Origine : Anjou
Année de l'arrangement : 2003


 

Ma mie Jeanneton


Si tu m'aimais ma mie Jeanneton,
Tot autant comme i t'aime,
Si t'avais d'l'amiti pir ma,
Comm' j'en ai pir ta,
Oh ! te le jur', te le proteste,
Que de la nit ine saurais dormir,
De l'amitié, de la tendresse,
Que tes bias œils mi faisiant souffrir !
Que tes œils mi faisiant souffrir !

 

2.
Y en a ben d'aut' que ma qui t'aimiont
Dans notre voisinage :
Daus sargents, daus procurassias (1)
Et bé d'aut's gas !
Is s'en alliont chez Monsieur nout' Maître :
« N'avez-vous point des papés (2) à liser ? (3)
Donnez-les nous dans noutre étude,
I saurons bé au déchaffourra (4) (bis)

 

3.
O t'avertis, ma mie Jeanneton,
Prends bé garde à tiés (5) marles…
Ne t'y laisse point attraper
Par tiés poès goussés ! (6)
Is ne viviont que de rapines,
Quand i pouviont y bout'r les dés. (7)
Ma feille, tu serais jà fine (8)
De t'y laisser embabijoler ! (9) (bis)

 

4.
Per ma; i ne sé qu'un pauver gas
Qui n'ai poet un gros lucre.
A en belle fille comme ta,
Mérite un biau gas.
O n'ai qu'mes bus et ma charrue
Et mes hargniers :
Ça valant bé tiés belles piumes
Que promeniont tiés procurassias !


Source : Marc Leclerc - Sur l'air Angevin, page 118

Chanté à Yzernay par Mme la Vicomtesse de Chabot, vers 1900, recueillie par Mme de Romans.

Témoignage éloquent de l'aversion du pésan pour l'écrivassier.
Ce procédurier qui le gruge…, l'Angevin le gouaille en disant :
« Y a ren d'si cher que la sueur de noûtaire ».

1 - procureur
2 - papiers
3 - lire
4 - déchiffrer
5 - ces
6 - pois en gousses, poseurs
7 - mettre les doigts
8 - guère fine
9 - enjôler