Origine : Flandre
Année de l'arrangement : 2003


 

Pierlala


Als Pierlala nu ruym twee jaer
Gelrgen had in't graf,
Hoord' hy een vreemd gerucht op d'aerd.
— wat onverwachte paf —
Men sloeg den trommel op zyn pit.
Pier dochte, wat donder is dit !
'k Stoeg stil, zey Pierlala, papa.
etc.


traduction

Pierlala

1. Depuis près de deux ans Pierlala était couché dans le tombeau, quand il entendit sur la terre un bruit étrange. Quel effroyable tintamarre ! On battait le tambour sur sa fosse. Quel est ce tonnerre ? Tenons-nous coi, dit Pierlala.

2. Mais quand le bruit du tambour eut cessé, il se fit un déchargement de fusils ; Pierre se dit : voilà de nouveau du grabuge; ce sont des patriotes et des volontaires. Comment, diable ! tout ceci finira-t-il ? Il entendit crier : Citoyen ! — Quest-ce cela, dit Pierlala.

3. La frayeur le fit sortir de son cercueil. Il secoua la tête ; il entendit de nouveau : pif, pouf, paf ; qui l'aurait jamais cru ! dit-il, et il s'éloigna sans qu'on s'en aperçut. — Je m'enfuis, dit Pierlala.

4. Il se promena dans la ville questionnant toutes sortes de gens. L'un dit ceci, l'autre cela, lui montrant ce qu'il y avait à voir. Il entendit la foule par peleton crier : « Vive la nation ! » — C'est du français, dit Pierlala.

5. Oui, nous sommes tous Français, lui répondit aussitôt quelqu'un. Cela n'est que trop clair. Le Flamand est ici hors de saison. Tu dois par peleton crier avec nous : Vive la nation ! — Je m'en vais, dit Pierlala.

6. Comment, tu t'en vas ! qui donc es-tu ? n'es-tu pas citoyen ? Pierre dit : je ne comprends pas le français. Vous savez bien ce que je pense : je suis un Allemand d'origine qui n'entend rien au français. — Je m'enfuis, dit Pierlala.

7. Mais comme il arriva à la porte, il vit un factionnaire ; c'était là le plus grave de l'affaire, car Pierre marcha sans prêter aucune attention. Qui vit ? lui cria-t-on en français. — Pierre, Pierre, quels sont ces sortes de gens , « Je ne te connais pas. — Ola, ola ! Tais-toi, dit Pierlala ».

8. Pierre dit : Mon ami, quels sont dans la ville tous ces gens que l'on appelle citoyens et qui parlent français ? J'ai bien vu des rémouleurs, mais jamais des gens de plus mauvaise mine. J'en dois rire à perdre la tête, dit Pierlala.

9. Le factionnaire dit : Ne plaisante pas, car la chose est sérieuse. — ça, camarade, il faut user de la farine nouvelle avec modération, car, cher factionnaire, crois-moi, vous êtes tous gens sans cervelle. ça, tas de rémouleurs, mettez-vous à la roue, j'en jure par l'âme du cochon.

10. Pierre rentra dans sa tombe, laissant là le fonctionnaire. d'autres vinrent le remplacer et le jeu finit là. Pierre… et lui montra ses talons. Adieu, mon citoyen.


Source : Ed. de Coussemaker - Chants populaires des flamands de France, page 303

Cette chanson répandue aussi bien en Flandre qu'en Belgique, date du temps de la conquête de Louis XIV.
A chaque événement nouveau, elle revêt une forme nouvelle ;
Pierre sort de sa tombe et dit sa façon de penser sur les hommes et les choses.
Sa verve nationale et satirique se dirige presque toujours contre ce qui est français.