Origine : Saintonge/Aunis
Année de l'arrangement : 2002


 

Camarad' je suis marié


Camarad' je suis marié
Avec un' femm' bien à mon gré.
A-t-ell' de quoi en mariage,
De quoi pour monter son ménage ?
L'a six francs moins six fois vingt sous,
Encor' j'vous en dis pas le tout.

 

2.
N'a-t-elle pas de quoi sanger, (1)
De chemis' alle en a-t-assez,
Alle en a deux qui sont bein blanges,
Par ma foi, qu'a' n'ont pas de manges ;
On la frange en haut, en bas,
Mais a' sont faites comme ça.

 

3.
Cheux nous j'avons six beaux draps neus,
N'en faudrait quat' p'r en p'tasser (2) deux.
Cheux nous j'avons un' gross' de nappes,
N'en faudrait huit p'r en petasser quatre ;
Nous pouvons bein nous glorifier
D'être des gens bein alingés (3).

 

4.
Cheux nous j'avons-t-in coffre neu.
N'a couverture ni desseus :
Nous y mettons notre beau linge
De peur que les rats puiss' y joindre.
Si l'étions gros comm' des maisons,
Creis bein que l'ériont poit au fond.

 

5.
Cheux nous j'avons-t-in beau lit neu,
N'a couverture ni desseus,
Et tot autour les rats qui filent
Font plus d'ouvrage que ma mie :
Mais les rideaux qui sont autour
N'empêchont poit de voir le jour.

 

6.
Cheux nous j'avons-t-in poupon d'lait,
Mais qu'est joli et qu'est bein fait ;
Mais l'est joli, mais le me charme;
Et mais surtout quand est c'qui braille,
Quant le s'ra parfait en beauté,
O s'ra quant il ara sangé.


Source : Jérôme Bujeaud - Chants et chansons populaires de provinces de l'ouest, t. 2 page 76

(1) Changer

(2) Petasser, repetasser; on appelle aussi petas la pièce qu'on ajoute en repetassant.
Le peuple dans son langage pittoresque appelle le petas, crachat de paysan, comparant ainsi ses loques aux décorations des grands.

(3) Etre alingé, avoir du linge.
C'est un des luxes des campagnards que d'être bien alingés.
Aussi voit-on les ménagères entasser constamment dans leurs armoires, bernes sur nappes et nappes sur serviettes.
(J. Bujeaud)