Origine : Bretagne
Année de l'arrangement : 2001
Marzin enn he Gavel
Brema trizek miz ha teir zun
E oann dindan ar c'hoad e hun.
O ! hun eta, va mabik, va mabik ;
Hun eta, toutouik lalla.
2.
Klevis o kana ul lapous,
Kane ken flour, kane ken dous.
O ! hun eta...
etc.
Voici treize mois et trois semaines que dans le bois je m'endormis.
Dors donc, mon enfant, mon enfant; dors donc, enfant, dors.
J'avais ouï chanter un oiseau qui chantait si bien,
si doucement !
Dors…
Qui chantait si bien, si doucement, plus doucement que l'eau qui coule.
Tant que, sans y prendre assez garde, je le suivis l'esprit
charmé.
Je le suivis bien loin, bien loin ; hélas ! hélas ! que j'étais
jeune !
— O fille du roi, me disait-il, tu es belle comme
la rosée du matin.
Le jour levant est ravi quand il te regarde; ne le sais-tu pas ?
Le soleil lui-même est ravi. Et qui donc sera ton
époux ?
— Taisez-vous, taisez-vous, vilain petit oiseau ; votre petit bec est trop
libre.
Pourvu que le Roi du ciel jette un regard sur moi, que
m'importe le regard de l'aurore ?
Que m'importe le regard du soleil ou même de l'univers entier ?
Si vous me parlez mariage, parlez-moi du Roi du ciel.
Et pourtant il chantait de plus en plus doucement, et moi, je le suivais, la
tête basse.
Tant que je tombai endormie de fatigue sous un chêne,
dans un lieu écarté.
Et là je fis un rêve qui me troubla au-delà de tout.
Je rêvais que j'étais dans la maison d'un petit Duz, dans le
cercle des eaux d'une fontaine.
Ses pierres étaient si transparentes ! Ses pierres étaient si
brillantes !
Ses pierres étaient aussi diaphanes que le cristal !
Sur le sol, un tapis de mousse, des fleurs nouvelles semées
dessus.
Comme le petit Duz n'était pas chez lui, j'étais sans frayeur
et joyeuse.
Lorsque je vis venir de loin, à tire-d'aile, une
tourterelle.
Et elle frappa de son bec au mur transparent de la grotte.
Et moi, simple par pitié pour elle, d'aller lui
ouvrir la porte.
Et elle d'entrer et de voler en cercle autour de la maison.
Tantôt mon épaule, tantôt mon front,
tantôt elle effleurait mon sein.
Trois fois elle becqueta mon oreille, et de s'en retourner gaiement sous le
bois vert.
Si elle était gaie, elle; moi, je ne suis pas;
maudite soit l'heure où je m'endormis !
Les larmes coulent de mes yeux d'avoir un berceau à balancer.
Que ne sont-ils dans l'abîme de glace, les Esprits
noirs, tous, chair et os !
Que n'est-il faux mon rêve ! Que ne suis-je inconnue à tout le
monde !
L'enfant, tout nouveau-né qu'il était, se mit à rire, en
répétant :
— Taisez-vous, ma mère, ne pleurez pas, je ne vous causerai aucun
chagrin.
— Mais c'est pour moi un grand crève-cœur d'entendre appeler
mon père un Esprit noir.*
— Mon père, entre le ciel et la terre, est aussi brillant que la
lune.
— Mon père aime les pauvres gens, et, quand
il le peut, il les aide.
— Que Dieu préserve éternellement mon père de l'abîme
de glace !
— Mais bénie soit, au contraire, l'heure où
je naquis pour faire le bien.
— Où je naquis pour faire le bien de mon pays ; Que Dieu le garde
de chagrin !
La mère demeura stupéfaite : Voici
un prodige, s'il en fut jamais !
Dors donc, mon enfant, mon enfant; dors donc, enfant, dors.
Source : Th. Hersart de la Villemarqué - Barzaz Breiz, page 707
*Merlin était le fils de Lucifer et d'une humaine.