Origine : Basse-Bretagne - Vannetais (Penquesten)
Année de l'arrangement : 2000


 

L'église commence à se mouiller


L'église commence à se mouiller
Lalira lura lura lanla !
L'église commence à se mouiller
Des pleurs de la nouvell' mariée.

 

2.
Des pleurs de la nouvell' mariée…
Et personn' pour la consoler.

 

3.
Et personn' pour la consoler…
Qu'un frère prêtre qu'elle avait.

 

4.
Qu'un frère prêtre qu'elle avait…
C'lui là, dit-on, la consolait.

 

5.
« Ma sœur, ma sœur, vous m'étonnez…
Qu'avez-vous donc à tant pleurer ? »

 

6.
— Quand je me mets à l'regarder…
Mon cœur en devient tout glacé ! »

 

7.
— Avec lui allez vous coucher…
Sur vous les port' seront fermées. »

 

8.
Sur vous les port' seront fermées…
Votre père en aura les clefs. »

 

9.
A pein' le prêtre s'endormit…
Qu'un doux soupir il entendit ;

 

10.
Qu'il entendit comme un grand cri…
Semblant la voix d'sa sœur Marie.

 

11.
« Mon père, donnez-moi les clefs !…
Dans la chambre allons regarder ! »

 

12.
Dès la troisième port' passée…
Sa sœur Marie il trouve tuée ;

 

13.
Sa sœur Marie il trouve tuée. …
De son sein le cœur arraché !

 

14.
« Mon frèr' si vous m'aimez un peu…
Ne me tuez pas d'un coup de feu.

 

15.
« Ne me tuez pas d'un coup de feu…
Sous un mat'las, étouffez-moi,

 

16.
Sous un mat'las, faut m'étouffer…
Ou bien mon sang faites couler,

 

17.
« Ou bien mon sang faites couler : …
Il faut souffrir pour le péché !

 

18.
« Cela faisait hier huit lun' …
Que, sur l'aire, un jour j'fus mordue

 

19.
« Que, sur l'aire, un jour j'fus mordue…
Par un affreux petit chien noir.


Source : Joseph Canteloube - Anthologie des Chants Populaires Français, t. 4 page 388

Origine : Loeiz Herrieu Chansons populaires du pays de Vannes page 74

Chanté par Marie-Josèphe le Danvic, à Kernavel, Penquesten.


On trouve une variante dans le volume de François Cadic Chansons populaires de Bretagne page 545
lequel apporte quelques éclaircissements sur cette étrange affaire.

"…se figure-t-on l'épouvante répandue dans la contrée, à la nouvelle qu'une jeune fille,
la nuit même de son mariage, a eu le cœur arraché par celui qu'elle a épousé ?
Le malheureux, après avoir été mordu par un chien enragé, pouvait se croire immunisé, au bout de " quatorze lunaisons ",
et voilà que soudain, en entendant jouer les sonneurs, l'accès se déclarait et le crime effroyable était commis.

Il n'y a d'ailleurs pas là de quoi étonner.
Malgré les découvertes de Pasteur, les cas de rage sont encore trop fréquents de nos jours, surtout dans les campagnes,
pour qu'on en ignore les terribles effets.
Si le mal n'est pas soigné à temps, il suit son cours, et tôt ou tard, mais toujours infailliblement,
il aboutit à la terrible crise finale.
La victime doit être mise à l'instant dans l'impossibilité de nuire, car ses souffrances dépassent l'imagination,
et il n'est excès qu'elle ne soit capable de commettre.

…jadis, à défaut de remèdes de la science, on ne connaissait d'autre procédé que la violence.
On l'étouffait tout simplement entre deux matelas.

Il y avait bien aussi le recours à l'intervention surnaturelle, mais les saints dispensent leurs dons à qui bon leur semble,
et le miracle ne fut jamais qu'une exception…"
(Fr. Cadic)