Origine : Bretagne
Année de l'arrangement : 2002


 

La fille changée en cane*


C'est une fill' de la Lorrain'
Que sa beauté lui fait d'la pein'.
Un jour que son pèr' la peignait,
Trois beaux galants la regardaient.

 

2.
Les trois galants la regardant,
Ils se disaient en même temps :
— La voilà donc, la joli' fille,
Qu'y a longtemps qu'mon cœur désire !

 

3.
Elle ne fut pas sitôt peignée
Qu'les jeun's galants l'ont emmenée,
L'ont emmenée dans une chambre,
Aux violons làvoù qu'on danse.

4.
En arrivant sur l'escalier,
Ne peut s'empêcher de pleurer :
— Hélas ! grand Dieu, voilà la chambre,
Où il faut que mon Dieu j'offense !

5.
Je prierai Dieu, saint Nicolas :
Dans l'abandon, n'me laissez pas !
Je prierai aussi Notre-Dame
Qu'elle me fass' devenir cane.

 

6.
La parol' fut point lâchée,
Que la caille s'est envolée,
S'est envolée par une grille
Dans un grand champ plein de lentilles.

 

7.
Tous les chasseurs des environs
Sont invités pour la tirer :
Ont bien tiré cinq cent coups d'armes,
Sans y pouvoir blesser la caille.

 

8.
— Je te l'avais bien dit
De la laisser dans son pays :
J'avais bien connu à sa mine
Que c'était une honnête fille.

9.
Le capitaine voyant ça,
Ne voulut plus être soldat,
Etre soldat ni capitaine ;
Dans un couvent se rendit moine.
ou 9.
Le capitain', tout désolé
Ne peut s'empêcher de pleurer :
— Si je t'avais su fille sage
Je t'aurais eue en mariage.

Source : Paul Bénichou - Nerval et la chanson folklorique, page 77

*Le miracle de la cane trouve son origine dans la ville de Monfort. (en 1376)

Une jeune fille fut enlevée par le commandant de la place, et de gré ou de force elle fut logée dans la tour qui sert aujourd'hui de prison.
Aussitôt on fit courir le bruit que cette fille s'étant vouée à saint Nicolas, le saint venait d'opérer un miracle en sa faveur.
Par ce moyen le scandale fut dissipé et le mécontentement apaisé.
La fille passa pour s'être envolée intacte sous la figure d'une cane par la fenêtre de la tour sur l'étang de Monfort.
Dès lors on remarqua parmi les nombreuses canes qui s'y trouvent habituellement une cane qui parut quelque peu différente des autres.
Tous les ans on ne manquait pas de faire la même remarque et le peuple accourait de toutes les communes pour assister à la procession de saint Nicolas (9 mai), on allait la reconnaître sur l'étang et lui rendre hommage.
Un jour qu'il y avait beaucoup de monde en admiration de la cane, un mécréant vint à passer armé d'une arquebuse;
son arme lui creva dans la main.

On dressa procès-verbal de cet événement comme d'un miracle bien avéré et enregistré aux archives de la ville.

Il faut observer que la cane était toujours une couveuse qui avait des petits à protéger.
Les petits passaient pour les enfants de la fille, non ceux qu'elle avait faits mais ceux qu'elle aurait dû faire.
Le dernier procès-verbal qui constate l'apparition de la cane est du 10 mai 1645 et a été rédigé par Eustache Lemoyne, sénéchal du comté de Monfort.

Cette ville prit par la suite le nom de Monfort-la-Cane.

(A. Guéraud - En Bretagne et Poitou, vol. 2 page 111)

Monfort-la-Cane est aujourd'hui Monfort-sur-Meu, en Ille-et-Vilaine.

 

Voir d'autres versions de cette chanson :

Ah ! qu'elle est belle (Québec) n° 1102 page 56

C'était la fille de la reine (Mayenne) n° 1423 page 72

La fille changée en cane (2) ( Poitou) n° 2047 page 103

La fille de Lorraine (Bretagne) n° 2262 page 114