 page 126

Approchez-vous, honorable assistance (Hainaut) n° 4901 page 246