Origine : ?
Année de l'arrangement : 1985


 

J'ai du bon tabac


J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac tu n'en auras pas.
J'en ai du fin et du bien râpé,
Mais ce n'est pas pour ton vilain nez.
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac tu n'en auras pas.

 

2.
Ce refrain connu que chantait mon père,
A ce seul couplet il était borné.
Moi, je me suis déterminé
A le grossir comme mon nez.
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.

 

3.
Un noble héritier de gentilhommière
Recueille, tout seul, un fief blasonné.
Il dit à son frère puîné :
Sois abbé, je suis ton aîné.
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.

 

4.
Un vieil usurier, expert en affaire
Auquel par besoin l'on est amené,
A l'emprunteur infortuné
Dit, après l'avoir ruiné :
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.

 

5.
Juges, avocats, entr'ouvrant leur serre,
Au pauvre plaideur, par eux rançonné,
Après avoir pateliné,
Disent, le procès terminé :
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.

 

6.
D'un gros financier la coquette flaire
Les beaux bijoux d'or, de diamants orné.
Ce grigou, d'un air renfrogné,
Lui dit : malgré ton joli nez,
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.

 

7.
Tel qui veut nier l'esprit de Voltaire,
Est, pour le sentir, trop enchifrené.
Cet esprit est trop raffiné
Et il lui passe sous le nez.
Voltaire a l'esprit dans sa tabatière,
Et du bon tabac, tu n'en auras pas.

 

8.
Voilà huit couplets, cela ne fait guère
Pour un tel sujet bien assaisonné.
Mais j'ai peur qu'un priseur mal né
Me chante en me riant au nez :
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.


Source : Jean Edel Berthier Mille chants t. 2 page 117

Le texte lui-même nous apprend que le 1er couplet seul est d'origine populaire.

La suite serait de G. de l'Attaignant. (Clé du Caveau n° 1230).

C'est à Catherine de Médicis que nous devons le tabac.
Vers 1550, les américains en expédiaient des feuilles en Espagne et au Portugal.
Notre ambassadeur à Lisbonne, Jean Nicot, envoya quelques-unes de ces feuilles de tabac à la reine, qui y prit goût…

Au début ce ne furent que les grands seigneurs et les dames de la cour qui possédaient de ces précieuses feuilles de l'île de Tabago.
Or, les belles dames (commes les laides) avaient une petite râpe ornementée, qu'elles portaient en guise de châtelaine, avec laquelle on râpait une prise de tabac, au moment de se la fourrer dans le nez.

Peu à peu le tabac devint moins rare, et la bourgeoisie put se procurer cette nouveauté…
(J. B. Weckerlin)